dimanche 30 septembre 2012

miso soup


Les nouveautés littéraires se dégustent de deux manières : soit immédiatement à leur sortie (et alors il vous faut les acheter), soit quelques mois ou des années après, une fois le soufflé médiatique retombé. Vous pouvez alors saisir l’opportunité d’un prêt d’une connaissance qui l’a lue et vous la recommande ou la possibilité d’un emprunt si vous êtes abonné à une bibliothèque. Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse.
J’ai donc lu des années après sa sortie et la polémique qu’il a suscité le roman de Michel Houellebecq « La possibilité d’une île » (2005 – Fayard). Le titre, c’est vrai, est plein de promesses, non tenues. Le mélange des genres, d’un côté l’univers jouissif, de satisfaction immédiate, d’un terrien du XXIème siècle ; d’un autre l’univers aseptisé et dénué de toute émotion des néo-humains qui peuplent la terre d’une étrange manière des millénaires plus tard, ne parvient pas à susciter un réel intérêt. D’autant que la recherche des humains se tourne donc vers une néo religion d’immortalité finalement accomplie par clonage. Et que certains néo-humains finiront malgré tout par fuir leur ennui éternel et retourner dans le monde « terrien », redevenu sauvage et quasi-préhistorique, habité par des meutes humaines dont il ne reste d’humain que le nom. « L’éternité, c’est long, surtout vers la fin » (dixit Kafka).
Ma critique est encore trop tendre. Car ce qui est particulièrement énervant dans ce livre sont les propos systématiquement dévalorisants pour la gent féminine, toujours réduite à un statut d’objet sexuel prêt à tout pour satisfaire la virilité mâle, beaucoup plus accomplie et mise en valeur. On est moderne mais faut pas pousser, chacun sa place. J’ai plusieurs fois été à deux doigts de lâcher ce bouquin à cause des mots employés pour décrire ou définir les femmes. Ca se calme vers la fin du livre, quand le personnage principal se sent vieillir et qu’il s’éloigne, de gré ou de force, des joies du plaisir sexuel. La femme, elle, quand elle est trop vieille pour donner du plaisir au mâle, préfère se suicider (si si, je vous assure, je n’invente pas).
Finissons-en, par une note pessimiste mais juste, tirée du livre, qui vient bien à propos en ce Printemps de septembre (très) éphémère :
« Il y a une phrase célèbre qui divise les artistes en deux catégories : les révolutionnaires et les décorateurs. Disons que j’ai choisi le camp des décorateurs. Enfin, je n’ai pas tellement eu le choix, c’est le monde qui a décidé pour moi. Je me souviens de ma première exposition à New York, à la galerie Saatchi, pour l’action « FEED THE PEOPLE, ORGANIZE THEM» - ils avaient traduit le titre. J’étais assez impressionné, c’était la première fois depuis longtemps qu’un artiste français exposait dans une galerie new-yorkaise importante. En même temps j’étais un révolutionnaire à l’époque, et j’étais persuadé de la valeur révolutionnaire de mon travail. C’était un hiver très froid à New York, tous les matins on retrouvait dans la rue des vagabonds morts, gelés ; j’étais persuadé que les gens allaient changer d’attitude aussitôt après avoir vu mon travail : qu’ils allaient sortir dans la rue et suivre exactement la consigne inscrite sur le téléviseur. Bien entendu, rien de tout ça ne s’est produit : les gens venaient, hochaient la tête, échangeaient des propos intelligents, puis repartaient. ».
Les œuvres artistiques ne sont pas non plus éternelles, même si certaines d’entre elles durent longtemps. Et même si les artistes sont tous des gens formidables, comme chacun sait.
 

