mardi 21 octobre 2014

la revanche des gringalets

Difficile d'écrire un "autre" roman après la saga Harry Potter... très difficile. Au moins, JK Rowling aura fait totalement autre chose (Une place à prendre - JK Rowling - Grasset 2012). Pas de magie, pas d'univers maléfique ni de sorcellerie. Rien que la vie quotidienne d'une petite bourgade anglaise, rien que des êtres humains veules, lâches, racistes ou égoïstes. Et des adolescents un peu paumés, comme partout, révoltés et prêts à en découdre avec le monde entier. L'être lumineux qui arrivait à en sortir quelques-uns de la fange dans lesquels ils sont plongés meurt subitement. Alors tout le monde se lâche, plus aucune retenue. Les nombreux personnages (trop nombreux ?) de ce roman ne sont pas reluisants, notamment les adultes. Les adolescents ne le sont pas non plus forcément mais on sait qu'ils vivent une période difficile et on a tendance à les comprendre au moins certaines faiblesses, même si d'autres semblent pourtant impardonnables.
Suite à cette disparition, tout se délite petit à petit, tout s'écroule, toute la belle façade des nantis se lézarde et le quart-monde replonge vite dans sa boue, faite de violence et de drogue. En fait, personne n'aime personne dans cette campagne, mais chacun fait bien semblant. Et finalement, les ados s'en sortent, certains en tout cas, et pas forcément ceux qu'on croit, pas forcément ceux qui paraissaient les plus armés, les plus forts pour affronter cette mascarade qu'est la vie sociale. Les relations humaines, parents-enfants notamment sont parfois dépeintes avec cruauté : mépris, indifférence, violence. Les relations entre hommes et femmes, même mariés, ne sont que mensonges, hypocrisie, peurs. Les rôles sont en fait renversés : les jeunes sont plus lucides que la plupart des adultes, engoncés dans une apparence rigide, arriviste, supérieure. Ceux des quartiers défavorisés, jeunes ou vieux, finissent mal, très mal. Et ceux qui arrivent à partir, d'une manière ou d'une autre, savent qu'ils ont gagné la bataille contre la médiocrité. Ils iront refaire une vie ailleurs. Et tenteront de prendre une place, eux aussi, dans cette société, cette fois en gardant la tête haute.

mardi 7 octobre 2014

Un bal masqué... sans fards



- à 20 ans tu n’écoutais pas du hard rock en te droguant ?
- non, à 20 ans j’écoutais Don Giovanni en me pâmant


Un ballo in maschera est un des opéras de Verdi les plus attachants, d’une part parce que l’ambiance est plutôt gaie même si l’histoire est cruelle ; d’autre part parce qu’on y retrouve les prémisses de grands airs futurs du roi Verdi : Otello, notamment (début de l’acte III). Un brouillon en quelque sorte.
La production du moment au théâtre du Capitole à Toulouse a attiré les foules, ce n’est pas si souvent que l’on joue ici un opéra connu de Verdi.
J’y ai trouvé l’orchestre et les chœurs très professionnels, un ton au dessus du reste, malgré une direction assez plate. Les solistes tenaient leur registre mais sans plus, avec un Oscar impeccable et virevoltant. Les autres n’avaient pas assez de présence, comme s'ils n’y croyaient pas complètement. On peut les comprendre : il n’y avait quasiment ni décors ni mise en scène, assez statique (mais alors pourquoi ces longs changements de tableaux ?) ou incompréhensible (une Ferrari rouge téléguidée passant entre les jambes des personnages… ?) alors que la scène chez Ulrica la sorcière devrait être flamboyante. Il y a quand même eu d’excellentes idées. Notamment celle de situer Riccardo, le comte, en dehors du cadre, au sens propre comme au figuré. C’est en effet une représentation et le personnage central n’en est pas l’acteur, plutôt le spectateur. Comme un Roi soleil, il est au dessus de tous les autres, toujours à part, habillé de satin scintillant au milieu de ceux habillés de noir, semblables. La lumière est celle encadrant les miroirs des loges d’acteurs. Sa mise en valeur est ainsi assurée et sa personnalité trouble rehaussée. Il se regarde faire son numéro et s’agiter les autres, sans être particulièrement passionné par ce qui se passe. Les autres personnages, Amelia, Renato,  nous ressemblent, avec nos pauvres inquiétudes, notre humanité quotidienne. Riccardo ne peut se mélanger à eux, c’est un météore fulgurant.
 Je ne résiste pas à vous faire partager certains commentaires de spectateurs :

