C’est une forêt d’histoires. Qui s’entrecroisent,
se mêlent sans se rencontrer jamais. Il s’agit de raconter celle d’Athanase
Kircher, grand savant, inventeur aveuglé par sa foi en NSJC, un homme étonnant
qui a réellement existé et a marqué son époque. C’est l’inventeur de la
lanterne magique, ancêtre du cinoche. Par contre, en déchiffrage de langues
inconnues, il n’était pas très bon. Heureusement, Champollion est arrivé, mais après.
On peut également y lire celle des carnets d’Eléazard qui commente la
première, tout en tentant d’oublier sa femme Elaine partie en mission de
paléontologie, en pleine forêt amazonienne et qui est en bien mauvaise posture.
Loredana, Italienne bien en chair, l’aide un peu, même si c’est Soledad qui est
amoureuse de lui. Et puis il y a Moéma, Marlene le travesti, Ze et Nelson, qui
jouent les pauvres de service. Il y en a, des pauvres « de service »
dans ces histoires. Eux ne voient jamais la transformation de pierres en or,
même en rêve. Ils jouent les bernés et triment du matin au soir et du soir au
matin, sans jamais de repos sauf le dernier. En grisé se profile l’histoire du
Brésil, conquête des Portugais sur les Indiens, conquête de l’homme blanc sur
la forêt, conquête des riches sur les pauvres, toujours d’actualité.
En même
temps, on est à Rome en 1650 avec la valse des papes et leurs commandes
d’œuvres d’art toutes plus belles les unes que les autres. La célèbre Fontana
dei quattro fiume nous offre son histoire, et aussi l’éléphant sculpté par Le
Bernin devant Santa Maria Maggiore, mais il y a également les histoires de magouilles
foncières, fiscales et politiciennes, des années plus tard, à des milliers de
kilomètres de là, de l’autre côté de l’océan. On y croise même des indiens qui
n’ont jamais vu d’homme blanc, même s’ils parlent un peu latin. Mais à ce
moment du récit, ils en voient justement, des blancs qui se sont perdus en voulant
trouver l’eldorado sous forme de fossiles. Seront-ils sauvés, seront-ils
mangés ? C’est une histoire de tigres, qui sont chez eux.
On passe d’une histoire à l’autre, d’un personnage
à l’autre. Un peu perdus au début, on s’y retrouve assez vite et on attend la
suite avec impatience. Il faut donc tourner la page et passer au chapitre
suivant. On y passerait la nuit.
Je ne sais plus où j’avais trouvé la critique de ce
bouquin, qui m’avait donné envie de le lire. Les tigres y sont bien chez eux.
Je ne peux occulter ce passage, tellement
d’actualité en ces temps si fragiles :
« Si un
croyant se sent insulté parce qu’on a moqué l’image de son dieu, c’est, au
mieux, qu’il doute encore de son existence, au pire, qu’il est assez stupide
pour s’identifier à lui. Mais qu’il trouve des armes pour venger cette offense
dans les lois d’une société ou dans leur négation, cela le transforme en ennemi
juré, en bête fauve à encager. »
Bref, c’est un bouquin écrit en langue française,
qui parle du Brésil, des hiéroglyphes et de cocaïne. Sur les liseuses
électroniques, il n’existe qu’en langue anglaise, alors achetez-le en
librairie !
Et pour tous ceux qui ont eu des parents
communistes, comme moi : « Sous
prétexte que les communistes se sont cassé la gueule en URSS (…), il faudrait
cracher sur le marxisme, rejeter la lutte contre l’oppression, l’espoir du
Grand Jour ? Non, princesse, ça arrangeait trop de monde, cette histoire.
C’était pas net du tout. Ils se pavanent aujourd’hui, mais ils ont développé
que le sous-développement, si tu veux mon avis. Même l’aide aux pays du
tiers-monde, tu sais comment ça marche ? On prend du fric aux pauvres des
pays riches pour le donner aux riches des pays pauvres… ».
Bien sûr ça finit assez mal. Y compris pour
l’avenir et pour ceux qui restent : « Faire office de télévision, de calculette, d’agenda, de livre de
comptes, de catalogue commercial, d’alarme, de téléphone ou de simulateur de
conduite automobile, c’est ce qui pouvait arriver de pire à l’ordinateur. Ernst
Jünger nous avait pourtant prévenus : L’importance des robots, écrivait-il
en 1945, croîtra à mesure que se multiplieront les cuistres, donc dans
d’énormes proportions ». Ce sont des histoires hélas très réalistes.