Mars invite Vénus
à déjeuner au restaurant, à midi. Vénus accepte mais elle le regrette très tôt,
déjà en y allant car elle sait ce que veut Mars et qu’elle ne veut pas lui
donner. Mais Mars est un gentil, ça se passera de manière correcte. Mars est
marié, Vénus vit en couple, ils ont tous les deux des enfants. Mars a invité
Vénus car il l’a rencontrée dans des circonstances très particulières et il
s’est passé quelque chose entre eux lors de cette après soirée, un bavardage
assez intime pour qu’ils se soient rapprochés. Vénus a une vie compliquée, en
instance de rupture, elle hésite, elle tergiverse, elle ne sait pas comment s’y
prendre. Mars a une vie stable, trop stable depuis plus de vingt ans, peut-être
s’ennuie t-il un peu ? En tout cas il saute sur cette occasion, une vénus
intéressante, un peu en déroute donc fragilisée, qui va lui apporter ce piment
qui lui manque, engoncé comme il l’est dans sa routine campagnarde. C’est ce
qu’il espère, c’est ce qu’il attend.
Vénus s’ennuie
rapidement en mangeant son menu du jour. Elle ne sait quoi dire à Mars pour
qu’il cesse de la manger des yeux, elle tente de lui démontrer qu’il n’y a
aucun espoir car elle ne sait même pas ce qu’elle va devenir alors pas question
de se rajouter une aventure en plus avec un homme marié, qui habite loin, qui
n’est pas l’homme idéal qu’elle recherche. Elle ne sait plus rien à part
qu’elle doit se débrouiller seule pour passer ce cap, seule à affronter les
difficultés qui vont surgir dès qu’elle aura pris sa décision.
Mars louvoie pour
ne pas se faire jeter et explique qu’il n’attend rien qu’un peu d’amitié,
d’échanges, de bavardage. Mensonge éhonté mais qu’il dit si gentiment que Vénus
le croit presque. Mais elle ne sait pas quoi lui répondre, car qu’est-ce qu’une
amitié entre homme et femme qui ne se termine dans un lit ? Elle ne croit
déjà plus en grand-chose en ce qui concerne les hommes et les femmes. Mars y
croit encore et veut y croire, il a tendance à vouloir vivre ses rêves, en
pensant qu’il n’y aura pas de dommages collatéraux.
Mars croit dur
comme fer que Vénus va changer sa vie, en fait elle l’a déjà changée, il pense
à elle trop souvent, lui écrit, l’appelle parfois malgré le danger du conjoint
et c’est vrai qu’ils s’amusent au fond, un jeu de chat et de souris sans être
jamais sûr de qui joue quoi. Et puis Vénus a tellement peu d’amour dans sa vie
quotidienne qu’un peu d’attention lui fait du bien. Chacun y trouve son compte
mais Vénus recule dès qu’il lui demande d’aller un peu plus loin, elle ne veut
pas s’engager, elle ne veut pas d’ennuis, elle en a trop déjà et trop souvent
son mouchoir roulé en boule lui sert à tamponner ses yeux.
Le repas se
poursuit, heureusement ils ont quelques autres sujets de conversation,
professionnels, les connaissances communes qui ont participé à leur rencontre.
Ces connaissances sont toutes plus jeunes qu’eux et ne peuvent donc pas les
aider par leur expérience éventuelle. Ils doivent affronter de nouveaux choix
tout seuls, sans avis, sans en parler : Vénus n’a guère de famille et en tout
cas pas assez proche pour parler de choses aussi intimes. Mars est un peu prude
et ne songe même pas à parler de ses questionnements à quiconque. Comme beaucoup d’hommes, il
garde tout et ne s’épanche guère. Ce sont des choses qu’on ne dit pas, sauf
peut être à son meilleur ami mais Mars n’a pas de meilleur ami, ses amis sont de
nature d’abord professionnelle ce sont plutôt des collègues, même s’il les
connaît bien et partage beaucoup de choses avec eux. Vénus n’a pas d’amies assez intimes pour parler de ses
problèmes, ses amies sont mariées, heureuses, enfin elles en ont l’air et ne
comprendraient pas pourquoi ça ne fonctionne pas entre elle et son conjoint.
Car ils donnent le change, en public, tout ce qui va mal se passe dans
l’intimité, le soir, le week end, quand personne n’est là pour écouter, pour
calmer le jeu.
Les deux
solitudes de Mars et de Vénus, quoique de nature différente, se sont rejointes
et les points communs les ont rapprochés. C’est vrai que Vénus s’était
épanchée, pour la première fois, un soir de fête, peut-être que dire ce genre
de choses à un inconnu est finalement plus facile, surtout en l’absence du
conjoint qui la met en difficulté et c’est vrai que Mars l’avait écoutée,
durant des heures, raconter ses affres et son mal-être. Ca aurait pu finir
comme ça mais Mars n’en avait pas assez, il voulait aller plus loin, cherchait
encore à creuser, à savoir, à tout comprendre de cette femme qui le fascinait
tant il croyait qu’elle était différente. Vénus, dans sa déroute, se débattait
mollement tout en sachant qu’elle jouait avec le feu. Elle résistait mais ne
rompait pas, car qui sait ? Peut être un jour ce Mars lui servirait et en
tout cas il était bien utile pour déverser ce trop plein d’émotions avec
lesquelles elle devait composer.
Arrive le
dessert et Vénus commence à comprendre que non, elle ne peut continuer cette
relation de fausse amitié avec cet homme, même s’il insiste et qu’il est
gentil. Elle ne sait pas le lui dire, il ne veut pas l’entendre, cela reste
donc en suspens, chacun croyant autre chose que ce que pense l’autre. Vénus se
dit que de toutes manières il suffira de ne plus répondre à ses lettres, ses
appels, ses mails et tout sera dit. Mars se dit qu’il suffira de continuer à
l’inonder de nouvelles, d’attentions, de questions pour que l’amitié se
transforme en autre chose.
Si le déjeuner
en arrive à sa fin, cette histoire, elle, ne finit pas là. Mars et Vénus se
retrouveront, se perdront de vue, se retrouveront encore. Mais quoi qu’il leur
arrive, Vénus se souviendra toujours de ce déjeuner où rien n’était décidé, où
Mars disait dans ses yeux ce qu’il aurait voulu, où elle-même n’en finissait
pas de ne pas savoir tout en sachant que non, cet homme ne lui convenait
décidément pas, c’était encore trop compliqué. La première impression est
toujours la bonne, le problème c’est que la première impression de Mars n’était
pas celle de Vénus.
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