vendredi 30 mai 2014

Guignol à l'opéra


J’étais partie ce vendredi soir pour écouter un opéra « mineur » de Giuseppe Verdi, I due Foscari, une sombre histoire de Doge vieillissant et de son fils condamné à l’exil pour un crime qu’il n’aurait pas commis. Un exil en Crète, à l’époque c’était dur, aujourd’hui, ce serait des vacances… Des patriciens obscurs, une femme éplorée et un traître ayant juré la perte de la famille Foscari complétaient le tableau. Livret léger, personnages falots, bon mais c’était quand même Verdi. Les voix étaient assez belles ; le chœur soutenu et l’orchestre du Capitole égal à lui-même. La mise en scène… absolument inexistante, un néant intégral, je me demande encore comment les chanteurs s’en sont sortis. Peu importe, c’était une soirée agréable quand même. Et le traître conspirateur était méchant à souhait, en plus il gagne à la fin puisque tout le monde meurt ou presque, sauf lui, bref une tragédie dans toute sa splendeur.
Au tomber de rideau final, tout le monde vient saluer et là ô surprise, le public, jeune, inhabitué, inhabituel, spontané en tout cas… siffle le « méchant », qui en a été tout étonné. Il y avait de quoi : comme à Guignol où les enfants hurlent : « Il est là ! Le gendarme est derrière toi ! » dans un chahut épouvantable, ce public montrait son mécontentement au personnage (et pas au chanteur, tout à fait correct et qui est sûrement très gentil dans la vie) qui jouait le traître, parce que sur scène, il avait détruit le bonheur d’une famille innocente. Dans mon for intérieur, j’ai pensé : heureusement qu’on ne jouait pas Otello, ils auraient fini par lyncher le baryton qui chante Iago…
Ces petites surprises de la vie qui amènent des sourires inattendus, sont des petits bonheurs qu’on garde au chaud dans sa mémoire.  On les garde, comme des petits cailloux qui jalonnent les étapes de la vie.

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