Elle : mais c’est débile, l’histoire
Lui : oui, c’est toujours un peu neu neu

Elle : il est long le 3ème acte ?
Lui : bah 40 mn à peine, le temps que tout le monde meurt

Ce qui résume assez bien l’Opéra, art complet, fait d’abord pour le chant et la musique… le reste finalement n’a que peu d’importance. Et la magie du génie musical de Verdi opère toujours.

samedi 4 octobre 2014

mille cose da Firenze

Toute l’année, à Florence, se pressent des milliers de touristes, qui font la queue devant la Galleria degli Uffizzi, qui se pressent sur le Ponte Vecchio, qui parcourent les rues entre la piazza della Signoria et le Duomo ; inlassablement. Pourtant, à Florence comme ailleurs, même dans le quartier historique, il suffit de prendre une rue parallèle pour se retrouver seul, de passer l’Arno sur le pont suivant pour se sentir presque italien,  de laisser le bus vous conduire à son terminus pour découvrir des endroits inattendus :

⇧Il y en a au moins une au coin de chaque Duomo de Toscane, hilare, curieuse, gaie, une vache qui vous regarde en meuglant, qui vous surprend au détour d'une rue, qui vous laisse perplexe.

← Signes cabalistiques, entrelacs de marbres colorés, labyrinthes de pierre, il faut prendre le temps de regarder chaque pan de mur, de tous côtés, il faut lever les yeux et scruter les voûtes et les plafonds, sinon, on ne voit rien...
Les yeux se lassent, certes, il y en a tellement à voir. On pourrait y passer ses dimanches.





Une ville inondée, c'est une catastrophe. Mais Florence inondée, je vous laisse imaginer l'ampleur... des fresques vieilles de plusieurs siècles qui tombent en lambeaux, les réserves des musées toutes mouillées, des chefs d'oeuvres par centaines à restaurer... Les cloîtres envahis, les églises pleines d'eau. 1844, 1966, il y a encore des traces, sur les murs, et dans les souvenirs. On pense qu'aujourd'hui on a tout mis en sûreté. Mais qui peut être certain de l'Arno, qui paraît pourtant calme et indifférent par rapport aux flots de touristes ? ➮

⇧ Loin de la foule, les italiens vivent : dans le quartier San'Ambrogio, outre l'église et ses trésors, il y a des puces, des drôles de casemates sur la piazza, où sont entassés des objets anciens, des objets sans valeur aucune, sauf pour le collectionneur, des vieux miroirs et des chemises en lin. Tout cela n'a pas de prix. Sauf si vous êtes intéressés...

⇧ Ils sont installés sur de grands pupitres géants, on ne sait pas à quoi ils servent car personne n'est aussi grand. Qui peut les lire, les chanter ? Des cantates à la gloire du Seigneur attendent des voix à leur mesure. Pour les entendre, il faut être florentin et entrer dans les espaces réservés pour prier. Ou alors il faut être patient.


⤆ Des piaggio... il y en a partout mais il faut attraper l'appareil au vol pour pouvoir les photographier, tant ils se faufilent vite dans les ruelles. Plus florentins que les scooters, ils servent à tout, passent partout. Certains sont rutilants, d'autres en plein délabrement mais en tout cas toujours pétaradants... J'en ai attrapé un seul en mouvement, une chance !







