lundi 30 mai 2016

La Grande Ourse


Ca chauffait et c’était stupide de penser que ça puisse être autrement, même si l’espoir fait vivre, y compris à 75 berges. « C’est plus haut que j’ai mal ! Plus haut, plus haut ! Vous massez mou et trop bas mon cher, vu le standing de la maison, je souhaiterais en avoir pour mon argent, alors montez, montez ! ». Le baume soi-disant réparateur dont le kiné s’était enduit la main se révélait, sur ma peau rougie, brûlant, piquant, urticant, sans que je puisse rien faire sauf geindre doucement pour lui montrer que je n’étais pas dupe. Il massait lentement, de manière pénétrante, c’est le moins qu’on puisse dire. Je sentais les radiations jusque dans ma colonne vertébrale. Bon, vu que mes os avaient été glacés durant tout le temps qu’avait duré mon escapade, j’allais pas la ramener. Ils auraient eu vite fait de me ramener dans le bureau du Commissaire qui m’avait si gentiment ramené au bercail, menotté et flanqué de deux garde-chiourmes, malgré mes contusions et mes vives protestations.
Je me laissai donc faire, même s’il savait qu’il me faisait mal. De toutes manières ça ne pouvait pas durer bien longtemps, il devait passer par toutes les chambres dans la matinée.
Rien qu’en repensant au sermon que la directrice s’était sentie obligée de m’asséner devant Monsieur le Commissaire, qui faisait suite aux morigénations dudit Commissaire, que je venais à peine d’essuyer au Commissariat central, j’avais moins mal. « Monsieur Guidoni, permettez-moi de vous dire que votre envie de liberté d’aller et venir va à l’encontre de certains aspects, disons, privés et familiaux, dont, notamment, Madame votre belle-fille m’a fait part. Je ne fais donc que mon devoir et je me conforme aux instructions qui m’ont été données, par votre famille comme d’ailleurs par mes supérieurs».
Un sourire me venait, que je réprimai vite, ne voulant pas faire croire à cet animal de Tahitien que tout allait pour le mieux. Je l’appelle le Tahitien mais en fait il est Réunionnais. Ca l’énerve et moi ça me fait rigoler. Ici personne n’ose moufter, de peur des représailles, mais moi je m’en fiche car la baraque m’appartient. C’est d’ailleurs la seule raison qui m’a fait accepter la proposition du conseil de famille, réuni chaleureusement pour mes 70 ans : au vu de mon autonomie soi-disant défaillante et pour le bien des bénéfices accumulés par des générations de joaillers sertisseurs, allez grand-père, laisse-toi enfermer aux Marronniers, tu y seras bien et nous, on sera tranquille… J’ai accepté les Marronniers mais pas de laisser le pouvoir et les signatures. Sont bien obligés de venir régulièrement, ça me permet de repérer où en sont les tractations, les alliances, les trahisons. Et ça oblige l’ensemble du personnel à une conduite correcte vis-à-vis des autres pensionnaires. On entend tant de choses. Personne n’a encore écrit le mal être gériatrique, les affres de la fin de vie, les difficultés de se sentir physiquement diminué alors que le cerveau court encore. Même ici j’en ai vu dépérir et c’est pas le pire endroit. Les discours de nos élites sur l’allongement de la durée de vie pour justifier de repousser l’âge du départ à la retraite me débecte suffisamment. Ce qu’on entend dans les journaux radiophoniques – je refuse la télé depuis le début, de peur de vieillir plus vite – dépasse l’entendement. Qui peut imaginer être en suffisamment bonne santé pour travailler normalement, après 62 ans ? Dans le meilleur des cas, car c’est plutôt 65 pour de plus en plus de pauvres types, ceux qui n’ont pas le bon nombre de trimestres, quelles qu’en soient les raisons. Ceux dont le montant de retraite leur permettra tout juste d’acheter une tente et le duvet qui va avec pour finir sous les ponts. Certains rempilent, d’autres se suicident. Si on ajoute ceux qui seront morts au cours de leurs dernières années au travail, les maisons de retraite devraient être vides et déficitaires dans quelques années. Bon, personne ne le dit, personne ne veut le savoir. Mais en fait, tout le monde le sait, tout le monde est d’accord. On attend juste d’être au bord du précipice pour prendre une décision.
