samedi 23 mars 2013

aux franges du rêve


S’attaquer à son deuxième roman, c’est comme être devant la page blanche lors du premier : il faut prendre son courage à deux mains et faire fi de tout ce qu’on a entendu sur le sujet.
Comme beaucoup, j’avais adoré son premier, Le club des incorrigibles optimistes, vaste histoire d’émigrés russes en touches d’aquarelles parisiennes. Pour celui-ci, La vie rêvée d’Ernesto G (Jean-Michel Guenassia, Albin Michel 2012), on se demande pendant toute la première partie du bouquin comment le Che va bien pouvoir surgir dans cette histoire d’Europe de l’est. Et dans la dernière partie, on aurait finalement presque aimé qu’il soit plutôt rêvé que raconté, ce séjour guevarien aux fins fonds de la Tchécoslovaquie d’avant Dubcek et d’avant la chute du mur. Pourtant ça pourrait presque être vrai, on ne sait pas trop, c’est à la limite de la grande et de la petite histoire. Le côté sentimental n’est pas vraiment crédible, tant pis. 
Pour le reste, l’histoire suit la vie d’un médecin tchèque de Prague à Paris, d’Alger à Prague sans qu’on ait vraiment l’impression de bouger, tellement cette vie s’enlise, dans la boue du bled marécageux comme dans l’illusion vite perdue du socialisme tchèque au goût trop russe. Il y a trop à raconter alors il va très vite, de plus en plus vite au fur et à mesure des pages et du temps qui passe. Il raconte trop de choses,  les jours et les années passent en quelques phrases, il faut parfois deviner ce qui est advenu entre deux paragraphes. Il y aurait eu sûrement matière à un troisième roman…
Dans cette gangue policée, si certains fuient, d’autres informent la police intérieure, et Joseph K, lui, reste toujours égal à lui-même, traverse les époques et les épreuves de manière égale, comme un héros de Camus sur lequel glisse la vie. On n’arrive pas vraiment à s’attacher à l’un ou l’autre des personnages, parce qu’on les effleure seulement ou parce qu’ils n’ont pas d’épaisseur ? On finit nous aussi par soupçonner tout le monde, mais de quoi ? Seuls ceux ayant vécu une telle privation de libertés, de libre pensée, de peur quotidienne et d’incompréhension totale pourraient peut-être s’y reconnaître. Même celui qui revient « chez lui », après presque 40 ans d’exil, ne peut comprendre et préfère repartir. Quand on est exilé, on n’est de nulle part, ni de son pays d’origine, ni complètement de son pays d’accueil, on reste aux franges d’une vie rêvée.

jeudi 14 mars 2013

Histoire(s) de France


Ah mon beau château… ! C’était une double ronde de mon enfance, que l’on dansait parfois pendant la récréation et dont j’ai mis des années à comprendre le sens des paroles, double comme l’était la ronde.
Entre Sully sur Loire et Chalonnes sur Loire, 250km sont classés au patrimoine mondial par l’Unesco, des dizaines de châteaux dits « d’agrément », construits sur rien ou sur d’anciens sites de châteaux médiévaux dont il ne reste que le donjon parfois, toujours pour le plaisir des yeux de la cour des rois de France. Donnés aux favorites, aux intendants pour leurs bons et loyaux services, ou refuges pour reines déchues, on ne sait plus où donner de la tête et il faut restreindre ses visites pour apprécier chacun à sa juste valeur. Les visites guidées ont l’avantage de donner des détails historiques autres que ceux consignés dans les livres scolaires. On y apprend ainsi qu’à l’époque de François 1er, on vivait entassés les uns sur les autres dans de grandes chambres où on mangeait, discutait, dormait selon les heures et le bon vouloir du roi. On y (re)découvre que l’unification de la langue, le « françoué » a aussi été voulu et ordonné par ce même roi, un peu mégalo il faut bien le dire même si féru des arts de la Renaissance. On reste bouche bée devant cette salamandre expectorante ou se nourrissant du feu, toujours liée au magnifique F emberlificoté et très souvent à la blanche hermine, symbole breton. 




