dimanche 18 novembre 2012

Quelque chose à faire avant la fin du monde


C’est bientôt les fêtes de fin d’année. C’est donc le moment de fouiner pendant des heures dans les librairies, en prenant son temps pour lire les 4èmes de couverture, voire plus. On peut y faire des cadeaux, pour soi ou pour les autres. Mais il faut aller dans tous les rayons, y compris ceux dans lesquels on ne va jamais d'habitude.
Alors j’y suis allée, plusieurs fois et j’ai pris mon temps. J’ai été attirée, non pas par le Prix Goncourt mais par un petit bouquin intitulé « 99 choses à faire en attendant la fin du monde » (Eric Bouhier – Le passage – 2012), qui comme chacun sait, se situe le 21décembre de cette année.
Ca pourrait bien faire un petit cadeau charmant. Surtout ça m’a donné envie, au lieu de vous barber avec la fin du monde, de vous faire aussi un petit cadeau de fin d’année qui raconte plutôt un début, un commencement, une entrée en matière en quelque sorte :


CAFE LITTERAIRE
Un matin de bonne heure, il fait encore presque nuit, elle passe devant la boîte à livres de la bibliothèque et se prépare à y déposer les livres empruntés, lus, terminés, pas tous aimés. De loin elle aperçoit quelqu’un arrivé avant elle et qui s’est arrêté devant la boîte, immobile. Il se tient là sans bouger depuis plusieurs secondes et a l’air d’attendre à l’envers. Elle s’approche pour comprendre, que fait-il donc ? Elle n’en croit pas ses yeux : cet homme, venu aussi pour déposer ses livres, ne peut s’en détacher et avant de les remettre définitivement dans le pot commun, de les laisser tomber de haut, les regarde une dernière fois, lit encore le passage tellement apprécié, feuillette encore les pages, caresse encore d’un doigt la couverture qui l’a accompagné plusieurs soirs. Il ne peut se décider à les rendre, sûrement c’était de très bons livres. Elle ne sait si elle doit en rire ou en rester attendrie, en tout cas elle ne sait que faire et s’approche quand même un peu, il faut malgré tout qu’elle se décide à faire quelque chose pour qu’il lui laisse un passage.
Elle, n’a pas de mal à se détacher des choses matérielles (les livres sont-ils des choses matérielles ?) même si elle se souvient que, toute petite, elle avait beaucoup de mal à jeter une lettre dans la boîte, avec l’impression d’y jeter en même temps une partie d’elle-même, d’une manière irréversible. 
 La boîte à livres de la bibliothèque lui ressemble un peu, à la boîte à lettres de son enfance mais heureusement ce n’est pas irréversible et ça lui fait moins peur : on peut retrouver les livres partout, si ce n’est dans ce même endroit, dans des tas de librairies qui ont les portes grandes ouvertes.  L’avantage, c’est justement de n’acheter là que ceux qui lui ont vraiment plu ici.
Finalement l’homme s’aperçoit de sa présence et se confond en excuses et vagues explications : il vérifie s’il n’a rien oublié dans le livre, ou il se demande si c’est bien celui-là qu’il doit rendre aujourd’hui… Elle rit et lui dit qu’il n’a pas d’explications à donner, aimer un livre, même de bibliothèque, c’est arrivé à tout un chacun. D’ailleurs ces endroits ne sont ils pas faits justement pour découvrir sans débourser un « cent » des merveilles qui n’auraient même pas été feuilletées dans un rayon de libraire voire même pas seulement commandées ou proposées par le libraire lui-même ?
Il la regarde et finit par rire lui aussi, en lui disant que oui, elle a bien raison, c’est que ce livre à lui a rappelé beaucoup de choses qui se sont passées dans sa vie à lui et effectivement il a du mal à s’en détacher et pensait justement aller l’acheter, aurait-elle le temps de venir avec lui, ils en profiteraient pour parler de leurs goûts littéraires…
Entrée en matière abrupte, les chapitres qui suivent seront ils de la même veine ? Interloquée, elle répond non bien sûr elle ne peut pas, pas maintenant, car elle part travailler, une fois les livres rendus…  Cependant il faut bien une suite à ce premier chapitre, alors il l’invite à boire un café, samedi prochain pourquoi pas, sûrement, elle ne travaille pas le samedi ? La librairie étrangère rue Cortès a  de bien belles choses sur lesquelles on peut discourir des heures et en plus on peut également y boire un café, un thé que sais-je, accompagné même parfois, si l’envie nous en prenait, de gâteaux faits maison.
Elle ne sait pas dire non, ne veut pas vraiment dire oui et reste la bouche ouverte quelques secondes. Cela ne ravise pas cet homme qui s’en va en lui disant donc à samedi 15h, je compte sur vous, j’espère sincèrement vous revoir ; je suis sûr qu’on a beaucoup de choses en commun. Elle le rappelle en lui indiquant qu’il a encore à la main le livre tant apprécié, elle rit franchement, c’est vraiment un drôle de type. Lui ne s’en fait pas et lui tend le manuel en lui demandant si elle peut le faire pour lui, ce sera plus simple comme ça. Elle dit oui, à bientôt et en glissant le livre dans la boîte ne peut s’empêcher d’en lire le titre :
« allons voir plus loin, veux tu ? »
Elle se retourne vivement mais l’homme s’est déjà éloigné, elle ne peut le héler de si loin et d’ailleurs, que lui dirait-elle ? Savait-il qu’elle allait lire ce titre et l’avait il fait intentionnellement ? Elle ne le saura que si elle va au rendez-vous donné. C’est un joli piège, un joli hameçon, une jolie façon de lier connaissance.
Elle glisse quand même le livre dans la boîte, le sien puis les autres qu’elle avait apportés. Pendant qu’ils tombent les uns sur les autres, elle réfléchit, se pose des questions qui n’auront de réponse que plus tard.
Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’elle a lu ce livre, qu’elle l’a aussi adoré et qu’elle a aussi beaucoup aimé le suivant du même auteur. Qui s’intitule « longtemps ». De bien beaux samedis en perspective…

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