Et
c’est comme tous les jeudis. Un ronflement continu monte du bout de
la rue parce que le jeudi, c’est le jour de ramassage des
poubelles. Quand j’étais petite, j’avais vu des images de livre
d’histoire qui montraient que pendant la Grande Peste, les cadavres
étaient ramassés au petit matin, par d’autres un peu moins
pestiférés qu’eux, puis entassés pêle-mêle dans une charrette
à bras. C’était morbide mais pratique, avais-je pensé. Une bonne
façon de se débarrasser d’un cadavre qui gêne rapidement dans
tous les cas. Mais aujourd’hui, c’est une odeur légère de gaz
qui flotte encore sur la ville et elle n’est pas pestilentielle,
juste persistante depuis le début de la semaine. Chacun au creux de
son lit, se demande de quoi il s’agit, réminiscence du passé.
N’osant pas mettre le nez dehors. S’extirpant péniblement pour
allumer la radio, au cas où Paris serait à l’écoute de la
province, pour une fois. Mais non, il n’y a pas de déclaration au
niveau national, pas de promesse que tout sera mis en œuvre
rapidement pour remédier à la situation, donc ce n’est sûrement
pas grave ; c’est la nappe habituelle qui s’immisce dans les
recoins. J’ai entendu dire qu’il y a des villes sur lesquelles
flotte une odeur de chocolat, lorsque le temps est à la pluie. Je
rêve à des odeurs chaudes, qui donnent envie de se lever, de mettre
le nez dehors. Mais la lumière grisâtre qui filtre de la fenêtre
ne donne envie de rien. Il vaut mieux que je reste couchée encore un
peu, pelotonnée sous les couvertures et me demandant justement
comment payer la facture de gaz, jetée sur la table de chevet. De
nos jours, il n’est plus question de se permettre de coucher avec
l’employé, le « gazier » qui venait relever les
compteurs, tout est fait automatiquement. Une société sans rapports
humains, sans heurts, avec des circuits électroniques partout qui
font le boulot à notre place, silencieusement et sans mettre la
pagaille à chaque arrêt de travail avec préavis déposé à la
préfecture.
On
a frappé à la porte. Deux coups. Je ne me suis pas levée, je n’ai
pas répondu. Les pas ont reculé, sont partis. Ça
pouvait pas être des bonnes nouvelles de toute façon. Et c’était
déjà trop tard.
Je
me suis mise à penser à ma copine Agathe, infirmière à l’hôpital,
en grève depuis 15 jours ; qui se faisait insulter par les
« accompagnants » venus égrener leur visite quotidienne
à un plus ou moins proche. Impossible de s’expliquer. Impossible
de leur dire toute la difficulté à se faire entendre dans un tel
milieu, habitué à faire grève à la japonaise, avec juste un
brassard comme étendard. Au bout d’un moment, c’est quand même
limité comme action, invisible. Alors on se décide à installer un
piquet de grève, à l’entrée. Je pensais à ce qu’elle me
disait ; que c’était finalement encore plus dur car il n’y
avait plus aucune compassion, aucune compréhension, de la part des
malades comme de celle des visiteurs. Un agent médical, ça ferme sa
gueule et ça bosse en souriant. C’est le prix à payer pour être
apprécié. Alors mercredi, Agathe est partie, elle a pris le train
pour la première fois de sa vie.
Moi
aussi quand j’étais plus jeune j’avais pensé à faire des
études d’infirmière. La rumeur promettait d’y trouver un bon
mari, futur médecin, avec tranquillité à la clé. Mais j’étais
pas très douée, déjà, pour la compassion. Et puis, à Pau, on
était plutôt orienté vers les métiers technologiques, liés au
gaz de Lacq. Les autres matières, y compris médecine et ses dérivés, n'avaient pas bonne presse dans la plupart des familles. Ensuite j’ai cru, comme
tout le monde, aux belles paroles et aux discours sur le
développement industriel et ses bienfaits sur le territoire. Encore
plus tard, les promesses des candidats de tout bord ont presque
emporté mon adhésion, discours et envolées sur la vraie révolution
technologique qui allait changer la vie, notre vie, grâce à la
recherche qu’ils allaient soutenir ; tout en nous assurant que tout
était organisé de la manière la plus sécurisée du monde. On
était les plus forts. On allait gagner.
