mercredi 24 septembre 2014

mouvement(s) d'humeur

Le matin quand je me réveille
J'ai du mal à quitter Morphée
Pour aller justifier la paye
Que mon patron peut s'octroyer
Ce n'est pas vraiment que je tienne
A continuer d'l'engraisser
Mais aussi petite soit la mienne (de paye)
J'en ai besoin pour bouffer
Je fais des trous dans ma ceinture
Un par jour pour mieux gérer
Le minimum que cette enflure
Se croit obligé de me céder

Y en a qui seront jamais dans la merde
Y en a qu'auront jamais de problème
Et ce sont souvent ceux là même
Qui nous dirigent ou qui nous gouvernent


Je le croise devant l'usine
Dans sa belle BMW
Dans sa Porsche ou bien son Alpine
Suivant ce qui l'a motivé
Moi je gare mon vélo
Depuis qu'ils ont décidé
Afin de relancer le marché de l'auto
D'interdire aux poubelles de rouler
Il a les fringues toujours impec
Les mains propres et jamais tachées
Moi mes paluches je bosse avec
Et mes neurones sont élimés


Il a des potes en politique
Des plantes grasses à arroser
De celles qui jamais ne lui piqu'
'ront le coeur de son chéquier
Ils ont le cumul sympathique
de maire et de député
Ils ont la morale cathodique
Et le chômage suranné
Et peu importe l'ascenseur
Qu'ils aiment à se renvoyer
peu importe puisque l'erreur
C'est qu'on est trop dans l'escalier

Combien de temps encore, va-t-on se laisser faire
combien de temps encore, sans rien faire

Yves Jamait

mercredi 17 septembre 2014

Florence, musée ouvert


Au-delà des situations inconcevables et autres errements géographiques du best seller américain Inferno, dont l'histoire démarre à Florence, capitale de la Toscane médiévale et contemporaine, chef d’œuvre de la Renaissance et de l’art italien, voici de véritables petites taches de couleur, souvenirs étoilés d’un séjour trop court.

1/ Le choc du Duomo
Même si on ne se rend pas tout de suite compte de la coupole de Brunelleschi, majestueuse, ronde, magnifique. Même si la façade est un peu masquée par le Baptistère, couvert, manque de chance, par un échafaudage transparent qui laisse heureusement entrevoir ses beautés cachées, il est toujours curieux de regarder l’effet sur les visages de ceux qui le découvrent pour la première fois, impression de découverte du bout de la rue, le Duomo de Florence : c’est toujours saisissant, les yeux toujours admiratifs, incrédules, se lèvent et n’en croient pas… leurs yeux. Rayé de blanc, vert et rouge, sculpté de tous côtés, flanqué d’un campanile vertigineux, découvrir le Duomo est un choc dont on ne se remet pas. 

 2/ Le Baptistère
Et le baptistère alors, me direz-vous ? L'air de rien, on entre sans trop savoir ce qu'on va y trouver. On est encore sous l'écrasante majesté de la cathédrale en face. Et dès qu'on est dedans, on ne sait plus où donner de la tête : toujours ces colonnes marbrées vertes et blanches, la lumière qui tombe en oblique des fenêtres inaccessibles pour le commun des mortels, dont hélas on fait partie. Et des mosaïques dorées, des figures d'archanges, d'enfer, des scènes bibliques, des adorateurs et des prêcheurs, des anges et des diablotins mangeurs d'hommes, maudits.
Et ce Christ, enfin, le seul qui ne porte pas tout le poids des péchés du monde, le seul qui semble heureux, serein, rayonnant. En fait, une fois qu'on y est entré, on n'a plus du tout envie d'en sortir.

