lundi 26 novembre 2012

Chi non s'avventura non ha ventura


C’est une forêt d’histoires. Qui s’entrecroisent, se mêlent sans se rencontrer jamais. Il s’agit de raconter celle d’Athanase Kircher, grand savant, inventeur aveuglé par sa foi en NSJC, un homme étonnant qui a réellement existé et a marqué son époque. C’est l’inventeur de la lanterne magique, ancêtre du cinoche. Par contre, en déchiffrage de langues inconnues, il n’était pas très bon. Heureusement, Champollion est arrivé, mais après. On peut également y lire celle des carnets d’Eléazard qui commente la première, tout en tentant d’oublier sa femme Elaine partie en mission de paléontologie, en pleine forêt amazonienne et qui est en bien mauvaise posture. Loredana, Italienne bien en chair, l’aide un peu, même si c’est Soledad qui est amoureuse de lui. Et puis il y a Moéma, Marlene le travesti, Ze et Nelson, qui jouent les pauvres de service. Il y en a, des pauvres « de service » dans ces histoires. Eux ne voient jamais la transformation de pierres en or, même en rêve. Ils jouent les bernés et triment du matin au soir et du soir au matin, sans jamais de repos sauf le dernier. En grisé se profile l’histoire du Brésil, conquête des Portugais sur les Indiens, conquête de l’homme blanc sur la forêt, conquête des riches sur les pauvres, toujours d’actualité. 
En même temps, on est à Rome en 1650 avec la valse des papes et leurs commandes d’œuvres d’art toutes plus belles les unes que les autres. La célèbre Fontana dei quattro fiume nous offre son histoire, et aussi l’éléphant sculpté par Le Bernin devant Santa Maria Maggiore, mais il y a également les histoires de magouilles foncières, fiscales et politiciennes, des années plus tard, à des milliers de kilomètres de là, de l’autre côté de l’océan. On y croise même des indiens qui n’ont jamais vu d’homme blanc, même s’ils parlent un peu latin. Mais à ce moment du récit, ils en voient justement, des blancs qui se sont perdus en voulant trouver l’eldorado sous forme de fossiles. Seront-ils sauvés, seront-ils mangés ? C’est une histoire de tigres, qui sont chez eux.

On passe d’une histoire à l’autre, d’un personnage à l’autre. Un peu perdus au début, on s’y retrouve assez vite et on attend la suite avec impatience. Il faut donc tourner la page et passer au chapitre suivant. On y passerait la nuit.

Je ne sais plus où j’avais trouvé la critique de ce bouquin, qui m’avait donné envie de le lire. Les tigres y sont bien chez eux.
Je ne peux occulter ce passage, tellement d’actualité en ces temps si fragiles :
« Si un croyant se sent insulté parce qu’on a moqué l’image de son dieu, c’est, au mieux, qu’il doute encore de son existence, au pire, qu’il est assez stupide pour s’identifier à lui. Mais qu’il trouve des armes pour venger cette offense dans les lois d’une société ou dans leur négation, cela le transforme en ennemi juré, en bête fauve à encager. »

Bref, c’est un bouquin écrit en langue française, qui parle du Brésil, des hiéroglyphes et de cocaïne. Sur les liseuses électroniques, il n’existe qu’en langue anglaise, alors achetez-le en librairie !
Et pour tous ceux qui ont eu des parents communistes, comme moi : «  Sous prétexte que les communistes se sont cassé la gueule en URSS (…), il faudrait cracher sur le marxisme, rejeter la lutte contre l’oppression, l’espoir du Grand Jour ? Non, princesse, ça arrangeait trop de monde, cette histoire. C’était pas net du tout. Ils se pavanent aujourd’hui, mais ils ont développé que le sous-développement, si tu veux mon avis. Même l’aide aux pays du tiers-monde, tu sais comment ça marche ? On prend du fric aux pauvres des pays riches pour le donner aux riches des pays pauvres… ».

Bien sûr ça finit assez mal. Y compris pour l’avenir et pour ceux qui restent : « Faire office de télévision, de calculette, d’agenda, de livre de comptes, de catalogue commercial, d’alarme, de téléphone ou de simulateur de conduite automobile, c’est ce qui pouvait arriver de pire à l’ordinateur. Ernst Jünger nous avait pourtant prévenus : L’importance des robots, écrivait-il en 1945, croîtra à mesure que se multiplieront les cuistres, donc dans d’énormes proportions ». Ce sont des histoires hélas très réalistes.

      Là où les tigres sont chez eux – Jean-Marie Blas de Roblès - Zulma 2008

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