dimanche 24 septembre 2023

de Syracuse à Catane, la baie majestueuse (2)

La côte Est de la Sicile ne ressemble en rien à celle de l'Ouest... sauf sur le mode de vie sicilien, pas très riche, au patrimoine un peu décrépit et où on se débrouille la plupart du temps sans règles bien établies, ce qui n'arrange pas le touriste, mais qui s'en soucie ?

Catane, l'affairée

On a passé très peu de temps à Catane, bien moins de temps que prévu. On a juste eu le temps de déambuler dans la partie historique, de nuit et de jour. Ce vieux centre est envahi dès le soir venu par les  habitants à pied, qui ont pris le pouvoir sur les voitures, au moins dans cette partie. La via Etnea le soir appartient donc entièrement à tous ceux qui marchent. Sinon, un tortillis de rues qui s'entrecroisent pour déboucher sur une place "Dante" où l'ancien couvent des Bénédictins s'est transformé en université des sciences humaines, avec des cellules de moines transformés en bureaux et des cloîtres qui font office de cours intérieures... 

Avec un éléphant qui trompe énormément, qui trône tel celui du Bernin à Rome mais c'est pour rire. Des cafés, des restaurants qui s'allument le soir, animés, vivants. Ce n'est pas propre ni rangé, ça crie, ça parle fort, ça s'invective... faut connaître pour s'y sentir bien. Mais en tous les cas, une grande ville agréable à arpenter. Un jardin public en pente, avec un kiosque très joli. Le soir, si vous tardez dans les allées, la police vient vous informer que le jardin va fermer. Pourtant, il n'y a aucune grille, aucune possibilité de clôturer quoi que ce soit... étonnant, non ?

Avec une mention spéciale pour la gare, haut lieu d'arrivées et de départs à toute heure, avec son buffet où de beaux jeunes hommes vous servent aimablement des plats préparés délicieux, à emporter ou sur le comptoir. Et qui prennent plaisir à vous parler francese. Mazette, c'est si rare un buffet de la gare où on a envie de revenir !

Et un grand regret, celui de n'avoir pas eu le temps d'aller au moins une fois au Lido Scogliera d'Armisi, collé contre la voie du chemin de fer (on passe dessous pour y aller) et qui donne directement sur la mer, normal pour un Lido. Mais en pleine ville !!

L'Etna, majestueux et insaisissable

Je ne sais pas ce que ça donne, de le voir 365 jours par an. Mais en tous les cas, c'est un volcan effectivement extrêmement grand et beau, qui s'étale et qu'on voit de très loin. Une belle montagne qui ne semble pas menaçante. Le plus surprenant, c'est qu'on ne voit que lui quand on le voit mais il disparaît d'un seul coup d'un seul de la vue (à cause sans doute de nuages) sans avoir l'air d'avoir jamais existé. Je veux dire que quand on ne le voit pas, on ne le voit pas du tout, aucun morceau ne permet de dire que ce volcan élevé est toujours présent dans le paysage. Je suppose que certains visiteurs qui ne font que passer un jour où il "n'est pas là" doivent crier au voleur ! Très étonnant.

On a réussi à en faire le tour en train, dans ce drôle de wagon unique géré par la Circumetnea où, là encore, il faut deviner comment le prendre, où s'arrêter, et comment revenir. Par contre, on traverse des paysages de plus en plus montagneux, des champs de pistachiers tout ramassés, aux branches tordues vers le sol. On fait la moitié du tour, on s'arrête, bien obligé, à Randazzo, village désert et peu accueillant, comme un village de montagne hors saison, tout en pierres noires et grises, comme la température, un peu fraîche. 


Mais ensuite, on redescend très vite vers la mer et on retrouve la chaleur, le ciel bleu, l'eau limpide. Contraste rapide.

Et puis bien sûr, le long de la côte, de Catane à Taormina, l'Etna est toujours comme un gros ogre bleu, imposant, serein, imperturbable. On se sent quand même un peu tout petit.

La baie de Taormina

Comme qui dirait, c'est un peu un leurre touristique. Déjà, on a grimpé à pied depuis la gare de Giardini Naxos jusqu'au théâtre antique (grec et romain). Fatigués. Mais ô surprise, l'entrée était gratuite puisque premier dimanche du mois ! On a donc fait le tour tranquille, admiré la baie entre la mer et l'Etna, admiré le théâtre (mais il y a beaucoup mieux ailleurs), pris un solide ptit déj en guettant le téléphérique qui descend vers Isola Bella, sorte de roc tombé dans la mer, avant de redescendre et arpenter les rues de cette ville si célèbre. 

