vendredi 28 décembre 2012

le promeneur du XIXème (1)


L’Italie est-elle faite pour s’y promener ? Oui, mille fois oui : s’y promener en ayant du temps pour admirer tout ce qu’il y a de beau. Au XIXème siècle, c’était presque plus facile qu’aujourd’hui, en tout cas pour ceux qui pouvaient se le permettre. Il fallait tant de temps pour aller de Paris à Rome qu’on y restait des mois, jusqu’à en être saturé. Aujourd’hui, on fait « 3 jours à Rome » et on passe à autre chose.
Stendhal nous raconte, dans « Promenades dans Rome », son ou ses séjours dans la ville éternelle, avec panache, avec (auto) dérision, avec humour, avec flagornerie et fatuité parfois mais toujours avec beaucoup d’esprit et d’érudition.
Les Romains, comme les Anglais d’aujourd’hui, avaient eu l’adresse de persuader leurs femmes que s’ennuyer était le premier devoir d’une matrone respectable. Ce ne fut guère que vers le temps de César que les femmes riches sentirent la duperie de ce système ; alors Caton cria que tout était perdu.

On apprend des tas de choses sur la vie de ces voyageurs français, touristes plus ou moins fortunés mais avides de beauté et curieux de tout. Au jour le jour, les promenades dans Rome et ses environs comme les soirées mondaines chez les ambassadeurs sont prétextes à une foultitude d’idées, de critiques, de commentaires non seulement sur l’histoire romaine mais aussi sur l’art en général, ou les systèmes politiques du moment :
Je désire, comme honnête homme, surtout quand je suis en butte aux vexations des polices italiennes, que toute la terre obtienne le gouvernement légal de New York ; mais, dans ce pays si moral, en peu de mois l’ennui mettrait fin à mon existence.
L’auteur n’oublie pas de donner quelques coups de pied à la religion et ses excès et se moque pas mal de lui-même et de ses compagnons de voyage. Tout en décrivant très précisément ses visites à Saint-Pierre, ce qu’il faut voir dans les musei vaticani et les églises et ce qu’on peut « oublier » de regarder.

Che disse mal d’ognun fuor che di Dio
Scusandosi col dir : non lo conosco
(qui médit de chacun hormis de Dieu, s’excusant par ces mots : je ne le connais point – il s’agit de l’Arétin, poète toscan)

Finalement, Rome est bien la même, malgré la vie trépidante des siècles, l’incessant progrès, la vitesse du temps qui passe. La statue de Marc Aurèle est toujours à la même place, les copies d’imitations de copies toujours aussi nombreuses, la Pietà de Michel-Ange toujours en entrant à droite à Saint-Pierre, le Colisée toujours en ruine, magnifique. Et la basilique Saint-Pierre, sur laquelle Stendhal revient, encore et encore, basilique boussole, basilique aimant, fascine toujours autant avant d’y aller, au moment d’y entrer, dedans, et encore une fois, lorsqu’on en sort, puisqu’on brûle d’y retourner.
Et comme en réponse au vieux Corneille, dans Horace :
Rome, l’unique objet de mon ressentiment !
Rome, à qui vient ton bras d’immoler mon amant !
Rome qui t’a vu naitre et que ton cœur adore !
Rome enfin que je hais parce qu’elle t’honore !

Je me joins à Stendhal pour dire plutôt :
Rome, unique objet de mes sentiments !
Rome, vers qui m’entraîne le bras de mon amant !
Rome, par qui je renais et que mon cœur adore !
Rome enfin, que j’aime sans le moindre effort !

Oui, bon, les rimes sont peut être moins riches… mais l’important est ailleurs…

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