On
est déjà vendredi. Je ne me suis toujours pas levée. Les rumeurs
de la vie, de la ville n’ont pas suffi à m’encourager. Pour quoi
faire ? Où aller ? L’inertie a des avantages, au moins
celui de rester discret. Et caché.
Fabrice
et moi, on a tout gagné. On était tous les deux employés quand on
s’est connu. Fabrice, lui, était déjà maigre comme un fifrelin,
c’est pour ça qu’on a décelé si tard sa maladie. Ça
se voyait pas. Comme le roseau, qui plie et ne casse pas. Il a tenu
le coup si longtemps, on n’aurait pas cru. Quand on s’est mis
ensemble, on ne s’est rien promis mais c’était sûr : on
allait vivre heureux et presque riches. Le déclin a démarré en
même temps que nous et la descente aux enfers s’est faite
progressivement, tout doucement, sans qu’on y prenne garde. En même
temps que décroissait la production, augmentait notre dénuement.
Moi j’avais bien vu qu’on n’allait pas s’en sortir alors j’ai
pris les devants ; de toute manière, d’employée j’étais
déjà devenue intérimaire : le même boulot mais corvéable à
merci, sans contrat ni durée, déterminée ou pas. Ça
laisse du temps libre, au moins durant les longues périodes
d’ « inactivité », comme ça s’appelait. J’ai
appris le métier de coiffeuse, j’ai toujours été habile de mes
mains. C’était l’époque des couleurs chimiques permanentées.
Mes mains s’en souviennent encore, on ne mettait pas de gants à
l’époque. Chaque tache, chaque pli a une histoire et encore
aujourd’hui, je les cache tout le temps, dans mes poches, sous le
drap, entre mes genoux, peu importe pourvu que personne ne les
remarque. Je coiffais les femmes des médecins, ceux-là qui auraient
peut-être pu sauver Fabrice quand il en était encore temps. Mais
personne n’a rien vu. Il y a des maladies invisibles, sans couleur
ni odeur. Et puis malgré tout on était encore dans le mouvement,
dans l’agitation. On y croyait encore, tout le monde était
optimiste. Les choses mettent tellement de temps à s’effriter.
C’est comme les maisons : pimpantes au début, elles finissent
toutes par tomber en décrépitude, très lentement. Et c’est
sûrement pas les gens qui habitent dedans qui s’en aperçoivent en
premier.
J’ai
les lèvres sèches, à force de ne pas bouger, sans rien boire ni
manger. Aujourd’hui c’est samedi, je le sais à cause des bruits
du marché, quelques rues plus loin. Je me décide à me lever et
regardant droit devant moi, je vais boire au lavabo. Je traîne les
pieds en faisant le moins de bruit possible. Je serai tranquille
jusqu’à lundi, personne ne viendra frapper à ma porte.
On
ne s’interrogeait pas. Pas encore, ou si peu. Il flottait une
légère odeur de gaz qui était perçue comme de l’ivresse.
C’était le prix à payer pour que la richesse coule à flots, pour
que certains puissent se marier en blanc sous des volées de cloches
et devant l’admiration de ceux qui battaient le pavé. Les façades
et les rues de la ville avaient été refaites, l’éclairage public
était neuf, les espaces verts fleuris, les devantures regorgeaient
de produits, de marques à la mode. Des travaux publics étaient
lancés dans toute la ville, pour la rendre encore plus accueillante.