En tout cas, ça fait presque cinq ans que je me fais soigner aux petits oignons, sans autre obligation que de respecter les horaires qui ne conviennent à personne, mais qui sont si pratiques pour la rotation du personnel en équipes : 7h30 – 13h30 pour celle du matin, la plus dure, celle qui se coltine le p’tit déj, le repas de midi et tous les soins ; 13h00 – 19h00, plus cool avec les visites - quand il y en a, faut pas non plus rêver, notre monde occidental étant ce qu’il est - et 18h30 – 7h00, les gardes de nuit, qui coûtent cher et qui concernent donc un minimum de personnel. Seuls les insomniaques comme moi les connaissent. Les autres, abrutis d’ennui ou de calmants, ne les perçoivent qu’à peine, à travers les bruissements liés aux allées et venues de chacun. La nuit, ce n’est pas pareil et chaque matin apporte d’abord la joie d’être encore en vie, ensuite la fatigue des petites choses à refaire indéfiniment, jusqu’au soir où on ne sait plus bien qui on est et si on veut encore revoir la lumière de l’aube.
C’est un soir habituel de déprime pré-nocturnale, que j’ai décidé de m’échapper. De m’évader pourrait-on dire mais on n’est pas vraiment enfermé, même pas la peine. On n’a pas vraiment les moyens de sortir de là, sauf quand on s’appelle André Guidoni, joailler sertisseur et propriétaire de magasins jusqu’en Suisse, qui a encore quelques potes dans le milieu. Ou des amis redevables. Ou des vieux copains fidèles.
La dernière visite familiale programmée, c’était pour mon anniversaire. Enfin c’était ce qui était prévu. Mais rien qu’à l’idée de devoir affronter la tribu, la marmaille et les faux jetons, j’ai préféré mettre les bouts. J’ai été voir mon ami, mon presque frère Sylvestre, à l’autre bout du couloir et je lui ai proposé de partir ensemble.
- Je me charge de tout, Sylvestre, y a pas d’embrouille, on sera peinard et on ira vérifier par nous-mêmes si les gars du GIEC, ils racontent des salades. J’aimerais bien savoir si c’est des fadaises ou si les ours blancs sont vraiment en perdition sur leurs derniers morceaux de banquise. Allez viens, j’ai de quoi nous payer le voyage, on ira à Jussieu voir un ancien prof de fac qui est responsable des expéditions en Arctique. Il nous trouvera bien deux places en traîneau. Allez viens, bon sang ! Tu l’as vu comme moi, cette photo de l’ourse et ses deux petits debout sur un morceau de glace aussi grand que mon mouchoir à carreaux, qui regardent s’éloigner le rivage. On ne sait pas s’ils vont se jeter à l’eau ou s’ils vont se laisser dériver pour crever de faim un peu plus loin. Moi je veux savoir. Je veux savoir si c’est truqué ou pas, leurs films, leurs photos, leurs déclarations. Je veux savoir si ça vaut le coup de limiter ma durée sur Terre ou s’il y a encore de l’espoir.
Sylvestre, mon vieux copain de 2 ans plus jeune que moi, me regardait avec un œil rond sans moufter. Il avait suspendu son geste, en plein travail comme d’habitude. Sylvestre n’avait jamais su ne rien faire. Il n’était pas du genre à baver devant la télé. Tout petit déjà, il était bien meilleur que moi aux jeux de construction, lego, kapla ou autre. J’avais pas commencé une tour bancale qu’il me montrait déjà un tracteur et sa remorque, une fusée atomique, un char d’assaut ou un vaisseau spatial du 3ème type. Ses trucs avaient de la gueule. Ensuite il a arrêté ses constructions fabuleuses, il a travaillé, il a fait d’autres choses, tout aussi spéciales. A la retraite, il s’est pris de passion pour les maquettes de bateaux, échelle 1/50e et passait donc son temps à construire des thoniers, des chalutiers, des cotres, dont il me racontait l’histoire et que je n’arrivais jamais à distinguer l’un de l’autre. Sauf une jonque, qui m’avait paru si incongrue mais que j’avais vu disparaître comme tous les autres, une fois terminée et admirée par tout l’étage. Je n’ai jamais su ce que tous ces bateaux devenaient. Ils disparaissaient, c’est tout. Du jour au lendemain. Sylvestre n’en disait rien et commençait sereinement une autre maquette, arrivée miraculeusement