On se demande pourquoi vu qu'à part la vue donc, de la baie, il n'y a rien. Des rues entières de magasins de marque internationale sans intérêt, des gens partout. Restent les échoppes où l'on peut manger sicilien (les arancini al ragù) et surtout les magnifiques Teste di Mauro, partout. 

J'ai donc fait une collection de photos pour les emporter et les garder encore un peu avec moi.

On a même réussi à se baigner dans la baie, si si, et pas à Isola Bella comme tant de guides conseillent de faire. Il ne faut pas écouter les guides, il faut suivre l'inspiration du moment et regarder où vont et comment font les habitants.



Messine, l'oubliée

Cette ville ne sert à rien, elle fait le lien entre le continent et l'île de Sicile, elle ne vit que par le port, les ferrys, les trains qui arrivent et repartent aussitôt. C'est une ville de passage. Avec un Duomo assez beau quand même (dont un Christ Pantokrator et un plafond magnifique) et surtout, un musée régional interdisciplinaire très mal situé mais très grand, où de solides gardiens vous tracent le chemin à suivre entre statues, peintures et objets religieux récupérés dans les églises dévastées par les tremblements de terre, jusqu'aux fameux Caravage, excellement mis en valeur. C'est la récompense après une déambulation quelque peu hasardeuse. L'Adoration des bergers et la Résurrection de Lazare. Ce dernier étant à mon avis le plus étonnant, avec cette lumière dont on ne sait d'où elle vient, qui nous interroge durant toute la contemplation. C'est le clou, sans nul doute, de toutes les multitude d'objets qu'on a pu admirer avant. Et quand on sait que le Caravage a fini sa vie juste après son passage ici, en Sicile, on a un petit pincement au cœur pour ce peintre si talentueux et si sulfureux.



Viva Trenitalia

Pour deux raisons : d'abord parce que sans le train, on n'aurait pas vu la moitié de ce qu'on a vu, que les retards ou autres disconvenues n'ont pas été légion. Ensuite parce qu'on a découvert que le train entre Catane et Naples traversait la mer non pas sur un pont, mais en prenant lui aussi le ferry, comme tout le monde ! Le train sur le ferry, c'est une sacrée surprise très agréable ! Petit voyage de très courte durée sur la mer, pour traverser le détroit de Messine. 

Enfin, grâce au train, on a réussi le tour de force de rentrer de Catane en France, par portions : De Catane à Naples, de Naples à Genova, de Genova à Ventimiglia, où on a laissé Trenitalia pour reprendre contact avec notre bonne vieille SNCF jusqu'à Marseille, dernière étape avant de rentrer définitivement de ces vacances très ferroviaires ! Et qu'on s'est aperçus que c'était pas mal, le train, surtout qu'on a longé la côte quasiment tout le temps, on était donc entre mer et montagne et qu'on a pu admirer les deux paysages. On n'a pas eu le temps de faire des étapes intéressantes mais on s'est promis d'y revenir, une autre fois, autrement... Parfois l'imprévu (vol de retour annulé) a du bon.


samedi 23 septembre 2023

de Syracuse à Catane, la côte baroque (1)

On était partis pour des vacances italiennes classiques, on a eu des journées baroques et aventureuses. Surtout inattendues. Mais au final, on aura découvert les voyages en train, déambulé dans des musées quasiment vides, devant des splendeurs grandioses dont seuls les gardiens étaient fiers, découvert qu'un train pouvait passer un détroit sans pont ni tunnel et sans se mouiller, dégusté des glaces à la pistache absolument délicieuses. Et avec toujours à portée de vue la mer bleue et limpide sous un soleil encore chaud, même en cette fin d'été.

Deux semaines, deux chapitres...

Syracuse, une vieille histoire

Bah oui, comme sûrement beaucoup, ce refrain lancinant "J'aimerais tant voir Syracuse..;" chanté par Henri Salvador notamment, m'avait incitée à y aller. Je m'attendais à une vieille ville historique calme et apaisante, en bord de mer. Et puis il y avait ce fameux parc archéologique et aussi le tableau de Caravage, dans l'église Santa Lucia, l'endroit pour lequel il avait été peint, justement.

