lundi 20 août 2018

Porto, Oporto, sol e sombra

Lors de ce séjour inopiné dans la ville de Porto, au nord du Portugal, j'avais emporté dans mon sac à dos un "classique", de l'auteur lusitanien Camilo Castelo Branco (XIXème siècle) : Mystères de Lisbonne. L'étonnant, c'est que je l'ai également rencontré deux fois à Porto : l'une au cours de ma visite au centre photographique, situé dans une ancienne prison/forteresse en plein centre de la ville. Castelo Branco y a passé un an dans une grande cellule carrée avec vue sur le fleuve, pour cause de délit d'adultère. Bon, enfermé mais mondain quand même, puisqu'il y recevait des visites royales. Les prisons ne sont plus ce qu'elles étaient. L'autre rencontre c'était lors de la surprise suivante : ici
L'écrivain, tout à droite, y tient compagnie à 2 autres personnages importants du Portugal, Almeida Garrett et un autre dont j'ai oublié le nom (un aventurier ?) sans parler de Saint-Jean Baptiste mais on ne sait pas ce qu'il fait là. Ils ont leurs noms sur la pancarte explicative de leur "niche", située au dessus de la toute petite Fnac, en plein centre commerçant, à deux pas du café Majestic.
Je vous ferai cependant grâce du résumé de ce bouquin, sorte de Monte Cristo avec tout un tas de rebondissements tout à fait incroyables mais imprégné, hélas, d'une religiosité, d'une morale rigoriste qui affadit un peu l'aventure.



















Il suffit de passer le pont

Ce long séjour non prévu m'a permis de découvrir la deuxième ville de ce petit pays, de fond en comble (ou presque). Une ville intéressante avec pas mal de belles choses à voir, mais ce qui m'a le plus impressionnée, c'est le fleuve. Le Douro, large, majestueux, tumultueux et scintillant est vraiment une merveille. 6 ponts le surplombent, tous construits à peu près sur la même structure, quasi obligatoire au vu des collines sur lesquelles est bâtie la ville. Deux d'entre eux sont en fer, type Tour Eiffel. Et pour cause puisque l'un, le pont Luis 1er, a été réalisé par un disciple du maître et l'autre, Maria Pia, par le maître lui-même. Je recommande sans réserve de monter sur le tablier supérieur du premier (l'autre pont est désaffecté de toutes manières), d'où l'on peut admirer non seulement le fleuve mais toute l'étendue de la ville et de Vila Nova de Gaïa, qui lui fait face. Attention quand même à ne pas se faire attraper par le métro, qui passe tranquillement sur le pont, sans inquiétude pour les touristes qui s'y pressent.
Les bateaux passent, qui transportent les humains et non plus les tonneaux. On y a gagné en rapidité mais le porto est-il meilleur pour autant ? Je vous laisse juges.












 


En tout cas, les jours de vent ou au moment des marées, il est fascinant de regarder les courants contraires s'affronter à fleur d'eau, et on pourrait passer des heures entières à admirer ce fleuve doré.

Beaucoup de bruit partout

Porto est une ville qui se rénove. Sans cesse et partout. Il y a des grues jaunes dans tous les coins et deux maisons sur trois sont en travaux.











Le seul problème de ce centre historique classé patrimoine de l'Unesco, c'est que les rénovations se font apparemment au détriment des habitants, eux aussi historiques, de ces vieux quartiers. Certes, les vieilles maisons sont souvent insalubres, mais pourquoi les rénover en en chassant les locataires ? On en fait des résidences touristiques, qui rapportent gros et on éloigne le portuense, prié d'aller se faire voir en banlieue.





















Je me demande ce que donne le centre ville en hiver, quand les touristes se font moins nombreux, que les commerces sont moins ouverts, que les trottoirs ont été désertés. Donc ces fameuses façades le long des quais, carrés colorés pour carte postale, cachent en fait des restes de maisons abandonnées, décrépites, laissées pour compte.
Restent les azulejos, de vraies fresques sur les églises en bleu et blanc, ou à l'intérieur de la gare Sao Bento, un vrai bijou. Egalement les murs des maisons anciennes qui ont conservé leurs carreaux de faïence traditionnels, un véritable savoir-faire.


Et puis également ces drôles de lucarnes sur les toits des maisons couverts de tuiles : lanterneaux fabriqués pour éclairer avec un puits de jour les sombres escaliers d'origine... il y en a partout, c'est très spécifique.

Pour en finir avec le bruit, sachez qu'en plus des travaux, on doit également faire face aux nombreuses cloches des multiples églises, qui sonnent jusqu'au quart d'heure, ainsi qu'au roulement des pneus de voitures sur les pavés, dont le grondement se répercute amplifié, les rues étant étroites et les maisons hautes. Autant vous dire qu'il vaut mieux trouver un hébergement avec double vitrage. Mais comme il ne fait pas vraiment froid...

Le vieux et le neuf

Cette perpétuelle agitation fait se côtoyer l'ancien et le nouveau. En se baladant dans ces rues, on se demande parfois comment sera Porto dans une vingtaine d'années. Les boutiques de barbiers qui fleurissent dans la moindre ruelle auront-elles toutes disparues pour laisser place aux grands noms de la coiffure ? Les petits cafés restaurants où l'on peut manger pour 3,50 euros un plat complet auront-ils encore pignon sur rue ? Les nombreux magasins de guitares typiques du fado auront-il laissé la place à... je ne sais quoi ? La grande rue commerçante fait frémir mais elle en côtoie d'autres pleines de boutiques bien vivantes : boulangeries (qui vendent surtout des gâteaux, excellents au demeurant, le pain n'étant que d'une utilité accessoire), textile, bars minuscules, quincailleries ou bazars... On trouve encore de tout au centre ville.


















