Moi j’aime bien l’école et la géographie. J’adore
tracer les cartes à main levée et colorier de bleu les contours du continent
africain, celui où j’habite. Mon pays à moi n’a pas de contour bleuté, il est
enfermé dans ce continent noir immense, sans accès à la mer. Mes pieds, sur le
chemin de l’école, foulent une poussière ocre qui n’est jamais humide. Mon pays
n’a pas vraiment de montagne non plus, je ne dessine pas de petits cônes qui symboliseraient
un quelconque sommet, d’où l’on pourrait regarder jusqu’à la mer. Je ne suis
pas fâché de tout cela parce-que le trésor de ce pays-là c’est Niger, le
fleuve. Sa courbe tracée délimite la moitié sud de mon pays, qu’il traverse en
ondulant, comme une bosse de dromadaire qui arroserait 3 villes aux noms
mythiques : Bamako, Tombouctou, Gao.
Il est connu depuis longtemps, le fleuve des fleuves.
Il ondule sur des cartes très anciennes même si sa courbe est souvent faussée. Les
colons explorateurs n’osaient pas aller jusqu’au bout de ses rives, trop
lointaines, trop aventureuses. Aujourd’hui, on connaît sa source et toutes ses
boucles. J’aurais tant aimé être celui qui a découvert les rives sombres, les
origines rêvées. Mais j’arrive trop tard, la cartographie du continent, malgré
son immensité, ne cache plus aucun mystère. Alors je me console en pensant que
d’autres zones restent à explorer. Des zones avec des méandres et des ombres,
des sources cachées et des jaillissements soudains. Ce peuple dont je fais
partie est riche de tout cela, il est surprenant et mystérieux, moderne et
traditionnel à la fois. Je saurai faire en sorte qu’il devienne aussi immense
que le fleuve Niger, je saurai faire éclore toutes ses richesses. Je me le
promets tout bas, chaque jour en allant à l’école, là-bas au bord du fleuve
Niger.
Photo : Marc Déotte
Extrait de : Habitants d'Afrique - Photos de Marc Déotte - 60 auteurs et leurs histoires - à commander à Marc Déotte 32 rue Conti 34120 PEZENAS -
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