 Certains vivent sous les ponts... d'autres au dessus. La face cachée des hauts lieux touristiques est parfois très curieuse. Les locataires en tout cas n'étaient sûrement pas nés lors des dernières crues, ou alors ils ont l'oubli facile. Et je n'aimerais pas être à leur place lors des tempêtes d'hiver. Y a t'il encore des poissons comestibles dans l'Arno ? ➮








⇧ Oui c'est un chef d'oeuvre, admiré de tous. Mais on ne peut s'empêcher de se dire, en voyant le geste de Joseph, qu'il se dit : bon dieu mais qu'est-ce que j'ai fait ?! Effectivement, s'il avait su le quart de ce qui allait arriver... d'un autre côté, on ne lui a pas vraiment demandé son avis et tandis que chacun, boeuf, âne, rois mages et bergers se prosternent et adorent ce bébé joufflu, lui sent bien qu'il y a quelque chose de pas net dans tout ça, mais trop tard.

La nuit aussi, David reste sur la place. Il est immobile, son regard fixé sur les Uffizzi. Neptune, qui le regarde de travers, profite peut être que personne ne le voit pour jeter un oeil sur les fenêtres éclairées et ouvertes de la Salle des Cinq Cents du Palazzo Vecchio où, pourquoi pas, Monsieur le Maire reçoit ou le Conseil municipal délibère, chi sà ?


 





















En France, on fait semblant d'avoir le choix entre des lungo, les vollutto et les ristretto... mais en Italie lorsqu'on commande un caffè, tout simplement, on se retrouve avec 2 centimètres d'un café excellentissime au fond du gobelet, à peine assez pour y ajouter du sucre. On a plus qu'à l'avaler d'un coup, en une seule gorgée. Quitte à y revenir rapidement pour avoir sa dose quotidienne. Oui, le caffé est vraiment bon et ne ressemble absolument à rien d'autre qui se dise café, de Londres à Paris.
 
Oui, le diable est partout, sur le plafond doré du Baptistère comme caché dans de vieilles ruelles pavées où se tiennent encore des échoppes monstrueuses où on vend de tout et de rien, surtout de rien, de toutes manières il n'est pas question d'y acheter quoi que ce soit car on ne comprend ni ce qui est affiché ni les prix ni même ce que marmonne le vendeur, du fond de son magasin et qu'on a, au fond, un peu peur de lui demander quelque chose. ⬇︎


⇧Dans la chapelle des Espagnols, à Santa Maria Novella, on se prend à partir vers de lointains rivages : tout est orné de fresques, tout est peint et on n'aurait pas assez d'une journée pour tout détailler. Alors on prend des photos, assis sur les bancs de pierre. Et on rêve...



















 
⇧Au Moyen-Age,  il y avait déjà les palazzi et autres bâtiments. Mais si d'un côté les nobles se faisaient percer des finestrelle, fenêtres à hauteur d'enfants afin d'éviter d'avoir à les porter pour qu'ils voient eux aussi le popolo passer plus bas sur les pavés, les gens du peuple, eux, se faisaient en douce passer du vin par les taverniers. C'était interdit, soit, alors on perçait des petites trouées dans le mur, une bocca da vino, avec porte en bois à laquelle il suffisait de cogner pour la faire s'ouvrir : la pièce passait de main en main et la flasque aussi, à l'envers. Ni vu ni connu, j't'embrouille et tout le monde était content. Certaines bouches sont encore visibles, parfois même entretenues mais plus utilisées.


Pour finir, il ne faudrait pas penser que l'Italien ne sait pas se moquer de lui-même, de son pays et de toutes ces choses merveilleuses que le monde entier se presse pour aller voir. Non, l'Italien sait se moquer tout en gardant un  sens artistique certain. Ces peintures satiriques des chefs d'oeuvre parsemèrent notre séjour florentin. Resteront-elles aussi longtemps que celles de leurs ancêtres ?