C’est bientôt les fêtes de fin d’année. C’est donc
le moment de fouiner pendant des heures dans les librairies, en prenant son
temps pour lire les 4èmes de couverture, voire plus. On peut y faire des
cadeaux, pour soi ou pour les autres. Mais il faut aller dans tous les rayons,
y compris ceux dans lesquels on ne va jamais d'habitude.
Alors j’y suis allée, plusieurs fois et j’ai pris
mon temps. J’ai été attirée, non pas par le Prix Goncourt mais par un petit
bouquin intitulé « 99 choses à faire en attendant la fin du monde »
(Eric Bouhier – Le passage – 2012), qui comme chacun sait, se situe le 21décembre de cette année.
Ca pourrait bien faire un petit cadeau charmant. Surtout
ça m’a donné envie, au lieu de vous barber avec la fin du monde, de vous faire
aussi un petit cadeau de fin d’année qui raconte plutôt un début, un
commencement, une entrée en matière en quelque sorte :
CAFE LITTERAIRE
Un matin de bonne
heure, il fait encore presque nuit, elle passe devant la boîte à livres de la
bibliothèque et se prépare à y déposer les livres empruntés, lus, terminés, pas
tous aimés. De loin elle aperçoit quelqu’un arrivé avant elle et qui s’est
arrêté devant la boîte, immobile. Il se tient là sans bouger depuis plusieurs
secondes et a l’air d’attendre à l’envers. Elle s’approche pour comprendre, que
fait-il donc ? Elle n’en croit pas ses yeux : cet homme, venu aussi pour
déposer ses livres, ne peut s’en détacher et avant de les remettre
définitivement dans le pot commun, de les laisser tomber de haut, les regarde
une dernière fois, lit encore le passage tellement apprécié, feuillette encore
les pages, caresse encore d’un doigt la couverture qui l’a accompagné plusieurs
soirs. Il ne peut se décider à les rendre, sûrement c’était de très bons
livres. Elle ne sait si elle doit en rire ou en rester attendrie, en tout cas
elle ne sait que faire et s’approche quand même un peu, il faut malgré tout
qu’elle se décide à faire quelque chose pour qu’il lui laisse un passage.
Elle, n’a pas de
mal à se détacher des choses matérielles (les livres sont-ils des choses
matérielles ?) même si elle se souvient que, toute petite, elle avait
beaucoup de mal à jeter une lettre dans la boîte, avec l’impression d’y jeter
en même temps une partie d’elle-même, d’une manière irréversible.
La boîte à
livres de la bibliothèque lui ressemble un peu, à la boîte à lettres de son
enfance mais heureusement ce n’est pas irréversible et ça lui fait moins
peur : on peut retrouver les livres partout, si ce n’est dans ce même
endroit, dans des tas de librairies qui ont les portes grandes ouvertes. L’avantage, c’est justement de
n’acheter là que ceux qui lui ont vraiment plu ici.
Finalement
l’homme s’aperçoit de sa présence et se confond en excuses et vagues
explications : il vérifie s’il n’a rien oublié dans le livre, ou il se
demande si c’est bien celui-là qu’il doit rendre aujourd’hui… Elle rit et lui
dit qu’il n’a pas d’explications à donner, aimer un livre, même de
bibliothèque, c’est arrivé à tout un chacun. D’ailleurs ces endroits ne sont
ils pas faits justement pour découvrir sans débourser un « cent » des
merveilles qui n’auraient même pas été feuilletées dans un rayon de
libraire voire même pas seulement commandées ou proposées par le libraire
lui-même ?
Il la regarde et
finit par rire lui aussi, en lui disant que oui, elle a bien raison, c’est que
ce livre à lui a rappelé beaucoup de choses qui se sont passées dans sa vie à
lui et effectivement il a du mal à s’en détacher et pensait justement aller
l’acheter, aurait-elle le temps de venir avec lui, ils en profiteraient pour
parler de leurs goûts littéraires…
Entrée en
matière abrupte, les chapitres qui suivent seront ils de la même veine ?
Interloquée, elle répond non bien sûr elle ne peut pas, pas maintenant, car
elle part travailler, une fois les livres rendus… Cependant il faut bien une suite à ce premier chapitre,
alors il l’invite à boire un café, samedi prochain pourquoi pas, sûrement, elle
ne travaille pas le samedi ? La librairie étrangère rue Cortès a de bien belles choses sur lesquelles on
peut discourir des heures et en plus on peut également y boire un café, un thé
que sais-je, accompagné même parfois, si l’envie nous en prenait, de gâteaux
faits maison.
Elle ne sait pas
dire non, ne veut pas vraiment dire oui et reste la bouche ouverte quelques secondes.
Cela ne ravise pas cet homme qui s’en va en lui disant donc à samedi 15h, je
compte sur vous, j’espère sincèrement vous revoir ; je suis sûr qu’on a
beaucoup de choses en commun. Elle le rappelle en lui indiquant qu’il a encore
à la main le livre tant apprécié, elle rit franchement, c’est vraiment un drôle
de type. Lui ne s’en fait pas et lui tend le manuel en lui demandant si elle
peut le faire pour lui, ce sera plus simple comme ça. Elle dit oui, à bientôt
et en glissant le livre dans la boîte ne peut s’empêcher d’en lire le
titre :
« allons voir
plus loin, veux tu ? »
Elle se retourne
vivement mais l’homme s’est déjà éloigné, elle ne peut le héler de si loin et
d’ailleurs, que lui dirait-elle ? Savait-il qu’elle allait lire ce titre
et l’avait il fait intentionnellement ? Elle ne le saura que si elle va au
rendez-vous donné. C’est un joli piège, un joli hameçon, une jolie façon de
lier connaissance.
Elle glisse
quand même le livre dans la boîte, le sien puis les autres qu’elle avait
apportés. Pendant qu’ils tombent les uns sur les autres, elle réfléchit, se
pose des questions qui n’auront de réponse que plus tard.
Ce qu’il ne sait
pas, c’est qu’elle a lu ce livre, qu’elle l’a aussi adoré et qu’elle a aussi
beaucoup aimé le suivant du même auteur. Qui s’intitule
« longtemps ». De bien beaux samedis en perspective…
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