La ville étant donc bâtie en étages, à flanc de collines, elle n'est jamais pareille, selon le point de vue qu'on a en se déplaçant : sur le pont, de l'esplanade de la cathédrale, dans un des petits îlots verts rempli d'escaliers, des quais de la Ribeira, ou de ceux d'en face, anciens entrepôts à porto, bien mieux mis en valeur par une promenade qui va peut-être jusqu'au point blanc qui se détache à la pointe ouest : le pont Arrabida. Il est dommage que les quais côté Porto soient mangés par des parkings, des dépôts désaffectés qu'on ne peut traverser. Il est vrai qu'il y a à peine la place pour le passage du bus, du vieux tramway, des voitures.


















Cela doit être l'une des raisons pour laquelle Porto bénéficie d'un réseau métro assez important pour une ville de moins de 250 000 habitants (5 lignes !). Large, aéré et souvent aérien, il dessert toute la ville et au-delà. Si vous arrivez à comprendre comment il fonctionne bien entendu, ce qui s'avère assez compliqué, vu les longues files d'attente devant chaque machine à ticket et le nombre d'agents disponibles pour vous donner l'information souhaitée. Peut-être serait-il plus avantageux d'afficher une carte du réseau dans chaque station mais on ne va pas mégoter, les "petits boulots" sont légion au Portugal et pourquoi pas ? Un humain, c'est quand même mieux qu'une machine.

En visite

Les points d'intérêts, mis à part ces balades dans les rues sombres, la traversée de Porto en long et en large, surtout en montées et en descentes, les places, les monuments et autres bâtiments historiques, sont nombreux. Je recommande tout particulièrement la cathédrale da Sé, pas pour elle-même (l'intérieur des églises portugaises ne vaut pas grand chose) mais pour son emplacement. Terrasse, esplanade, belvédère, peu importe comment on l'appelle mais la vue y est grandiose. Il faut aussi prendre la peine d'aller jusqu'au cloître, agrémenté de tableaux en azulejos bleu et blanc.
Côté vue, on peut aussi prendre les "oeufs", tels un téléphérique de station de ski, qui surplombent le fleuve côté Vila Nova de Gaïa et bien entendu on peut monter sur le pont Luis 1er.
 
Pour longer le fleuve jusqu'à l'océan, il faut prendre le vieux tramway touristique, l'une des 3 lignes restantes qui va jusqu'à l'estuaire ; sinon un bus ou le métro va aussi jusqu'au marché couvert de Matosinhos, donc un peu plus loin. C'est moins cher et c'est moins bondé. Par ailleurs, ça va plus vite. La plage du même nom est assez fréquentée mais il y a de la place. On n'a pas eu de chance : la sculpture monumentale "She changes", sorte d'anémone de mer en filet de pêche bien amarrée ne bougeait pas d'un pouce, car aucun souffle de vent ne l'effleurait. Je crois qu'il vaut mieux l'admirer hors saison.
Une visite au Palacio da Bolsa remplit d'émerveillement au fur et à mesure du parcours, jusqu'au bijou jalousement conservé : la salle d'apparat arabe, stylée et dentelée. Une visite guidée fort intéressante.


















Bien entendu, il faudra monter à la Torre de Clérigos, qui domine la ville malgré ses petits 76m, les 225 marches paraissant dérisoires après la longue attente nécessaire si on ne s'y prend pas suffisamment tôt le matin. On y découvre la ville sous toutes ses coutures, à faire donc si possible en arrivant. Après Nantes, Manchester et Cambridge, je trouve idéal de faire cette découverte presque aérienne des contours d'une ville les premiers jours de son arrivée. C'est un point de vue différent, qui fait comprendre comment se place la ville sur un territoire bien plus grand, plus ou moins méconnu, mais qu'on ne peut reconnaître si on n'est pas pilote d'hélicoptère (mon rêve).

Le clou

Ce qu'il ne faut pas manquer lors d'un séjour à Porto c'est Serralves : maison, musée et parc. Situé tout à fait en banlieue (mais desservi par les transports en commun) nord-ouest, c'est un endroit magique où l'on peut passer une journée délicieuse. Grand parc avec forêt où beaucoup d'essences diverses se mêlent ; petite ferme avec animaux et maison en paille ; parc agrémenté d'oeuvres artistiques contemporaines à demeure ; maison "art deco" toute rose avec un intérieur à couper le souffle, malgré sa non mise en valeur et enfin le musée d'art contemporain avec des collections permanentes et une expo temporaire (Pour nous, c'était des maquettes d'Anish Kapoor, intéressantes). Tout cela pour 10 euros, franchement il ne faut pas s'en priver.


Et puis des marchés couverts, anciens ou en rénovation (Bolhao), un funiculaire, des escaliers masqués, les quais grouillants, des églises, beaucoup d'églises... Fait assez étonnant dans la mesure où le Portugal est une des plus anciennes Républiques. Des magasins modernes et des petites échoppes presque moyenâgeuses et une vie culturelle qui a l'air dynamique. J'y ai goûté la spécialité locale, la francesinha, peut-être inspirée du croque monsieur français, étonnant mélange de pain, de fromage et de viande qui ne serait pas mauvais s'il ne baignait pas dans une sauce mi tomate mi porto qui franchement ne m'a pas plu du tout. Mais il fallait essayer !
 
Beaucoup de touristes en été dans le centre historique, peut-être le mois de mai est-il plus propice à la tranquillité. Mais il n'y fait pas trop chaud, l'air du large étant toujours de l'aventure, dès le premier pas et jusqu'à la tombée du soir.

Porto, une surprise bienvenue !