dimanche 15 décembre 2013
mercredi 11 décembre 2013
Amour, toujours...
Jacques Brel le chantait aussi : ça fait du bien d'être amoureux... c'est vrai depuis avant la Renaissance et ça dure encore, la preuve en goguette :
Version originale (ou presque)
Tant que vivrai en âge florissant
Je servirai amour le dieu puissant
En faistz en dictz en chansons et accords
Par plusieurs jours m’a tenu languissant
Mais après deuil m’a fait réjouissant
Car j’ai l’amour de la belle au gent corps
Son alliance c’est ma fiance
Son cœur est mien le mien est sien
Fy de tristesse vive liesse
Puisqu’en amours
Puisqu’en amours a tant de bien
Quand je la veux servir et honorer
Quand par écrit veux son nom décorer
Quand je la vois et visite souvent
Les envieux n’en font que murmurer
Mais notre amour n’en saurait moins durer
Autant ou plus en emporte le vent
Malgré envie toute ma vie
Je l’aimerai et chanterai
C’est la première c’est la dernière
Que j’ai servie que j’ai servie et servirai
Claudin de Sermisy (1490-1562)
Version sous-titrée (XXIème siècle)
Tant que je s’rai encore vert et galant
J’kifferai l’amour, c’est vraiment trop planant
Le faire le dire partout sur tous les tons
J’ai trop longtemps attendu ce moment
Mais enfin j’y suis vraiment arrivé
J’l’ai eu c’te fille, une merveille de p’tit corps
J’suis accroché, presque marié
On s’aime trop, on est accro
Je n’suis plus triste, trop gai l’artiste
Etre amoureux, être amoureux ça fait trop de bien
Quand j’veux la voir, l’embrasser et l’aimer
Quand j’lui envoie des textos calibrés
Quand j’vais chez elle dès ses parents partis
Tous les voisins commencent à la ramener
Mais on s’en fout on est si bien au lit
On en profite tant que ça veut bien durer
M’en fous d’ces vieux, c’est elle que j’veux
Pour toute la vie, sans un radis,
C’est elle que j’aime, ma seule reine
De mes vingt ans, et pourquoi pas encore longtemps
Version originale (ou presque)
Tant que vivrai en âge florissant
Je servirai amour le dieu puissant
En faistz en dictz en chansons et accords
Par plusieurs jours m’a tenu languissant
Mais après deuil m’a fait réjouissant
Car j’ai l’amour de la belle au gent corps
Son alliance c’est ma fiance
Son cœur est mien le mien est sien
Fy de tristesse vive liesse
Puisqu’en amours
Puisqu’en amours a tant de bien
Quand je la veux servir et honorer
Quand par écrit veux son nom décorer
Quand je la vois et visite souvent
Les envieux n’en font que murmurer
Mais notre amour n’en saurait moins durer
Autant ou plus en emporte le vent
Malgré envie toute ma vie
Je l’aimerai et chanterai
C’est la première c’est la dernière
Que j’ai servie que j’ai servie et servirai
Claudin de Sermisy (1490-1562)
Version sous-titrée (XXIème siècle)
Tant que je s’rai encore vert et galant
J’kifferai l’amour, c’est vraiment trop planant
Le faire le dire partout sur tous les tons
J’ai trop longtemps attendu ce moment
Mais enfin j’y suis vraiment arrivé
J’l’ai eu c’te fille, une merveille de p’tit corps
J’suis accroché, presque marié
On s’aime trop, on est accro
Je n’suis plus triste, trop gai l’artiste
Etre amoureux, être amoureux ça fait trop de bien
Quand j’veux la voir, l’embrasser et l’aimer
Quand j’lui envoie des textos calibrés
Quand j’vais chez elle dès ses parents partis
Tous les voisins commencent à la ramener
Mais on s’en fout on est si bien au lit
On en profite tant que ça veut bien durer
M’en fous d’ces vieux, c’est elle que j’veux
Pour toute la vie, sans un radis,
C’est elle que j’aime, ma seule reine
De mes vingt ans, et pourquoi pas encore longtemps
mardi 3 décembre 2013
Du vent dans l'escarcelle_3
J’habite 48 place de l’Echafaud.
Avec un E majuscule, parce qu’à l’époque, c’était quelque chose, un vrai
spectacle, où l’on était admis à tout âge, sans restriction. On devait y
arriver tôt, sur la place, pour avoir une chance d’y apercevoir quelque chose.
Mais ensuite, on pouvait déguster : arrivée des condamnés en charrette,
liés et serrés de près par la maréchaussée ; découpage du col de chemise
et balayage des cheveux trop longs ; montée de l’escalier en bois, et à
genoux, hop, glisse la lame, tombe la tête, on passe au suivant.