Entre les rêves et la réalité, hé bien, la marche est parfois difficile à franchir. Syracuse est coupée en deux, ville nouvelle et presqu'île d'Ortygie, bien différentes. La vieille cité, le côté "touriste", est un entrelacs de ruelles où seul un piaggio peut passer (difficilement), pourtant encore habitées même si de nombreux hôtels ou résidences de tourisme fleurissent. La mer est impossible d'accès, sauf d'un ponton bienvenu, construit pour (et par ?) ses habitants qui viennent s'y baigner tôt le matin. La mer est transparente, fourmille de petits poissons nullement impressionnés par les humains qui se trempent. Un délice qu'il faut savourer le matin avant que la chaleur du soleil commence à transpercer tout ce qui est dehors. Alors de 13h à 18h, ça devrait être calme et volupté. Mais encore faudrait-il le trouver, le calme... le repos n'est possible justement que dans certaines ruelles pavées où personne ne passe, surtout pas les touristes ni les véhicules pétaradant. Le soir, la nuit plutôt, la passeggiata le long de la mer inaccessible, au clair de lune, est un "must".

Pourtant, des palais anciens vous ouvrent leurs portes, de vieux nobles qui tentent désespérément de retaper leur fleuron de famille vous accueillent et vous offrent un verre de prosecco pour vous remercier de passer quelques minutes devant ces grands miroirs qui renvoient les peintures des splendeurs passées. Ils ne sont pas habillés comme au XVIIIème, mais c'est tout comme. Comme étonnés de vous voir franchir la porte d'entrée. Nous, on est des touristes curieux, alors oui, on franchit les portes et on tente. La place du Duomo et le Duomo, lui-même construit sur un antique temple dont restent les colonnes, visibles dehors, sont adorables dans l'orangé du soir, lorsque les promeneurs flânent silencieusement le nez en l'air.

L'église Santa Lucia ? Il y en a deux. C'est la patronne, c'est pour ça. Donc la première, "alla Badia", située en plein cœur d'Ortygie, n'a plus le Caravage depuis déjà quelques années mais le panneau à l'entrée est trompeur. Il faut être dedans pour apprendre que le tableau a été rapatrié dans son église initiale, celle "al sepolcro" qui se trouve bien loin, dans l'autre partie de la ville justement. Je vous fais grâce des heures d'ouverture, que seul le Syracusain moyen peut comprendre. Mais après quelques heures d'attente, après que la grande porte soit enfin ouverte, on s'installe dans la presque fraîcheur et on attend que le valeureux touriste fortuné mette quelques pièces dans l'appareil pour admirer "Les funérailles de Sainte-Lucie", suspendu au dessus de l'autel. On reste quand même quelques instants, même quand tout est éteint, dans l'espoir que quelqu'un d'autre trouve au fond de ses poches la pièce nécessaire. Le bienfaiteur est applaudi par tous les autres. Il a sa minute de gloire, pour pas cher.

On aurait voulu faire plus de balades, sur le chemin des papyrus, sur la côte dentelée, à Pantalica, mais tout est difficile d'accès hors véhicule thermique de location... Et comme on s'était juré de "tout faire en train et en bus", on n'a donc pas réussi à aller partout. Mais il faisait de toutes manières vraiment encore trop chaud en cette fin d'août. Les bus ? Ah il y en a... mais il faut comprendre comment ça marche. Pas d'informations, pas de renseignements. Aucun chauffeur qui parlerait anglais. Notre baragouin d'italien nous a permis quand même de comprendre le "chef" des bus, sans qui, s'il n'était pas là pour indiquer quel numéro de ligne prendre et à quelle heure il passe, on y serait encore, à l'attendre...

Des papyrus, il y en a et ils sont grands, qui poussent dans la fontaine d'Aréthuse dont je vous raconterai l'histoire dans un autre contexte. Une fontaine d'eau douce à quelques mètres de la mer, c'est surprenant. On a quand même été faire un petit tour le long de cette côte dentelée, qui se fait dévorer par les vagues, coté ville nouvelle. De nombreux quartiers, immeubles, sont bâtis le long de l'ancienne ligne de train, transformée en voie cyclable. Une vue imprenable quelque soit le standing des appartements, qui vont du luxueux aux HLM. Mélange des saveurs, mélange des genres. mais découvrir ce coin à pied permet de ne pas se retrouver en bateau "pousse couillon" qui sont légion.