L’hiver on allait faire du ski à Gourette et on passait l’été
dans une villa à Ciboure. Les loyers du centre-ville sentaient bon
la vie parisienne, les pauvres étaient repoussés en périphérie
mais pouvaient faire semblant d’être de la partie, lors des fêtes
en liesse où on faisait semblant de se mélanger. Nous, on n’a pas
eu de chance, on faisait partie des pauvres. On voyait l’éclat du
bonheur de très loin, sans être vraiment dedans. Il passait à côté
de nous mais on n’a pas pris le train en marche. Comme les vaches
de nos parents, on les regardait passer. On voyait défiler de
nouveaux habitants qui parfois venaient d’autres pays, plus au
nord, plus sinistrés. Ils étaient accueillis à bras ouverts pour
tenir les postes de main d’oeuvre ou d’ingénieurs. Des Parisiens
descendaient de leur plein gré dans cette province si riche et
prometteuse. Ils découvraient les cabines du funiculaire en sortant
du train et avaient l’impression d’arriver dans une ville aux
thermes, cherchaient le casino des yeux. Le jackpot n’a jamais été
pour nous ; pourtant on a travaillé dur, Fabrice comme main
d’oeuvre et moi comme coiffeuse. Les mains dans le cambouis,
pendant des années. Les étoiles qui brillaient dans le ciel de la
capitale du Béarn ne montraient le nord que pour certains. Nous, on
n’est pas arrivé à voir plus loin que le loyer de fin de mois, et
toujours la facture de gaz à payer.
Dimanche
est passé, j’ai dormi, toujours sans me lever. Le
dimanche tout est plus ouaté, plus silencieux, un peu comme quand il
neige. Les cloches sonnent mais lentement et loin. Ou est-ce mes
oreilles qui bourdonnent ? Je préfère ne pas penser.
Plus
tard, ils ont construit une université, un peu en dehors du centre,
avec des pôles spécialisés en chimie, en recherche scientifique
avec des cours dispensés par des ingénieurs venus du nord de la
France. Faut bien que ça rapporte, les usines à rendement. On a vu
fleurir des affiches qui vantaient un avenir radieux pour nos
enfants. Mais autour de moi, personne n’est allé à l’université.
On s’arrêtait bien avant. Les manœuvres et les coiffeuses
allaient à l’école obligatoire et partaient en apprentissage pour
rapporter tout de suite de quoi manger. Fabrice et moi, on n’a pas
fait non plus d’enfants à y envoyer, je ne le regrette plus
désormais. Ce serait sûrement plus difficile aujourd’hui.
Fabrice
et moi, on aimait bien le week-end, aller s’embrasser dans les
champs de maïs qui restaient, jouer à s’y cacher et à se faire
peur. C’était quand on y croyait encore. Quand on croyait à la
supériorité du gaz sur le maïs. Même nos parents, à qui ça
crevait le coeur de voir partir leurs parcelles les unes après les
autres, se disaient qu’avec cette nouvelle technologie miraculeuse,
leurs enfants auraient toujours de quoi manger. Tu parles, ça n’a
duré que le temps d’y croire et si certains ont fait des affaires,
ils ont eu le nez de partir avec le pactole, avant qu’il soit trop
tard. Ceux qui étaient attachés à leur terre sont restés sur le
carreau. Plus de vaches, plus de maïs, plus de paysans. Seuls les
noms des rues ou des lotissements rappelaient les origines
agricoles : Le Pré aux Vaches, La Bousse aux bois, le Froment
du Neez. Les troupeaux, eux, avaient reculé dans les estives et la
nostalgie n’avait pas bonne presse. Les gens de la campagne
puaient, ceux qui travaillaient à la ville étaient des gagnants
qu’il fallait imiter. On nous promettait une croissance permanente
et sans défauts. Un bien-être idéal et un quotidien ensoleillé.
Les affiches, les journaux étaient plein de gaieté forcée.
C’est
lundi et bien entendu, un tas de monde passe devant la porte. Pourvu
que personne ne s’arrête. Pourvu que personne ne s’interroge sur
ce silence. Pourvu qu’aucun courrier ne fasse monter le facteur.
J’ai la tête qui tourne et préfère ne pas bouger.