dès le matin suivant. Peut-être y avait-il un trafic, mais j’avais beau y réfléchir, je ne voyais vraiment pas qui aurait pu s’en charger, qui ça aurait pu intéresser : des goélettes, des remorqueurs, des corsaires par dizaines… Quand il m’a offert une maquette de l’Hermione, juste au moment où la vraie réplique allait enfin partir de Rochefort, avec 4 années de retard, au moins, j’en ai presque pleuré. Un de mes projets sponsorisés dont j’étais le plus fier. Des dizaines de bénévoles, d’artisans, de jeunes gens paumés à qui on donnait enfin un vrai projet qu’ils ont pu concrétiser. Leurs larmes quand le bateau est parti… Comme ils étaient fiers de leur copie fabriquée de leurs mains, flottant sur la vraie mer ! Nous aussi, sur le quai, on était fier, d’avoir participé un tant soit peu à cette réussite maritime. On est rentré aux Marronniers le cœur gros de ne pas avoir 20 ans, comme la plupart de ceux qui se sont embarqués. Comme La Fayette, quand il a rejoint l’Amérique. C’est peut-être ça aussi qui m’a finalement poussé à vouloir partir encore une fois, comme si c’était possible. Humer un air respirable, au lieu de l’odeur d’éther et de médicament sec qui flotte dans ces couloirs. Dans la chambre de Sylvestre, ça sent plutôt la colle et le bois, le vernis et cette odeur tenace de matériel de bricolage, typique et reconnaissable. Bon, moi de la patience j’en ai pas, il m’a toujours fallu tout, tout de suite. Il fallait que les machines fonctionnent, que les lumières s’allument, que les ordinateurs répondent vite. Je n’ai jamais vraiment su attendre. Et donc, j’ai à peine attendu que Sylvestre me réponde, j’ai lancé : prépare ton sac on part demain.
Et on est parti.
On s’est retrouvé au bout de 3 jours dans un camion haut sur pneus, 3ème de la file sur un total de 10 environ, en compagnie des membres de l’expédition « arctic savage bird observatory » financée par l’Unesco. Mon vieux pote de Jussieu nous avait dégotté 2 places in extremis, à l’aide d’une vraie fausse lettre de mission signée de sa main. « Mais oui, André, je peux faire ça pour toi, tu m’as plusieurs fois donné un coup de main et même sorti du pétrin au moment de cette vilaine affaire… T’inquiète pas, personne ne se doutera de rien. Et puis l’ancienne profession de Sylvestre donnera le change ». Notre âge avait fait un peu tiquer le chef d’équipe mais bon, des volontaires pour aller au nord d’Oslo, très au nord, on en trouvait quand même pas tous les jours, alors… Nous on était ravis, même quand on a commencé à ne voir à travers les vitres embuées que de la roche grise des deux côtés de la seule route existante, d’ailleurs sans aucune trace de neige. La première halte, à l’arrivée de la mer de Barents, au Cap Nord, nous a fait l’effet d’un coup de baguette magique : dans les falaises, dans les îles alentour, des milliers d’oiseaux vivaient leur vie aérienne et terrestre sans qu’aucune activité humaine ne les dérange. Ce n’était pas les quelques dizaines de touristes annuels venus faire un safari coloré entre juin et août qui dérangeaient leur nidification ou quoi que ce soit d’autre, d’ailleurs. Nous les avons contemplé d’un œil envieux. Les autres membres de l’équipe avaient fini par comprendre que notre incorporation n’était pas tout à fait de la même nature que les autres, et nous laissaient tranquilles la plupart du temps. Mais attention, on prenait notre part de tâches et les mains magiques de Sylvestre avaient déjà fait des merveilles. « Sylvestre, regarde, cet engin de mesure est cassé, tu crois qu’on peut arriver à le recoller ? » « Sylvestre, je n’arrive pas à passer ce cordon dans ce trou, c’est vraiment trop petit, tu y arrives, toi ? Mais comment fais-tu ? » « Allez chercher Sylvestre, il saura trouver une solution… ». Tant qu’on ne nous en demandait pas plus… En tout cas on en prenait plein les mirettes et les moins douze degrés n’avaient l’air de gêner que nous, en tout cas pas ceux qui planaient, piaillaient, s’envolaient au dessus des vagues bleu fer, avec leurs ailes bien déployées.