Et puis, il y a le parc archéologique, Neapolis, très grand site avec de drôles de formations naturelles, les Latomies, anciennes carrières forgées depuis des siècles par le vent, la nature et les hommes. Le parc lui-même avec les restes grecs et romains (amphithéâtre, arènes, temples...), est une très belle balade, enrichissante et agréable. Pas très loin, le muséum Paolo Orsi, qui recèle des trésors d'archéologie, bien trop nombreux pour ne pas perdre le fil au bout de quelques heures. Passé, présent et même futur avec cette église/sanctuaire moche mais qui se voit de loin avec son dôme pointu, tout se mêle à Syracuse.


Un peu plus dans les terres, il y a la Sicile baroque. C'est à dire les cités qui ont connu leurs années fastes il y a quelques siècles. Elles sont plusieurs et normalement, une ligne de chemin de fer spécifique "Barocco line" permet d'en visiter quelques unes. Las ! L'employé assis au fond de sa guérite à la gare de Syracuse n'a pas cru bon nous rappeler que cette ligne ne fonctionne que le dimanche et a préféré nous renvoyer chercher les indications "on line !". On a donc raté le dimanche. Heureusement, Trenitalia nous a sauvé une première fois car il assure la liaison les autres jours. Dans des trains normaux. Enfin, on l'a cru, à l'aller. Mais au retour, après quelques heures passées à arpenter la ville de Noto, et notamment ses rues étagées, palais de pierres ocres et églises innombrables qui offrent toutes un escalier de 365 marches pour admirer la vue d'en haut (offrent est un peu exagéré, c'est au moins 3 euros pour ce privilège), nous sommes redescendus à la gare en plein après-midi, déserte et chaude. Personne dans les bureaux. pas de chef de gare ni d'employé. Quelques touristes égarés qui se regardent sans savoir quoi penser. Quand même, les annonces fonctionnent, tout le monde est rassuré ! Mais c'est pour nous indiquer que le train de retour vers Syracuse aura quelques minutes de retard. Bon, on prend notre mal en patience en buvant notre eau devenue tiède. Et d'un coup d'un seul, que voit-on arriver, toute pimpante au milieu de la campagne qui nous entoure ? Un train de type "Micheline" déboulant de je ne sais où et qui se dépêche, qui se dépêche pour rattraper le temps perdu. C'était notre train, même si je n'y ai vraiment cru qu'en le voyant s'arrêter devant nous. Un train improbable, tout taggué, avec 2 wagons seulement, où chacun s'est entassé tant bien que mal. Mais qui nous a transporté vaillamment à destination, sans qu'on ne voie miette du paysage campagnard traversé. On aurait dû payer moitié prix ! Mais comment vous dire ? En fait on n'a rien payé du tout vu qu'on avait pris qu'un aller et que personne n'a pu ou voulu nous vendre un billet de retour. Même le contrôleur du train n'en avait cure. Donc voyage gratis et baroque à souhait.

A Noto, après avoir monté les 365 marches fatidiques, on a cherché à se sustenter ailleurs que là où tous les touristes prenaient place. Au bout de quelque minutes, un vieux monsieur gentil nous indique avec force gestes qu'il y avait un restaurant à quelques mètres, qui était ouvert "a pranzo" (donc le midi). Effectivement, on l'a trouvé et on n'a pas été déçu. Un vrai de vrai resto sicilien avec des clients siciliens qui, plus habitués que nous, ont commandé un seul plat. Nous, on en a commandé deux, les antipasti et la pasta. Bon, quand on a vu les antipasti arriver, on a compris notre bêtise : vu les portions, jamais au grand jamais on n'allait arriver à tout manger ! Et ça a bien été le cas. Quel dommage, c'était délicieux, copieux. Le service était assuré par un androgyne venu d'ailleurs, jeune et avenant. mais fille ou garçon ? Impossible de savoir, vu qu'Andrea est binaire. Bon, en tous les cas, pour du baroque, c'était du baroque !





Au final, si on écoute bien la chanson, ça continue avec "l'île de Pâques et Kairouan... et les grands oiseaux qui s'amusent à glisser l'aile sous le vent...". J'aurais dû la réécouter avant.