Quand
même, on a passé de chouettes étés, tous les deux. On tirait le
diable par la queue mais pour les vacances, on se la coulait douce,
sans trop dépenser. La mer était pour tout le monde et y avait
toujours moyen de passer du bon temps. Je me souviens de parties de
cartes au camping qui duraient toute la nuit. De bains dans des
vagues tonitruantes qui claquaient sur la peau. C’étaient
des bons moments. J’aurais dû les rappeler à Fabrice, à la fin,
ça lui aurait fait plaisir. Mais j’arrivais même pas à lui
parler. Et le regarder dans les yeux devenait trop pénible, la
supplique que j’y voyais était trop dure à supporter. J’étais
pas prête, je n’arrivais pas à me changer les idées. Pourtant je
suis sûre que ça lui aurait ôté ses idées noires, ne serait-ce
que quelques instants. Et ses yeux bordés de rouge auraient pleuré,
mais pas de douleur. J’y ai pas pensé, j’étais trop prise par
cette situation insupportable, sans solution, sans issue. J’arrivais
pas à prendre du recul. J’avais le nez sur le quotidien et je ne
savais pas ce que je devais faire. J’ai jamais su. L’abandonner
aux mains des soignants, comme me le conseillait Agathe ?
L’accompagner jusqu’au bout même quand il n’y avait plus rien
à faire ? Je n’ai jamais vraiment décidé et donc j’ai
tout fait mal. D’ailleurs, c’est encore le cas maintenant. La
situation est la même, insoutenable. Il va bien falloir que ça
s’arrête d’une façon ou d’une autre. Ça
se fera, mais sans moi. Je n’ai plus de courage, plus rien qui me
ferait me relever et courir. Au fond rien ne change : ce sont
toujours les autres qui décident. Parfois
j’ai comme une révolte qui me prend.
Je suis jeune encore, pourquoi est-ce que je me retrouve là, seule,
immobile et impuissante,
alors qu’on aurait tant aimé pouvoir être blottis l’un contre
l’autre sans rien devoir à
personne ? On demandait
pas grand-chose et on n’a rien eu.
J’ai
peur de voir défiler le reste de la semaine. Je ne fais pas de
bruit, depuis combien de jours ? On doit savoir que je suis là,
que je ne sors pas. J’essaie de dormir le plus possible même si
ça me gêne de le savoir là, juste en dessous. Je sais bien qu’il
ne bougera pas de là, mais quand même. J’ai même pas réussi à
lui fermer les yeux.
Quand
les premiers symptômes de la maladie se sont déclarés, on s’est
pas inquiété. Moi aussi, avec tous les produits que j’utilisais
dans les salons, j’avais le bout des doigts bousillé. Je me
grattais, ça me piquait, j’avais parfois les yeux rouges et les
mains écarlates. Ça
me démangeait et puis ça passait. Mais chez Fabrice, ça ne passait
pas, ça perdurait et ça l’a empêché très vite de faire quoi
que ce soit. Au bout d’un moment, Fabrice s’est arrêté de
travailler, enfin on l’a viré vu qu’il était de plus en plus
souvent absent et, de chômage en RMI, il avait obtenu la CMU.
Normalement tous les médecins doivent l’accepter mais c’est pas
si simple, surtout pour ce type de maladie. Bref, de médecin
généraliste en médecin spécialiste de rien, personne n’avait
compris de quoi il s’agissait et personne n’avait détecté, bien
entendu, le moindre lien avec les postes professionnels occupés.
