Roy
a treize ans. Il part avec son père dans une île froide et sauvage, déserte. Un
séjour d’un an y est prévu. Mais
très rapidement, Roy s’aperçoit que son père n’est pas de taille à surmonter
cette nature hostile malgré tous ses efforts. Son père ne sait déjà pas se
débrouiller dans la vie « normale » alors loin de tout… Il est un peu
dérangé, son père, ou plutôt il est faible. Est-ce un si grand tort ? Non,
si on n’emmène pas son fils de treize ans dans ses déboulonnades, à lui faire
croire que tout va être bien, à deux dans cette neige, avec une seule cabane et
4 mains pour tout. Rien ne fonctionne, tous les plans tombent par terre et le
père de Roy ne sait que sangloter, de se voir si faible dans ce monde si
hostile. Roy ne sait pas quoi lui dire, il ne comprend pas pourquoi ils sont
venus ici. Il n’a pas su lui dire non et il est parti alors qu’il n’en avait
pas envie. Il ne sait pas non plus lui dire qu’il veut rentrer ou s’il lui dit,
se rétracte immédiatement, pourquoi ? Pour ne pas le laisser seul, encore
plus démuni ? Et comme il ne sait pas comment lui dire qu’il ne peut pas rester
comme ça, qu’il ne comprend pas comment ils peuvent s’en sortir, qu’il voit
arriver l’inéluctable, il se sauve avant, en se tirant une balle dans la tête.
C’est la première partie de « Sukkvan Island » de David Vann
(Gallmeister 2008). La deuxième est plus classique : la fuite en avant du
père qui n’en peut plus de se savoir vivant alors que son fils est mort et que
tout est de sa faute. « Roy s’était
tué à sa place en un échange convenu, c’est pourquoi Jim était responsable de
sa mort. ». Mais comment et pourquoi donc les a t'on laissés
partir ? Les gens qui dérivent ne trouvent guère d’aide et sombrent peu à
peu, vers l’inéluctable. Seuls, comme tous les autres. Entraînant hélas
d’autres âmes faibles ou mineures dans leur sillage avant la fin.
Ce
premier roman se lit d’une traite, d’abord parce qu’on veut comprendre, et
ensuite parce qu’on a trop vite compris. Que le désespoir n’a pas d’âge.
Qu’être père n’est pas toujours facile. Que parfois, il vaut mieux un père
absent qu’on peut imaginer au lieu de devoir subir celui qu’on a, sans
qu’aucune porte de sortie ne soit offerte, sauf grandir. Roy n’a même pas eu
cette chance.
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