Au
fil des chemins tortueux, des routes pentues, des sentiers caillouteux de toute
la Grèce, on peut trouver des vestiges de la civilisation antique, aux pierres
si méconnues mais aux dieux encore tellement vivants. Pour concevoir cette
antiquité, lorsqu’on n’est pas spécialiste, un bon guide qui raconte bien est
nécessaire. Car réussir à remonter le temps devant quelques colonnes encore
debout et une statue sans tête mais encore drapée dans sa toge n’est pas donné
à tout le monde. Et imaginer la splendeur passée de Démeter devant des blocs de
pierre alignés, même nombreux, n’est pas chose évidente.
Alors
il reste les musées, ou l’Acropole et ses vestiges aux noms prestigieux. Le
site entier de l’Acropole, incluant l’agora grecque (si on arrive à temps pour
visiter), son musée flambant neuf et jusqu’à l’Olympion peut encore faire rêver
malgré les ruines, l’érosion, l’abandon.
Un fantôme de théâtre garde encore
quelque chose de Dyonisos ; de multiples statues de Poséidon conservent
leur puissance ; les divers Apollons leur splendeur, malgré l’isolement de
chacun. On n’a aucune idée de l’ensemble, sauf qu’on se sent tout petit devant
ces portes immenses, ces colonnes de temples colossaux, ces portiques élancés.
On se souvient à peine des enseignements sur la Grèce antique, civilisation
fondatrice et comme on n’a pas fait de grec ancien, on tente de rassembler le
peu de racines des mots qui nous restent. Bref, on reste assez loin de
l’Histoire.
Le
tout nouveau musée de l’Acropole aurait pu réussir à la faire revivre. Le tour
de force est réel, d’avoir reconstruit à l’identique – mis à part les
dimensions des colonnes – le Parthénon dans son ensemble, pour que le visiteur
comprenne enfin ce que voulait dire la puissance grecque et la vénération des
dieux, Zeus et Athéna au tout premier plan. On tente de recréer la magie des
lieux, on essaie de rêver aux morceaux absents, détruits ou volés. Car voilà
qu’au détour d’un commentaire, on apprend le pillage général. Que les Grecs
aient construit leurs nouvelles habitations avec les pierres des anciens sites,
passe encore, qui n’a pas fait de même ? Mais qu’un Lord Elgin, 7ème
du nom, détache et emporte allègrement la plus grande moitié du portique est du
Parthénon, en vue de faire fortune une fois rentré dans son Angleterre natale, alors
ça non, ça ne passe pas.
Lorsqu’on
a fait tous ces kilomètres, lorsqu’on a enfin monté toutes ces marches, lorsque
nos yeux se posent enfin sur les caryatides tant attendues, on ne veut que
croire ce que voient nos yeux.
Or oui, celles qui sont dehors, exposées au
vent, sont des copies. Soit, la copie est bien faite et on n’y voit goutte,
d’ailleurs on ne les voit que de loin et même les copies ont droit à des
machines moches qui mesurent l’humidité et dieu sait quoi encore pour ne pas
qu’elles soient abîmées ; c’est dire la valeur des copies. Alors on se console
en allant voir les originales, gardées à l’intérieur, hors contexte, comme un
trésor. Et là encore, on apprend que la sixième caryatide, celle qui fait de
l’Erechtheion l’un des plus beaux vestiges debout, se trouve… au British
Museum, à Londres. Grâce au fameux Lord, qui, s’il n’a finalement pas fait
fortune, a fait celle de la capitale anglaise : après avoir fait la fine
bouche, elle a pu racheter la totalité des vestiges rapportés, à bas prix et
pour sa plus grande gloire, juste après la pierre de Rosette.
Franchement,
on aimerait bien que les Anglais rendent à la Grèce la sixième caryatide, et
puis aussi la tête de cheval du char de Séléné avec ce qui reste du portique est du Parthénon,
les bas-reliefs et tout ce que Lord Elgin a emporté sans vergogne. Leur vraie
place est au nouveau musée de l’Acropole, aux côtés de tout ce qui y est exposé.
Il paraît que la tendance, dans les pays ex colonisateurs, est enfin à rendre aux pays ex colonisés leurs trésors pillés lors de longues années d’explorations dévastatrices. La France aurait récemment rendu une tête de chef kanak à la Nouvelle Calédonie indépendante, après des années de tergiversations, de recherches dans les inventaires oubliés, et autres négociations hautement diplomatiques. Alors, la sixième caryatide en cadeau d’inauguration du musée de l’Acropole, ça serait un sacré symbole de solidarité européenne, non ?
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