Après le camion, au bout de la terre, au Cap Nord, il avait bien fallu embarquer dans une espèce de brise-glace-remorqueur-chalutier qui ne ressemblait pas du tout aux magnifiques maquettes que j’avais vues dans la chambre de Sylvestre. Celui-là était fait pour traverser la houle et le gros temps, l’opacité neigeuse et les rafales glacées d’un vent polaire. Il n’était pas beau, mais efficace et son capitaine était un Norvégien qui n’avait pas froid aux yeux, yeux d’un bleu aussi dur que la mer sur laquelle il naviguait depuis les lustres. Il avait d’ailleurs presque mon âge et on s’est rapidement bien entendus. Il a tout de suite compris qu’on était là pour ainsi dire incognito, en tout cas qu’on ne faisait pas complètement partie de l’équipe et il nous a vite adoptés. Tomas était un conteur né, et je ne me lassais pas de l’entendre, malgré nos deux manières de parler un anglais parfois hasardeux, parsemé d’étoiles norvégiennes pour lui, de cailloux français pour moi. Ca nous faisait rire, ça nous faisait du bien et même si je ne suis pas sûr d’avoir parfaitement compris tout ce qu’il me disait, je suis sûr qu’on avait une vraie complicité et cela n’a pas de prix. Tomas était né dans un petit village au nord de la Norvège, c’est à dire, pour nous européens, au bout du monde. Mais pour lui, la fin de la terre voulait dire le début du monde de la mer, si changeant, si habité, dessous, dessus, par ces créatures étranges que sont les poissons, les oiseaux. Et pour lui, il y avait nous, petits groupes d’humains désolés, écrasés par cette force immense qui se fiche bien de nos mesures, de nos analyses, de nos déclarations oiseuses sur une climatologie dont elle n’a cure. J’essayais de lui poser quelques questions, rapport à notre objectif premier, sur le fait de savoir si quand il était petit, la glace était plus présente, la neige plus prégnante, bref si ça avait vraiment changé. Mais il esquivait les réponses franches et nous racontait à la place des légendes sami, finnoises, où il était question à mots couverts d’extinction des espèces, de régénération spontanée, de princesses de glace et de rennes fuyants. J’ai fini par comprendre qu’il pensait que le plus important n’était pas l’homme mais la Terre. Que la Terre n’avait donc pas de réponse à apporter à une question humaine qu’elle ne connaissait pas et qui n’était cruciale qu’aux yeux de ceux qui la posaient. J’ai compris ça après qu’il ait raconté la légende d’Hamoyalok, celle du chasseur perdu dans le blizzard sauvé par un renard, qu’il assimile à l’esprit de sa défunte grand-mère. « J’ai laissé derrière moi mon abri de glace et mes chiens pour relever mes pièges. Et le blizzard, arrivé sans crier gare, m’a empêché de me repérer, j’ai marché, marché, j’ai tourné en rond dans la neige tournoyante, jusqu’à épuisement. A bout de forces, je suis tombé et j’ai attendu l’endormissement éternel. Mais le glapissement d’un renard m’a fait lever les yeux. Il était là, à côté de moi, il me demandait de le suivre, revenant sans cesse sur ses pas pour me le faire comprendre. J’ai fini par me lever, par suivre ses traces presque impossibles à voir dans la nuit. Mais grâce aux quelques étoiles, grâce au renard qui infatigable, allait et venait sans cesse pour me montrer le chemin, je suis finalement arrivé à mon abri, dans lequel mes chiens attendaient. Depuis ce jour, je prends bien soin de ne jamais laisser un renard pris dans un de mes pièges ».
Ce soir là je suis parti me coucher, à la lumière des étoiles, au milieu de l’immense banquise qui partait en morceaux. Oui, en petits lambeaux de glace qui fondraient et emporteraient, loin d’ici, des constructions humaines bien moins âgées qu’eux, dans quelques dizaines, ou quelques milliers d’années, qu’importe ? Le temps du cosmos ne sera jamais le nôtre. Et ça n’avait aucune espèce d’importance. Le lendemain je suis resté silencieux, à contempler l’immensité blanche. Nous avions quitté il y a plusieurs jours une immensité grise et solide et nous arrivions, au-delà du Slavbard, à une autre, blanche, solide au dessus mais profonde et liquide au dessous. Qu’en serait-il dans quelques années ? A quoi pouvaient bien servir nos pauvres questionnements de citadins qui empoisonnent bien l’atmosphère pour leur bien-être et qui font reculer la nature sauvage de plus en plus loin, dans des lieux inaccessibles tels que celui-ci, où je me trouvais ? En quoi étais-je utile aux troupeaux de rennes suivis par les sami nomades ? Aux oiseaux de mer qui venaient faire leur nid ici, si loin des humains ? A cette végétation morcelée et changeante, au gré d’une saison de floraison ; si courte et pourtant si étonnamment colorée ? Aux animaux des mers profondes, que je m’imaginais mal et qu’aucun humain ne pourrait jamais approcher ?