 3/ la Porte
A Florence, les artistes reconnaissent le génie des autres. Pas toujours, d'accord, mais enfin, plus qu'ailleurs. Il faut dire qu'ils sont légion, à avoir embelli la ville au fil des époques... Et donc Michel-Ange, qui n'avait pourtant besoin de personne, est venu admirer la porte est du baptistère réalisée par Lorenzo Ghiberti et l'a trouvée tellement belle qu'elle était digne d'être celle du Paradis. Giorgio Vasari, lui, estimait que c'était le plus beau et le plus parfait chef d'oeuvre de l'art sur cette terre. La porte du Paradis (une copie, la vraie est à l'ombre du Museo dell'opera del Duomo) est visible par tous, on peut y passer des heures. Ou alors il faut -déjà- penser à y revenir.
 4/ Attention chef d'oeuvre
Puisqu'on est dedans... Michel-Ange a t-il fait autre chose que des chefs d'oeuvre ? A Rome, non. Et à Florence non plus : le David trône depuis 500 ans sur la piazza della Signoria devant le Palazzo Vecchio (oui je sais : l'original a été mis à l'abri dans la Galleria dell'Academia à quelques centaines de mètres de là, je vous invite à suivre pas à pas l'itinéraire du transport de la statue dans les rues de Florence, qui a eu lieu à la fin du XIXème siècle sous l'air béat des badauds, ce même air qu'on voit sur tous les visages des touristes lorsqu'ils lèvent les yeux vers David) et il ignore superbement le grand Neptune qui le regarde méchamment. Pour changer, on peut aussi le voir, magnifique, en "vrai" avec tous ses contemporains ou presque, au moins ceux qui ne sont pas au Louvre. L'esquisse de Saint Mathieu est impressionnante dans le sens où, effectivement, on voit émerger de la pierre un corps, déjà formé mais pas fini, la création humaine sans avoir besoin du divin.
 5/ Nus sous la pluie
Oui, ils sont là, nus sous la pluie, le soleil et la lune, chaque jour depuis des siècles. David regarde au loin, vers le couloir des Uffizzi et son regard n'accroche même pas les statues disséminées dans la Loggia dei Lanzi, où chacun s'abrite de la chaleur et tente de faire des photos originales malgré les cerbères qui aboient à chaque faux pas. Persée, l'Enlèvement des Sabines... et si on s'intéresse un tant soit peu à chacune de leur histoire, force est de reconnaître le talent de ces artistes qui ont tout donné à leurs créatures, à leurs créations. On ne reste pas de marbre devant cette Méduse de bronze qui s'affiche, béante, devant tous et qui a tant coûté à Cellini, forcé de tout jeter dans le fourneau pour que ce satané bronze puisse en sortir, perfetto.
6/ Incognito
Je ne parlerai pas de la galerie des Offices et des peintures qu'elle recèle. On trouve n'importe où son histoire. Encore que, n'est-ce-pas, recevoir en cadeau de mariage la Vénus d'un certain Sandro Botticelli pour orner sa chambre à coucher, ça révise facilement toutes les théories anti-noces.
Mais il est à Florence d'autres musées bien moins connus, bien moins fréquentés alors même que des trésors s'y cachent. Le musée du Bargello fait partie de ceux-là et l'avantage, c'est qu'on n'y fait pas la queue pour y entrer, pour y voir, immédiatement et sans pitié, le Bacchus ivre de Michel-Ange, joufflu et attendrissant. D'autres Bacchus lui tiennent compagnie mais sans comparaison. Le Bargello est un musée sans prétention qui a joué des tas de rôles différents dans l'histoire de la ville, de palais à prison, aujourd'hui abri de Donatello et autres artistes majeurs de la Renaissance. Un havre de paix. 

7/ Palazzo Palazzi
A Florence, en matière de palais, on est servi. Il y en a à tous les coins de rue. Des qui ont changé de fonction, des qui sont encore des palais, avec des bancs de pierre qui courent tout le long de leurs façades ocrées, pour que les gens puissent s'y asseoir et s'y reposer, et attendre ceux qui font, encore, des photos. On en aime certains, d'autres pas. 
 
A mon avis, le Palais Pitti, grande masse carrée, n'arrive pas à la cheville du Palazzo Vecchio, bien plus biscornu mais tellement plus chargé d'histoire. On s'y perd, on s'émerveille, on est dans un labyrinthe de pièces grandes et petites, toutes avec "quelque chose". A Pitti, tout est pareil et on défile d'une pièce à l'autre sans s'en apercevoir. Heureusement, il y a les peintures. Hélas, il y a le Giardino de Boboli. Il n'a de jardin que le nom, c'est plutôt une série d'allées caillouteuses bordées de statues. Oui, bien entendu il y a des arbres mais bon, en fait on ne dirait pas. Bref j'ai pas aimé l'un et beaucoup aimé l'autre, qui n'a pas de jardin mais des balcons, des loggias, des chambres, une salle des lys, un studiolo et une salle des Cinq Cents d'où, du plafond, nous regarde le grand Cosme 1er, droite lignée des Medicis.

8/ Les Medicis
Ah la famille Medicis ! De Rome et Florence, de Paris à Edinbourg, il y en a eu tant, des grands, des magnifiques, des papes ou des cardinaux, des Catherine qui ont su régner sur la France en prenant le temps d'y imposer certaines manières en introduisant l'usage de..la fourchette ! Des Laurent qui se sont entourés des plus talentueux artistes, détectés dès leur plus jeune âge. Des grands politiques et des meneurs d'hommes. Et puis aussi, une famille qui a connu des revers, des trahisons, des peines, des peurs... et qui a marqué non seulement la Renaissance florentine mais encore bien longtemps après, a laissé des traces dans la ville. Le corridor Vasari, long couloir fermé qui court du Palazzo Vecchio au Palais Pitti en passant au dessus du Ponte Vecchio est encore là pour en témoigner : c'étaient eux les maîtres de Florence.
Je ne vais pas insister sur l'histoire des Médicis, ils sont presque tous dans les livres d'histoire. Plutôt, j'aimerais vous narrer l'histoire de leur jardinier, mais chut...
9/ Fresques, Cloîtres, Chapelles
On n'en finit pas d'entrer dans les églises, qui sont toutes plus belles les unes que les autres. Qui n'ont rien à voir avec celles que l'on connaît en France, grises, froides et poussiéreuses. En Italie, en Toscane, elles sont chaudes, claires et lumineuses pour qu'on voie mieux les détails des peintures murales dans les chapelles, les sculptures sur les colonnes colorées, les dessins entrelacés de marbres.


