Quel triomphe ! La
(co)production de Turandot au théâtre du Capitole a fait l’objet d’une ovation
spontanée de la salle, ce mardi 23 juin, lorsque le rideau est tombé
définitivement sur les derniers accords de l’opéra de Puccini.
Et lorsque le public a descendu
les escaliers pour se retrouver dehors, dans le soir d’été toulousain, les
sourires étaient sur toutes les lèvres : une soirée tellement délicieuse,
où chacun s’est retrouvé dans la musique, dans le chant, tout au long de ces deux
heures et quelques de spectacle enchanteur. Deux heures de bonheur, n’est-ce
pas bon à prendre en ces temps mouvementés ?
Avant tout, il faut souligner
la splendeur de l’orchestre, et surtout du chœur (quelque peu renforcé pour
l’occasion), omniprésent et magnifique. Ce peuple martyrisé chantait d’une
seule voix et nous touchait au cœur. Bravo au chef de chœur pour avoir réussi
ce travail important. Les solistes étaient de taille et n’ont pas failli dans
les moments périlleux de cette partition. Malgré tout, l’ovation suprême a été
pour Liù, touchante et tendre, juste et poésie.
C’est bien elle l’héroïne de cet opéra : elle représente le peuple dans
tout son désespoir, sa mansuétude envers les puissants qui l’écrasent ; elle les aime et elle est prête à se
sacrifier pour la gloire de ceux qui sont au dessus d’elle. En apparence
seulement car c’est bien elle qui nous émeut le plus, si proche, si réelle.
Seul Timur, roi déchu, en est conscient, parce qu’il en a besoin et qu’il la
côtoie chaque jour. Calaf et Turandot n’en effleurent pas même l’idée, jusqu’à
la fin.
D’autant plus dans cette mise en scène controversée, qui par certains côtés reste étonnamment proche de
l’original ; par d’autres est incompréhensible, étanche, à la limite trash et gratuite. Qui comprend la
symbolique de ces poupées en celluloïd ? De ces déshabillages forcés et
humiliants, féminins comme masculins, à la suite desquels les figurants se
retrouvent en boxer, pour quoi faire ? A quoi sert de vouloir une mise en
scène « révolutionnaire » si les choeurs comme les solistes restent
désespérément statiques, y compris aux moments les plus « touchants »
comme la mort de Liù ou le baiser « volé » de Calaf à Turandot pour
ne citer que les plus connus ? Quel sens le spectateur qui ne connaîtrait pas
l’histoire par cœur peut-il donner à certaines scènes résolument immobiles
alors qu’elles devraient traduire des bouleversements intérieurs si
radicaux ? Qui peut comprendre l’apparente indifférence de Calaf à ce qui
arrive à Liù, à son père ? C’est vrai, il essaie maladroitement de faire
réagir le peuple mais on n’y croit guère et la question qui s’impose est :
quel empereur fera t-il donc ? Sera-t-il moins cruel que Turandot, princesse
de glace, lui qui laisse mourir ceux qui l’aiment ?
Il y a pourtant de bonnes
idées, originales et audacieuses, dans cette mise en scène, notamment la figure
de l’empereur du ciel, ombre squelettique, christique, qui n’en finit pas
d’expier la cruauté de son rejeton. Elle manque cependant d’une certaine
légèreté, d’un certain recul, d’un détachement qui aurait permis à un autre metteur
en scène comme Almodovar d’atteindre cet humour décalé si personnel. Les
personnages de Ping, Pang et Pong auraient pu se jouer avec une hérésie
sulfureuse, drôle ou kitsch, plutôt que l’idée de les faire se déguiser en
fausses mariées en se lamentant sur leur paradis perdu, épluchant un
porte-manteau mi-humain mi-esclave, inutile et humiliant. Il s’en aurait fallu de
peu pour que tout soit parfait. Et cette fois-ci seule, Liù, encore et
toujours, l’était.
ps : la mort de Liù a été pour moi, cette fois-ci comme les autres fois, un moment pur d'émotions : tristesse, pleurs, bouleversements intérieurs intenses. cf mon billet de novembre 2012... Mais cette fois-ci elle est morte seule, pas dans les bras du seul amour de sa vie. Décidément les femmes sont bien maltraitées dans cette mise en scène...
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