On était partis pour des vacances italiennes classiques, on a eu des journées baroques et aventureuses. Surtout inattendues. Mais au final, on aura découvert les voyages en train, déambulé dans des musées quasiment vides, devant des splendeurs grandioses dont seuls les gardiens étaient fiers, découvert qu'un train pouvait passer un détroit sans pont ni tunnel et sans se mouiller, dégusté des glaces à la pistache absolument délicieuses. Et avec toujours à portée de vue la mer bleue et limpide sous un soleil encore chaud, même en cette fin d'été.
Deux semaines, deux chapitres...
Syracuse, une vieille histoire
Bah oui, comme sûrement beaucoup, ce refrain lancinant "J'aimerais tant voir Syracuse..;" chanté par Henri Salvador notamment, m'avait incitée à y aller. Je m'attendais à une vieille ville historique calme et apaisante, en bord de mer. Et puis il y avait ce fameux parc archéologique et aussi le tableau de Caravage, dans l'église Santa Lucia, l'endroit pour lequel il avait été peint, justement.
Entre les rêves et la réalité, hé bien, la marche est parfois difficile à franchir. Syracuse est coupée en deux, ville nouvelle et presqu'île d'Ortygie, bien différentes. La vieille cité, le côté "touriste", est un entrelacs de ruelles où seul un piaggio peut passer (difficilement), pourtant encore habitées même si de nombreux hôtels ou résidences de tourisme fleurissent. La mer est impossible d'accès, sauf d'un ponton bienvenu, construit pour (et par ?) ses habitants qui viennent s'y baigner tôt le matin. La mer est transparente, fourmille de petits poissons nullement impressionnés par les humains qui se trempent. Un délice qu'il faut savourer le matin avant que la chaleur du soleil commence à transpercer tout ce qui est dehors. Alors de 13h à 18h, ça devrait être calme et volupté. Mais encore faudrait-il le trouver, le calme... le repos n'est possible justement que dans certaines ruelles pavées où personne ne passe, surtout pas les touristes ni les véhicules pétaradant. Le soir, la nuit plutôt, la passeggiata le long de la mer inaccessible, au clair de lune, est un "must".
L'église Santa Lucia ? Il y en a deux. C'est la patronne, c'est pour ça. Donc la première, "alla Badia", située en plein cœur d'Ortygie, n'a plus le Caravage depuis déjà quelques années mais le panneau à l'entrée est trompeur. Il faut être dedans pour apprendre que le tableau a été rapatrié dans son église initiale, celle "al sepolcro" qui se trouve bien loin, dans l'autre partie de la ville justement. Je vous fais grâce des heures d'ouverture, que seul le Syracusain moyen peut comprendre. Mais après quelques heures d'attente, après que la grande porte soit enfin ouverte, on s'installe dans la presque fraîcheur et on attend que le valeureux touriste fortuné mette quelques pièces dans l'appareil pour admirer "Les funérailles de Sainte-Lucie", suspendu au dessus de l'autel. On reste quand même quelques instants, même quand tout est éteint, dans l'espoir que quelqu'un d'autre trouve au fond de ses poches la pièce nécessaire. Le bienfaiteur est applaudi par tous les autres. Il a sa minute de gloire, pour pas cher.
On aurait voulu faire plus de balades, sur le chemin des papyrus, sur la côte dentelée, à Pantalica, mais tout est difficile d'accès hors véhicule thermique de location... Et comme on s'était juré de "tout faire en train et en bus", on n'a donc pas réussi à aller partout. Mais il faisait de toutes manières vraiment encore trop chaud en cette fin d'août. Les bus ? Ah il y en a... mais il faut comprendre comment ça marche. Pas d'informations, pas de renseignements. Aucun chauffeur qui parlerait anglais. Notre baragouin d'italien nous a permis quand même de comprendre le "chef" des bus, sans qui, s'il n'était pas là pour indiquer quel numéro de ligne prendre et à quelle heure il passe, on y serait encore, à l'attendre...Des papyrus, il y en a et ils sont grands, qui poussent dans la fontaine d'Aréthuse dont je vous raconterai l'histoire dans un autre contexte. Une fontaine d'eau douce à quelques mètres de la mer, c'est surprenant. On a quand même été faire un petit tour le long de cette côte dentelée, qui se fait dévorer par les vagues, coté ville nouvelle. De nombreux quartiers, immeubles, sont bâtis le long de l'ancienne ligne de train, transformée en voie cyclable. Une vue imprenable quelque soit le standing des appartements, qui vont du luxueux aux HLM. Mélange des saveurs, mélange des genres. mais découvrir ce coin à pied permet de ne pas se retrouver en bateau "pousse couillon" qui sont légion.Et puis, il y a le parc archéologique, Neapolis, très grand site avec de drôles de formations naturelles, les Latomies, anciennes carrières forgées depuis des siècles par le vent, la nature et les hommes. Le parc lui-même avec les restes grecs et romains (amphithéâtre, arènes, temples...), est une très belle balade, enrichissante et agréable. Pas très loin, le muséum Paolo Orsi, qui recèle des trésors d'archéologie, bien trop nombreux pour ne pas perdre le fil au bout de quelques heures. Passé, présent et même futur avec cette église/sanctuaire moche mais qui se voit de loin avec son dôme pointu, tout se mêle à Syracuse.