Ici, on ne crache pas dans la soupe. L’industrie amène du
bien-être, on y fait donc attention. Tant pis pour ceux qu’elle
abîme en passant. Il a fallu des mois avant que finalement on tombe
sur un toubib sympa, un nouveau venu qui croyait dur comme fer à son
serment d’Hippocrate et qui a immédiatement fait le lien avec
certains produits manipulés. Je ne sais pas ce qu’il est devenu,
ce toubib. Tiens, j’aurais pu l’appeler pour savoir ce que je
devais faire, à la fin. C’est trop tard, il n’y a plus de
téléphone et puis surtout il n’y a plus rien à faire. Juste à
attendre la fin pour moi aussi. Bref il s’est démené un temps
pour faire inscrire cette maladie sur le tableau des maladies
professionnelles. Mais pendant ce temps-là, Fabrice devenait de plus
en plus crocodile : des squames à n’en plus finir, une peau
qui devenait écaille, des couleurs douteuses, des éruptions
vénéneuses, des démangeaisons rougeoyantes et des douleurs
lancinantes. Il devenait irascible à rester enfermé entre quatre
murs. Bien obligé quand on ne supporte plus le moindre vêtement sur
le dos. Je le soignais tant bien que mal tout en sachant que rien ne
serait plus comme avant et qu’il n’y aurait plus de vagues salées
ni de sable doré pour les congés. Quand il a décidé d’arrêter
d’espérer, quand il a décidé de courber le dos devant ces
éruptions boursouflées et qu’il a cessé d’appeler le médecin,
moi aussi je me suis arrêtée de travailler. De toute manière
j’avais plus envie. On allait bien voir.
Je
ne sais pas quel jour on est. Depuis jeudi, j’ai perdu le compte du
temps qui passe. Je ne veux plus rien faire, pas bouger. Je dors
presque tout le temps. Je crois qu’on est venu frapper à la porte
plusieurs fois mais je ne peux plus me lever. Les bruits et les
chuchotements du dehors, derrière la porte, m’atteignent à peine.
On est loin, tous les deux.
D’abord je n’ai plus payé
les factures, puis je n’ai quasiment plus fait de courses. Enfin,
j’ai commencé à ne plus sortir. On était deux à se regarder
sans se voir, sans rien se dire. Désolés. Fabrice a fini par se
coucher et ne s’est plus relevé. Ça
n’a pas duré longtemps. La vie dehors continuait et nous, nous
étions enfermés, volets rabattus dans un silence absolu. Il m’est
arrivé d’avoir une envie folle de me sauver, de courir, descendre
l’escalier à la volée pour m’enfuir loin de cette misère.
Chaque fois Fabrice me regardait et je n’ai jamais eu le courage de
le faire. Au fond, ça n’aurait peut-être rien changé. Parfois on
est entraîné, parfois on est empêtré. Je ne sais pas si on aurait
pu réussir à partir loin, tant qu’il en était encore temps.
Est-ce que ça n’aurait pas été la même chose, ailleurs ?
Je sais que ce n’est pas bien, que j’aurais dû me battre, mais
je me sentais comme aspirée par le vide, par la mollesse du
laisser-faire. On s’était tellement démené depuis des années,
pour en arriver là, pour n’en arriver que là.
Agathe a eu raison de partir.
Elle était seule mais justement, c’est peut être plus facile
qu’on croit. Pour elle je suis sortie une dernière fois. Elle a
pris le train mercredi matin et m’a dit un au revoir silencieux
derrière la vitre du train. Je pense qu’elle savait ce qui allait
arriver. Je suis rentrée dans l’appartement, comme s’il était
vide. Ma vie n’avait plus aucun sens et je sentais mon esprit
m’échapper, glisser vers le fond, happé, aspiré comme par un
trou noir.
Mercredi soir, Fabrice a glissé.
Comme une semelle, il a glissé du lit au parquet, sans un bruit. Il
ne devait plus peser lourd mais j’ai pas eu le courage d’essayer
de vérifier. Je l’ai poussé du bout du pied, sous le lit, pour ne
pas le voir. Je ne voulais plus rien voir. Je me suis couchée à sa
place. Et depuis j’attends. J’attends qu’on vienne enfin nous
chercher, nous ramasser au petit matin. J’attends qu’on vienne
enfin nous prendre.
J’ai
dû basculer. J’entends des bruits et des pas étouffés. J’entends
quelqu’un s’exclamer dans un silence ouaté : « 7
jours !! 7 jours qu’il est mort, sur le plancher, sous le
sommier et elle n’a pas appelé ! Est-elle vivante ? »
Suis-je
vivante ? Je ne sais plus.
Nouvelle primée dans le cadre du concours "Noires de Pau" - novembre 2017.
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