Je ne sais même pas pourquoi
j’explique tout ça alors que j’ai toujours été dans le rejet de toute violence. Au
fur et à mesure de mes études, de ma prise de conscience sociale et politique,
j’ai lutté sans relâche contre toute forme de torture et la peine de mort.
Etudiant, je distribuais des tracts et écrivais des billets pleins de fougue
dans « La Gazette du droit », billets que je signais d’un pseudonyme,
on ne sait jamais avec les profs en robe, ils auraient pu tout aussi bien me
saquer aux oraux. Car il faut bien le dire, à l’époque, fin des années 60, la
plupart étaient pour, ou ne se posait même pas la question. C’est peut-être
différent aujourd’hui, encore que je n’en sois même pas sûr. Peu m’importe
maintenant. J’ai rapidement compris qu’il fallait aller plus loin pour
convaincre. J’ai commencé à fréquenter des milieux aux opinions tranchées mais
pas en faveur de la tête, plutôt du condamné. Plus guère de personnes s’en
souviennent, mais à l’époque, c’était inimaginable et on se serait fait cracher
à la figure si on avait manifesté dans la rue pour ça. On restait donc entre
nous, dans des bistrots enfumés, à imaginer le futur tel qu’on le rêvait.
Et puis j’ai fait une rencontre
qui a changé ma vie. Qui a eu Monsieur Robert Badinter en cours de droit à
l’université ne peut pas ne pas s’en souvenir, ne pas adhérer au moins en
partie à ce qu’il nous disait, déjà, pour nous convaincre, étudiants et futurs
avocats, magistrats, juges et peut être décideurs politiques. En tout cas, moi
j’ai été subjugué, par les convictions, par l’homme, par sa manière d’être,
toujours égal et maître de lui. Impossible d’être tout à fait contre ses idées,
ou alors on n’assistait pas à ses cours, déjà trop rares.
Quand il est entré vraiment en politique,
au gouvernement de gauche en 1981, j’avais déjà été plus militant qu’avocat au
cours de mes études et dans la mouvance de ces années fastes, je suis moi aussi
entré en politique, le plus jeune député de France et j’ai participé à tous les
débats, houleux et passionnés, au sein de l’Assemblée nationale. Tout cela me
semble loin, maintenant. Je n’ai plus jamais ressenti cette fougue, cet élan, que
l’on a ressenti dans son combat contre la peine de mort. Dans aucun combat
politique que j’ai mené, si courageux soit-il, même si nous étions souvent convaincus
de ce que nous faisions, je n’ai autant vibré. Il me semblait que travailler
pour de nouvelles libertés allait changer le monde, en tout cas ce vieux pays,
qui pouvait adopter de telles réformes en si peu de temps. Il me semblait qu’on
allait être le moteur de toute une constellation de pays européens qui nous
suivraient, sur un chemin pavé de bonnes intentions.
Et l’enfer est arrivé. Mon cousin, quasi un frère aîné, est
mort et lorsque je suis allé à l’enterrement, sa femme m’a remis un colis. Elle
a dit : c’est pour toi, de la part d’Ernest. Je ne sais pas ce qui est
dedans, il m’a interdit de le lire. Je suppose que c’est le fruit de ses
recherches généalogiques, tu sais comme il passait du temps là-dessus. Des
recherches généalogiques ? Non je ne savais pas, il ne m’en avait jamais
parlé, alors qu’on se racontait presque tout. J’ai compris pourquoi plus tard,
quand j’ai enfin pu ouvrir cette grosse enveloppe. Après de nombreuses
recherches, Ernest a découvert que nous sommes les descendants directs de la
famille Sanson, bourreaux en France pendant plus de deux siècles. Henri-Clément
Sanson avait certes des relations nombreuses avec des garçons, comme beaucoup,
mais il a également eu le temps de faire quelques enfants à sa femme légitime.
Personne ne s’en est occupé, car une fois destitué, le nom s’est perdu avec la
fonction et on a trouvé ensuite d’autres fonctionnaires zélés pour faire
office. Mais qu’à cela ne tienne, les papiers que j’avais sous les yeux ne
laissaient place à aucun doute, j’étais, moi, l’un des petits fils d’un
bourreau, de ceux qui ont mis à mort et guillotiné rois et gueux
indifféremment.
Tout ce que j’avais fait jusque
là n’avait servi à rien. Ecoeuré, j’ai tout arrêté. J’ai démissionné de mon
siège de député, ce qui a fait le bonheur de ma suppléante. Je n’ai rien dit à
personne, je suis allé me cacher à ma place, celle de l’Echafaud, mon antre. Je
me suis réfugié avec pour seul soutien le fait qu’aucune famille, ni enfants, ni
descendants ne me survivrait. J’ai brûlé tous les papiers, et lorsqu’on
m’oubliera, cette lignée, enfin, s’éteindra à jamais.