On avoue aujourd’hui être bien en peine de retrouver une restauration authentique, vu que l’époque était très « mobile » et que tout se montait et se démontait toujours au gré du bon vouloir du Roi de France. 

L’intérêt pour le patrimoine, comme la conservation et la sauvegarde de certains monuments, évolue avec le temps et avec le nombre de visiteurs : ainsi le château de Blois, autrefois lieu public où se nichait la bibliothèque municipale et les bavardages entre copines sur le banc en pierre près de la chapelle, est aujourd’hui à 8,50 euros l’entrée, pour y voir pourtant la même chose : la salle des Etats généraux, déjà ; l’escalier François 1er, encore à vis tournante, extérieur, grandiose, et la salle où a été assassiné le Duc de Guise sur ordre d’Henri III. 
La palme revient sans doute à Chambord, construit au milieu de rien, magnifique bâtiment uniquement inventé pour éblouir les étrangers et montrer s’il le fallait la puissance du Roi et son amour pour tout ce qu’apportait le Renaissance italienne. L’escalier où l’on se voit sans jamais se croiser est bien là. Les salamandres et l’hermine blanche aussi, là encore, partout. La toiture était parfois dorée pour la venue extraordinaire de tel ou tel représentant d’un royaume qu’il fallait absolument émerveiller, même si c’était son pire ennemi. En général, lesdits représentants repartaient les yeux effectivement éblouis par ce faste magnifique, unique en son genre. 
Aujourd’hui Chambord coûte cher à l’Etat, mais continue de faire son office de carte postale française incontournable. C’est un très beau château, au milieu de tous les autres, situés en bordure de la Loire si vaste, du Cher ou de l’Indre. On peut y aller à pied, en voiture, à vélo, parfois en carriole à l’ancienne. Il s’agit juste de bien organiser ses étapes. De toutes façons, il faudra bien y retourner car on n’aura pas tout vu en une seule fois. Qu’importe car comme le disait François 1er aux méchantes langues qui lui sifflaient que ce château grandiose ne pourrait jamais être fini : Si on devait se préoccuper de l’achèvement des choses, on n’entreprendrait jamais rien.

mercredi 6 mars 2013

Vraies vérités et faux mensonges


Une amie m’a gentiment prêté le livre « La vérité sur l’affaire Harry Québert » dont tout le monde parle et dont je n’avais pas entendu parler…
« C’est l’histoire de parents qui ne veulent pas voir la vérité à propos de leur enfant.
C’est l’histoire d’un riche héritier qui, dans ses années de jeunesse, un peu voyou, a détruit les rêves d’un jeune homme et vit depuis hanté par ses gestes.
C’est l’histoire d’un homme qui rêve de devenir un grand écrivain, et qui se laisse lentement consumer par son ambition. »
Il y a encore de nombreuses autres histoires dans ce livre foisonnant : histoire(s) d’amour, histoires de famille, histoires de « je sais tout mais je ne dirai rien », histoires de non-dits, de choses à moitié dites à moitié à deviner, histoires de faux-semblants et vraies hypocrisies.
Il y a de bonnes choses : la description du milieu littéraire et éditorial de nos jours, la vie dans une petite bourgade en bord de mer dans les années 70,
 l’angoisse de la page blanche du 2ème roman, les 31 leçons pour devenir un vrai écrivain… et il y en a de moins bonnes : les derniers chapitres qui regorgent de rebondissements tous plus incroyables les uns que les autres ; les caractères parfois stéréotypés, de flics ou de femmes ; le héros, sans peur et sans reproche.
Mais, comme dit l’autre, il ne faut pas bouder son bonheur de lire et c’est vrai que l’affaire Harry Québert est captivant du début à (presque) la fin. Style facile, enlevé et rapide, un peu « cinéma » : on tourne la page sans s’en apercevoir. 
Et puis il y a surtout l’histoire d’une amitié indéfectible, qui passe par dessus tous les obstacles et qui reste, même bancale, même monogame, après que l’affreuse vérité ait été dévoilée. 
Les gens bien sont partout. Hélas, les autres aussi.
- La Vérité sur l’Affaire Harry Québert – Joël Dicker – Editions de Fallois 2012 -