Un peu plus dans les terres, il y a la Sicile baroque. C'est à dire les cités qui ont connu leurs années fastes il y a quelques siècles. Elles sont plusieurs et normalement, une ligne de chemin de fer spécifique "Barocco line" permet d'en visiter quelques unes. Las ! L'employé assis au fond de sa guérite à la gare de Syracuse n'a pas cru bon nous rappeler que cette ligne ne fonctionne que le dimanche et a préféré nous renvoyer chercher les indications "on line !". On a donc raté le dimanche. Heureusement, Trenitalia nous a sauvé une première fois car il assure la liaison les autres jours. Dans des trains normaux. Enfin, on l'a cru, à l'aller. Mais au retour, après quelques heures passées à arpenter la ville de Noto, et notamment ses rues étagées, palais de pierres ocres et églises innombrables qui offrent toutes un escalier de 365 marches pour admirer la vue d'en haut (offrent est un peu exagéré, c'est au moins 3 euros pour ce privilège), nous sommes redescendus à la gare en plein après-midi, déserte et chaude. Personne dans les bureaux. pas de chef de gare ni d'employé. Quelques touristes égarés qui se regardent sans savoir quoi penser. Quand même, les annonces fonctionnent, tout le monde est rassuré ! Mais c'est pour nous indiquer que le train de retour vers Syracuse aura quelques minutes de retard. Bon, on prend notre mal en patience en buvant notre eau devenue tiède. Et d'un coup d'un seul, que voit-on arriver, toute pimpante au milieu de la campagne qui nous entoure ? Un train de type "Micheline" déboulant de je ne sais où et qui se dépêche, qui se dépêche pour rattraper le temps perdu. C'était notre train, même si je n'y ai vraiment cru qu'en le voyant s'arrêter devant nous. Un train improbable, tout taggué, avec 2 wagons seulement, où chacun s'est entassé tant bien que mal. Mais qui nous a transporté vaillamment à destination, sans qu'on ne voie miette du paysage campagnard traversé. On aurait dû payer moitié prix ! Mais comment vous dire ? En fait on n'a rien payé du tout vu qu'on avait pris qu'un aller et que personne n'a pu ou voulu nous vendre un billet de retour. Même le contrôleur du train n'en avait cure. Donc voyage gratis et baroque à souhait.
A Noto, après avoir monté les 365 marches fatidiques, on a cherché à se sustenter ailleurs que là où tous les touristes prenaient place. Au bout de quelque minutes, un vieux monsieur gentil nous indique avec force gestes qu'il y avait un restaurant à quelques mètres, qui était ouvert "a pranzo" (donc le midi). Effectivement, on l'a trouvé et on n'a pas été déçu. Un vrai de vrai resto sicilien avec des clients siciliens qui, plus habitués que nous, ont commandé un seul plat. Nous, on en a commandé deux, les antipasti et la pasta. Bon, quand on a vu les antipasti arriver, on a compris notre bêtise : vu les portions, jamais au grand jamais on n'allait arriver à tout manger ! Et ça a bien été le cas. Quel dommage, c'était délicieux, copieux. Le service était assuré par un androgyne venu d'ailleurs, jeune et avenant. mais fille ou garçon ? Impossible de savoir, vu qu'Andrea est binaire. Bon, en tous les cas, pour du baroque, c'était du baroque !
Au final, si on écoute bien la chanson, ça continue avec "l'île de Pâques et Kairouan... et les grands oiseaux qui s'amusent à glisser l'aile sous le vent...". J'aurais dû la réécouter avant.
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