jeudi 31 décembre 2015

à la "petite" manière de Sei Shonagon


Les choses qui donnent un très grand plaisir
Etre avec mes enfants
Les choses qui font monter les larmes aux yeux
Les voir ensemble
Les choses qui donnent le vertige
Ma vieillesse inexorable devant leur jeunesse éclatante
Les choses claires et pures
Leur passé et leur avenir, encore longtemps j’espère
Les choses embarrassantes
Toujours le désir de bien faire quand ils sont là
Les choses qui font naître un doux souvenir du passé
Une photo de l’un, des deux, de nous trois

Dame Sei Shōnagon est une femme de lettres japonaise, auteur des Notes de chevet, l'un des deux chefs-d'œuvre de la littérature japonaise de l'époque de Heian (IXe ‑ XIIe siècles).

mardi 15 décembre 2015

Un verre, ça va


En général, j’aime bien qu’on me regarde dans les yeux quand on me parle. C’est être franc du collier, on sait où on va et à qui on a affaire. Mais là, franchement, j’peux pas. J’ai beau faire des efforts en m’appliquant, j’y arrive pas. Ces yeux chassieux, bigleux qui me regardent… ou qui ne me regardent pas, d’ailleurs, ça fait 20 minutes que j’arrive pas à savoir. C’est à moi qu’elle s’adresse ou à l’autre consommateur assis au comptoir ? Comment savoir, on boit la même chose et quand l’un fait claquer ses doigts pour en redemander un autre, elle remplit les deux verres. Quand j’ai vu, j’bois double disait l’autre. Mais elle, elle voit rien ou alors pas la même chose que moi. Je penche un peu la tête, elle sourit. Je regarde en l’air, elle continue de sourire. Elle voit rien je vous dis. Ou elle voit tout en double et c’est moi qui m’embrouille. Je voudrais commander autre chose pour voir si elle nous sert en même temps, pour voir si elle nous distingue l’un de l’autre ou si, se mélangeant entre le consommateur de droite et celui de gauche, ses deux yeux n’en distinguent qu’un seul, vague silhouette un peu floue qu’elle sert et ressert toute la nuit. Soudain je pouffe : comment va t’elle nous rendre la monnaie ?  Comment compte t’elle ces sacrées pièces que même un ivrogne comme moi a du mal déjà à distinguer ? Je ris tout seul. Mon collègue de comptoir, mauvais joueur, lance un billet en lançant un : gardez la monnaie. Fastoche. Ou alors il a l’habitude et sait d’avance que sa monnaie est perdue. Elle le regarde partir avec les yeux brouillés. Ou c’est peut-être moi qu’elle cherche du regard, allez savoir. J’arrive pas à la regarder dans les yeux alors je les noie dans mon verre. Ca vaut peut-être mieux.

mardi 1 décembre 2015

Le roi s'amuse... mais pas nous


Le monde n’a pas besoin de création, il a besoin de nouveauté, disait je ne sais plus qui. Il avait raison, mais hélas il n’y en avait guère, de nouveauté, dans la production de Rigoletto au Théâtre du Capitole en ce mois de novembre 2015. Des décors inexistants avec la perspective récurrente, qui s’applique à tout et ne ressemble à rien. Je ne dirai pas grand chose de la mise en scène, rien de nouveau… les techniciens étaient tellement désabusés que le rideau de scène commençait à tomber des cintres avant même que les dernières notes ne soient chantées. J’exagère, mais si peu.
 Et les voix me direz-vous ? Hé bien, elles étaient à l’avenant : malgré un Rigoletto solide dans son registre, il était aussi trop solide, en fait, de par son physique, pas du tout difforme ni bossu, on se demandait tout du long pourquoi donc il se laissait faire et jouait le bouffon. Rien dans sa tenue ne justifiait cette absence de révolte. Trop grand, pas assez humble et donc pas assez convaincant. Sans réclamer l'outrance, là c'était vraiment tout dans l'imaginaire, certes bien partagé avec le public qui connaissait l'oeuvre. Mais ne mettre que dans les quelques minutes du début la fameuse coiffe de bouffon, c'est pas vraiment suffisant pour s'imprégner du personnage. Gilda aurait pu faire l’affaire mais sa voix tient plus du registre de Leonora dans le Trouvère que de la fragile et jeune Gilda. Elle aussi était donc un peu décalée et pas complètement aussi fraîche et légère dans les aigus qu’on aurait pu le souhaiter. Quant au Duc, on comprend sans peine, en l’entendant, que les femmes deviennent volages… Bien campé, physique avantageux, il aurait pu être un duc de première si la voix avait été assez solide pour attirer tous les suffrages. Cela n’était pas le cas non plus, et deux voix de solistes trop faibles sur trois, c’était trop. Les trois personnages principaux sont omniprésents. Il faut donc qu’ils assurent ; ce n’était hélas pas vraiment le cas. Les seconds rôles par contre ont bien tenu leur partie.
 Finalement, de tout cela c’est la musique de Verdi qui s’en sort, toujours aussi belle, éclatante et bien servie par un orchestre présent. Les chœurs d’hommes étaient également à la hauteur malgré une gestuelle et un placement un peu hésitants (on les comprend). Le début du 3ème acte, toujours somptueux, a été l’un des moments les plus émouvants. Par la musique uniquement, car le visuel était toujours aussi fade malgré les éclairs format flash de polaroïd. De manière générale, les voix n’étaient pas mises en valeur par cette mise en scène aussi pauvre. Bon, c’est vrai, la production date de 1992, pas fraîche donc….
Il faudrait toujours se renseigner sur les dates de création des productions annoncées en début de saison. Mais comme il faut réserver quasiment un an à l’avance pour avoir une chance d’avoir une place à peu près correcte (je ne parlerai pas du tarif ni du confort, de peur d’en faire trop pour cette fois), on achète un peu à l’aveugle et on reste prisonnier de la programmation, pas toujours novatrice et riche.
Allons ! la musique est belle, qu’importe le reste… !