Sylvestre me laissait dans mon silence, par respect. Lui, si attentif à l’humain, me connaissait trop pour savoir qu’il était inutile de vouloir me changer les idées, mais il me surveillait du coin de l’œil. Il profitait de ce répit pour fureter partout, tester les ustensiles bizarres et les appareils scientifiques apportés par nos amis, qui croyaient encore être d’une quelconque utilité au monde dans ce grand Nord. Ce n’était pas du désespoir qui me prenait, plutôt une certaine amertume en songeant à cet orgueil démesuré de l’homme qui croit depuis toujours qu’il est le plus fort. Il y avait des microscopes électroniques pour observer le vide, des appareils très précis et très chers qui mesuraient le néant, des périscopes de valeur qui n’arrivaient pas à percer les ténèbres des profondeurs, des audiomètres qui enregistraient le silence abyssal. Et tous ces beaux résultats allaient alimenter des études, des analyses, des conférences, des discours et de nouveaux seuils de pics de pollution en dessous desquels l’homme pourrait survivre. Quelle étroitesse d’esprit, pensais-je. Passons à autre chose.
Tomas annonça en rigolant qu’on allait faire demi-tour, de peur de tomber de l’autre côté du pôle. En fait, on était venus jusque là pour que 9 membres de l’équipe prennent la place de ceux qui, transis depuis 3 mois, avaient enfin gagné le droit de rentrer dans les villes surpeuplées. Mais la température chutait de plus en plus et les prévisions météo, la seule science un tant soit peu utile à l’activité humaine, n’étaient pas des plus optimistes et tout le monde rentrait. Quelques mois de retard pour les résultats de cette expédition, mais bah, qu’est-ce qu’on s’en fichait ! A bord, tout le monde était content de se retrouver, plus particulièrement ceux qui avaient dû supporter des températures inouïes depuis 3 mois, sans même pouvoir regarder la télévision ! Alors pour mon anniversaire, on a fait une nouba d’enfer et je peux vous assurer que les décibels ont dû percer les tympans des quelques ours blancs venus sans timidité aucune observer ce drôle d’animal tout gris sur lequel d’autres petites bestioles non comestibles grouillaient.
Au retour, je crois que plus personne n’était comme avant.  J’avais déteint, ou plus exactement, ce qui s’était passé en moi avait germé chez les autres, en suivant son petit bonhomme de chemin au gré de son histoire, ses croyances, ses peurs et ses espoirs. A Oslo, chacun a repris sa propre route mais les poignées de main n’avaient rien à voir avec celles échangées le premier jour. Devant les questions de certains, qui avaient repéré la voiture de police noire qui nous attendait, Sylvestre et moi, j’ai répondu sans inquiétude que ma famille avait dû faire les choses en grand pour mon retour car j’étais quelqu’un d’important, sans doute. Tout le monde a ri et je n’ai pas cillé lorsque le Commissaire m’a agrippé un peu brutalement par le coude. Juste à ce moment-là, mon téléphone a bipé et c’est quand j’ai voulu le sortir de ma poche que les garde-chiourmes, terrorisés à l’idée que je pouvais être armé, m’ont plaqué contre la voiture. J’ai glissé et il s’en est suivi une effroyable bousculade un peu musclée. Mais je ne leur en ai pas trop voulu parce-que le selfie envoyé par Tomas valait bien l’échauffourée : Sous son bonnet, hilare, devant un iceberg plus grand que la cathédrale de Toronto et des milliers d’oiseaux qui s’envolaient au dessus, vers le ciel bleu : André, regarde, il en reste encore !
nouvelle écrite pour le concours - CC Tarn et Dadou - 2016

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