samedi 8 décembre 2012

L'enveloppe jaune


Certains lecteurs ont un livre de chevet. Un livre qu’ils ont toujours à côté d’eux, et qu’ils lisent régulièrement, voire même chaque jour. Une référence en somme. La lectrice que je suis a un auteur de chevet, c’est Simenon. Oui, je sais… personnage controversé mais qu’importe, ce n’est pas le personnage qui compte, c’est ce qu’il a écrit. 25 tomes dans la collection Omnibus, et je ne parle pas de ses romans autobiographiques, peu lisibles, mais des Maigret et des romans de la destinée, les romans « durs ». C’est presque ceux que je préfère, même si Maigret, quand même, on y revient, comme à Sherlock Holmes.
source : wikipedia
J’ai besoin de me replonger de manière régulière dans les ambiances lourdes, poisseuses, pluvieuses, boueuses, au sens propre comme au sens figuré, de ces romans (la densité poisseuse de ses romans – Alain Bertrand). La magie, c’est que dès les 10 premières lignes, on est complètement embourbé dans un ailleurs qui n’appartient qu’à ces personnages, ceux de l’histoire qu’on est entrain de découvrir. Tout un monde. Tellement bien décrit, tellement bien écrit. Laissons parler Jacques Dubois à propos des enquêtes « à la Maigret » : « Il ne s’agit pas à proprement parler de « résolution de l’énigme » mais plutôt une compréhension des êtres, une levée, au moins partielle, de leur opacité. Et s’il faut passer à l’action, la pente véritable de Maigret c’est la flânerie, la contemplation, la méditation. C’est d’elles que sortent solutions et résolutions. Aussi les phases de « latence » sont-elles nombreuses. des instants d’ « intense platitude », d’abandon vague et comme un peu veule, dont Simenon se délecte ». Nous aussi.
Certaines histoires vous suivent pour la vie, tellement on a été dedans (La chambre bleue), si rapidement, ailleurs, déjà après les premières lignes. Comment Simenon peut-il bien réussir cette magie, il ne peut pas avoir tout et tant vécu… ?
C’est peut-être le secret de l’enveloppe jaune. Une par roman. Elle contenait tous les personnages, leur histoire et leur généalogie, leurs noms, les lieux, l’intrigue, le calendrier, la saison. C’était le travail préparatoire, écrit au crayon à papier minutieusement taillé. Une fois cette mixture bien prête, Simenon s’enfermait et écrivait. L’enveloppe jaune n’était pas toujours suivie, mais qu’importe. Tout était là, ne restait que l’écriture.
Moi je ne peux pas m’en passer, mais j’ai de la chance, je n’ai presque pas encore tout lu et pourtant !
Oui c’est du roman populaire, qui connaît un succès planétaire. Une chance pour ceux qui n’aiment pas lire, pour ceux qui ont juste le temps d’un voyage en train – c’est souvent assez court - et aussi pour ceux qui aiment les ambiances. Qu’importe le pourquoi on aime, en tout cas ça parle à ce qui est en nous, ça raconte la vie de personnages d’une banalité déconcertante, qui pourtant « passent la ligne ». Tout est dans le début de l’histoire. Une fois que vous êtes entré dedans, vous ne pouvez plus en sortir.
Vous entrez ?

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