vendredi 21 septembre 2012

Cabinet de curiosités


Une visite des archives municipales ou départementales est toujours un plaisir… pour les journées du patrimoine de 2012, j’y ai découvert d’abord un monceau de « sacs à procès » impressionnant, en attente de dépoussiérage, entassés sur des étagères, en vrac. Des étagères qui de toutes manières n’allaient pas tarder elles aussi à changer de lieu, comment les déménageurs vont ils s’y retrouver ? Les sacs ne sont pas numérotés et ceux qui sont ouverts, vérifiés et remis (presque) à neuf sont redéposés en vrac sur ceux qui n’ont pas encore été déficelés, à peine enregistrés.
Ensuite un « cabinet de curiosités » en vitrine, préparé avec soin par les archivistes chevronnés. Il regroupait des objets insolites impossibles à identifier sans le catalogue explicatif : des grains de blé retrouvés au hasard de l’ouverture d’un registre du contrôle des actes du XVIIIème siècle à une boîte de cachous Lajaunie en passant par un coffret de mariage et un feuillet d’antiphonaire du XVème…
Alors je me suis mise à imaginer mon propre « cabinet de curiosités ». Vous savez, ce genre de choses que l’on garde alors qu’elles n’ont aucune valeur sauf sentimentales ou quelque chose dans le même genre ; je vous le fais en liste :
-       des smarties personnalisés roses, bleus et verts
-       un hippopotame bleu
-       de vieilles lettres, certaines tapées à la machine
-       un dessin au pastel d’une personne disparue
-       une peinture d’enfant aux couleurs turquoises
-       des cœurs en feuille, en pierre, en caillou, en bois, en papier
-       une collection de marque-pages qui remplit un seau
-       un panier de cadeaux scolaires faits pour la fête des mères
-       une souris chanteuse
-    deux « pif gadget » retrouvés, sans le gadget mais avec les histoires "en noir et blanc"
-       des mini clefs qui n’ouvrent plus rien
-       une boîte de boutons qui date de mon arrière grand mère
-       un jeu d’osselets (savez-vous encore y jouer ?)
-       …….
Chacun a chez lui a minima un tiroir, un plat creux, un panier rempli de ces objets secrets, un fouillis indescriptible de choses oubliées mais qu’on ne veut pas jeter et qui elles aussi auraient sûrement leur place en vitrine d’un cabinet de curiosités.
Nous sommes tous des archivistes en puissance. Nous sommes tous des collectionneurs qui s’ignorent. Nous gardons des menus instants de vie, parfois tellement lointains qu’on ne sait plus de qui ils viennent, de quand ils datent, seulement que ça a été important, un jour. N’est ce pas la seule chose qui compte ?
Les cabinets de curiosités sont partout, il suffit d’ouvrir l’œil et de marcher le nez en l’air dans la rue ou ailleurs, pour y trouver certaines merveilles.


vendredi 14 septembre 2012

Comme une soeur, tête coupée


Cette année j’ai eu de la chance : je suis allée à Rome voir la Pietà de Michel Ange, qui se trouve en entrant dans la basilique Saint Pierre, tout de suite à droite, première chapelle. On ne peut pas se tromper mais on peut se désoler de ne la voir que de très loin, trop loin, et protégée par une vitre blindée qui empêche un peu le charme d’opérer. Heureusement mon documentaliste attitré a trouvé la visionneuse idéale.
Deuxième coup de chance : je suis enfin allée au Festival de photojournalisme « visa pour l’image » à Perpignan. Pour 2012, WorldPress a décerné son prix à la photo de Samuel Aranda.
Le rapprochement est bien entendu immédiat entre les deux. En fait c’est la même, à des siècles de distance.
La vie est belle, non ? Combien de guerres, de douleur, de blessures, de pleurs, qui n’ont strictement rien changé à la fureur destructrice des hommes ?
Il y avait plein de belles autres choses, à Rome comme à Perpignan. Mais ces deux piétà (j’aime autant ne pas mettre de pluriel), en marbre ou en couleur, me laissent comme un goût de tristesse et en même temps d’émerveillement.



jeudi 13 septembre 2012

Comme une princesse


Au hasard des rangements provisoires ou définitifs de l’été, j’ai (re)trouvé sur une blanche étagère un petit livre de poche, un « classique », un de ceux qu’on connaît mais qu’on n’a jamais lu. Comme l’illustration de couverture était trop jolie, je ne l’ai pas balancé dans le carton mais bien regardé, en me disant : D’où vient-il ? A quelle occasion l’ai je donc acheté ? L’ai-je lu ?
La réponse étant définitivement non, je me suis donc mise à lire « La Princesse de Clèves », au lit, dans le bus, sur la table du déjeuner. Si le style est daté, l’argument est éternel et les dialogues parfois truculents. On se croirait presque dans du Molière… des jeux de masques, des mots de dupes, de vrais faux amants et des maris sincères et consentants. Tout cela dans un contexte historique peu rigoureux.
Mais je n’en suis qu’au début de la seconde partie, là où tout va se jouer après la mise en place des personnages. Avant le drame, la chute, enfin je ne sais pas encore ce qui l’attend, cette princesse, mais comme elle vient de perdre fort opportunément sa maman qui lui servait de rempart contre le monde, j’ai bien peur qu’elle ne flanche très rapidement devant la passion dévastatrice du charmant duc de Nemours.
Ah oui, je me souviens : c’était ce petit roman de rien du tout que le président sortant dont je ne sais plus le nom avait balayé d’un revers de main en disant que « la guichetière du coin » n’en comprendrait sûrement pas une miette.
On est un amoureux ou on ne l’est pas. Lui ne l’était assurément pas.