mercredi 15 février 2017

la trappe

Nous sommes tous des farceurs car nous survivons à 

la fin du monde chaque jour. Dès le matin, au réveil, lorsqu'une voix nasillarde déverse son lot quotidien de catastrophes, de guerres et de faits divers, égrenés comme une litanie triste et obligatoire. Comment y survivre ? Mais tant pis, il faut se lever, regarder les valises qu'on a sous les yeux, chaque jour un peu plus lourdes, chaque jour baisser les yeux un peu plus vite. Arriver à éviter tout court de se regarder dans la glace, ou alors en y faisant des grimaces, pour se décomposer en origamis de chair inversée. Puisqu'on est dans la farce, autant se composer un sourire de pacotille pour répondre poliment aux "bonjour ! ça va ?" qui ne vont pas manquer de ponctuer chaque rencontre du matin. Mais à un moment, le sourire de façade va commencer à se fissurer. La valse quotidienne peut commencer : on nous déverse un tombereau de problèmes à résoudre, problèmes petits ou grands, minuscules ou minables pour lesquels on se met en quatre afin d'y trouver une solution, elle-même minable, mais qu'importe ? La Terre tourne sur elle-même, elle virevolte et demain sera également un autre jour, avec de nouveaux problèmes, mineurs ou majeurs selon le degré de farce qu'on aura mis dans les légumes du déjeuner de midi. L'après-midi s'étire, on s'étire avec elle pour éviter de se racornir. Le soleil a fait son tour, on ferme les yeux à demi et au retour dans ses pénates, on se dit qu'au lieu de plantes en pot, on aimerait avoir un jardin, quels délices ! La fatigue reprend le dessus, on enfile un pyjama à rayures, aussi zébré que le costume d'un prisonnier et notre ultime pensée avant de sombrer, c'est : quelle farce ! Une vie sans tambour ni trompette, sans un monsieur Loyal bienveillant qui pourrait nous réveiller en s'écriant : ce n'était qu'une farce !
l'incipit est de Cioran

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