La vie est là, ce ne sont pas des choses mortes comme on en a l'habitude ici. Chacune a son histoire et il y a eu des scènes tragiques dans toutes. Galilée, Dante sont passés là. Rossini y a son tombeau. Les fresques racontent la vie de tous les jours, lorsqu'elles n'ont pas disparu lors de l'inondation de 1966 qui fit tant de dégâts.
 Un cloître vert, une chapelle espagnole, l'Enfer de Dante et les clefs du paradis : voilà Firenze.

samedi 6 septembre 2014

Mécènes - Histoire d'une collection


Par chance et grâce à une organisation sans faille, j’ai eu la chance d’admirer cet été, durant 20mn, pas plus, La Cène, de Léonard de Vinci, fresque restaurée sur le mur nord du réfectoire de l’ancien couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie à Milan. Ce fut un moment de grâce, inattendu, de découvrir cette peinture qui date maintenant de 600 ans, qui dès le départ a connu des déboires dus aux choix techniques malencontreux de Léonard, plusieurs fois restaurée, bombardée durant la 2ème guerre mondiale (le mur a été couvert d’une bâche pour protéger l’œuvre durant toute la fin de la guerre !), détruite partiellement par la décision inepte du « dominicain en chef » d’agrandir le réfectoire… et pour cela, les dominicains ne seront pas pardonnés. Un moment d’émotion pour ce pur chef d’œuvre, que Léonard a mis 4 années à terminer. Les minutes de visite sont courtes mais on ressort absolument transfiguré et absolument convaincu de l’utilité de tout faire pour conserver et restaurer les chefs d’œuvre du passé, en Italie comme ailleurs.
Alors, après tout, c’est une des images les plus représentées au monde, pourquoi pas commencer une collection de cènes ? Une collection impalpable, une collection d’images, de souvenirs, de photographies, que j’enrichirai au fur et à mesure de mes découvertes, au hasard de mes pérégrinations culturelles… Je serai très attentive à toute proposition d’enrichissement, surtout si La Cène proposée est, elle aussi, inattendue et originale.

La première sera donc celle de Léonard de Vinci – 1494-98 – Milano Italie
Elle est là, il faut aller la voir, les photographies sont interdites. Il faut écouter l'histoire de Léonard qui choisit, contrairement à tous les autres artistes avant lui, de peindre La Cène après que le Christ ait annoncé la trahison de l'un des disciples, il faut regarder ces visages émus, en colère, abasourdis, des 12 apôtres qui, par groupes de trois, réagissent à cette annonce fulgurante et assourdissante à laquelle ils n'arrivent pas à croire. Chacun réagit selon sa propre histoire. Nous aussi.


2- La Cène – école espagnole (anonyme) - bois peint doré à l’or – XVIème siècle – Musée Goya - Castres
 Regardez la position de Jean, toujours à droite de Jésus, ici carrément sur lui, allongé, aimable, amoureux, que sais-je... Mais les autres également sont très mouvants, très naturels, les mouvements sont presque perceptibles. C'est du bois pourtant...

3- La Cène - bas relief de la porte du Baptistère - Campo dei Miracoli - Pise
Miniature mais pas minuscule. Les onze ont l'air de recevoir un sermon. Seul Jean est tranquille, il dort, confiant. Qui nous dira ce qu'ils entendent qui leur donne l'air si triste ? Immobiles, résignés, ils écoutent.

4- La Cène - partie du polyptique siennois du XIVème siècle donné à la cathédrale Sainte Cécile d'Albi (Tarn) au XIXème.
 Tout à fait typique de ce qu'on peut admirer à Sienne, museo dell'opera del Duomo, en centaines d'exemplaires, dorés et flamboyants, sur bois là encore. Certains apôtres sont carrément de dos, à cause d'une table ronde ou parce qu'il fallait tout faire rentrer dans un petit espace ? La lumière n'est pas vraiment adéquate et suffisante pour admirer, dommage...

5- La Cène - Catedral de Nuestra Señora de la Asunción de Santander - XII et XIVème siècle.
Très épuré, en matériau brut, une Cène en ligne avec un treizième homme déjà "pas comme les autres", reconnaissable à l'absence d'auréole. Les autres, il faut s'approcher de très près pour les nommer, mais oui, ils sont tous différents.

6- Cène - Italie du sud (Naples ?).
Très classique, n'est ce pas ? Ils sont tous abasourdis. Mais remarquons quand même, au vu des lourds plateaux qui repartent en cuisine, qu'ils ont aussi beaucoup mangé... et pas seulement du pain bénit.

7- Une Cène à Rome - Saint-Jean de Latran (me semble-t-il)
Sur celle-ci, les pieds sont tous visibles ! Aucun frère supérieur n'a imaginé les écorner pour percer une porte ! Ouf...

8- A Milan, une autre Cène, une autre église (San Maurizio)
Vous remarquerez l'ambiance joyeuse et amoureuse, pour ne pas dire autre chose... on s'embrasse, on se congratule, on se colle les uns aux autres. Jean a fait des émules et chacun y va de son étreinte avec son voisin.