Ma fille a 15 ans. Elle écoute du rock,
du pop, d’autres musiques plus ou moins variées, plus ou moins électriques,
plus ou moins bruyantes. Mais elle entend aussi ce que j’écoute quand elle
n’est pas dans sa chambre : des chansons françaises, du classique, de
l’opéra… Alors elle veut bien que je l’emmène à un concert de l’Orchestre du
Capitole sous la direction de son nouveau chef, un jeune russe qui promet et
dont on ne comprend pas comment ni pourquoi on a pu l’arrêter quelques temps à
Toulouse. Elle se laisse emmener parce-que, au programme, c’est Tableaux d’une
exposition de Moussorgski et qu’elle a déjà aimé le disque.
Nous arrivons, nous prenons place, un peu
en haut, à droite de l’orchestre. C’est bien, on voit le pupitre du chef de
manière bien distincte. Les musiciens arrivent, le chef ensuite, applaudi par
ce public déjà conquis, après juste quelques mois d’envol, par ce chef gentil,
précis, musical et vif.
Toutes les deux, mais je crois que le reste
du public aussi, nous sommes tout de suite emportées par la musique tourmentée,
imagée, de cette exposition russe. Dès les premières notes, nous suivons les
pas parfois nonchalants, parfois lourds et pressés de celui qui déambule sur le
parquet ciré du musée, de la galerie d’art, à Saint-Pétersbourg ou ailleurs,
qu’importe. Nous suivons des yeux les gestes du chef d’orchestre, ses
mouvements ronds et précis et surtout nous suivons ses mouvements lorsqu’il
danse, littéralement, avec la flûte, les cloches, ou pour lancer les violons, et
qu’il va jusqu’à mimer le ballet des poussins qui suivent leur poule de mère. L’orchestre
suit, joyeux, aérien, heureux. Pas besoin d’images, nul tableau n’est
nécessaire : le chef et sa danse suffisent à notre bonheur parce que l’orchestre
le suit, louvoie, fait des rodomontades et des esquisses de notes, rondes,
ciselées, argentées.
A la fin du concert, ma fille a applaudi
à tout rompre et dans un chuchotement m’a dit : maman, j’avais des
frissons tellement c’était beau. Oui, il s’était passé quelque chose ce soir
là, entre le chef, l’orchestre et nous et avec le souffle de Moussorgsky qui
s’était posé là.
Ma fille écoute toujours du rock. Mais
sur son I Phone, elle a aussi de la musique classique, des musiques du monde et
de la chanson française. Elle veut bien venir quand je lui promets une
surprise, elle veut bien écouter de nouvelles choses, quelque soit le genre et
la case dans laquelle on les met. Ce qui est important, c’est l’émotion qu’elle
ressent, pas le genre de musique qu’elle écoute.
Le jeune chef russe est toujours là, même
s’il commence à prendre son envol pour des steppes lointaines. En peu de temps
il aura fait beaucoup pour la musique, pour les jeunes, pour nous tous. Il est
ici chez lui. Aucune frontière, aucune guerre ne pourra jamais bloquer ces
mélanges là.
merci à Dominique Boutel - souvenir musical - La matinée du samedi - France Musique - 27/12/2014
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