De quoi te plains-tu ? Ca fait
quasiment un an que je te laisse dans le noir le plus absolu, faute d’atelier
d’écriture. Tu en es devenu violet de colère, alors aujourd’hui sois content,
tu es sorti de ta prison-trousse et tu peux courir autant que tu veux sur la
page. Tout un bloc de papier pour toi tout seul, plusieurs heures devant toi, tu
peux dégoiser tout ce que tu sais. Raconte tout ce que tu veux, c’est toi que
je veux entendre, toi qui m’as tant aidé à supporter les heures ennuyeuses des
cours de maths de seconde au lycée… Quoi, ce n’était pas toi ? C’était
donc ton frère, car je ne me suis jamais séparée de vous bien longtemps, trop
facile d’écrire, votre mine glisse sur la page avec un contact lisse, j’arrive
presque à croire que j’écris bien. Et surtout, seuls toi et tes frères êtes
arrivés à m’enlever cette « bosse du doigt » qu’ont tous ceux qui
écrivent trop et qui tiennent leur stylo « pas comme il faut ». Cette
petite difformité aurait fait le nectar d’un Sherlock Holmes, qui en aurait
sans nul doute déduit mon goût d’écrire. Aujourd’hui elle a presque disparue,
grâce à toi. Et j’arrive presque à croire que j’écris bien, je veux dire bien
entendu de façon lisible, car pour ce qui est du contenu, j’attends que tu
trouves. Je ne vais quand même pas faire tout le boulot. Te souviens-tu quand
je me suis mise à écrire à l’envers, de droite à gauche, pour épater les potes du
lycée en imitant Léonard de Vinci ? C’est resté mon peintre préféré et
aujourd’hui je sais toujours écrire à l’srevne ; toi aussi, non ? Tu
n’as pas oublié, je préfère ça. On a passé de longues heures ensemble et quand
je partirai sur une île déserte, je t’emmènerai avec moi. Parfois c’est moi qui
t’emmène là où je veux mais d’autres fois, tu le sais bien, tu vas bien plus
vite que mon cerveau et tu as beaucoup plus d’idées. C’est le fameux moment où
les personnages prennent vie et décident eux-mêmes de la suite de l’histoire.
Ce fameux moment où l’écrivain n’est plus qu’une main, le stylo fait tout le
reste jusqu’au point final. Allez, fais pas ta mijaurée, j’ai bien compris que
ce n’était pas vraiment les personnages mais toi seul, chez Simenon comme chez
Léonard, même combat, pinceau ou stylo, c’est vous les maîtres du destin. Tu
sais quand je l’ai compris ? Quand il y a eu rupture de stock des pilot taille 5 à la papeterie. J’ai eu
comme un choc et n’ai rien pu écrire pendant plusieurs semaines. Tu comprends
pourquoi je compte beaucoup sur toi, toujours, au boulot comme à la maison et
quel que soit la forme de ce que je dois écrire. Alors, vas-y.
Merci à Mireille Bloyer
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