Faut-il aimer beaucoup les hommes
? La question mérite d’être (re)posée, à la lecture du roman de Marie
Darrieussecq “Il faut beaucoup aimer les hommes” P.O.L. 2013.
Dès la première page trône une citation de Marguerite Duras : Il faut beaucoup aimer les hommes. Beaucoup,
beaucoup. Beaucoup les aimer pour les aimer. Sans cela, ce n’est pas possible,
on ne peut pas les supporter. Où donc veut-elle en venir ?
Toute la première partie du roman
est écrite à la manière de Duras, on s’y croirait presque. On y croirait
presque à cette histoire d’amour improbable entre une femme blanche et un homme
noir. Tout se passe dans un milieu très chic et très riche, entre Hollywood et
Los Angeles. Dans les beaux quartiers, les aéroports et les piscines de luxe.
Bref, d’une manière lancinante, cette femme tombe amoureuse et attend. Elle
attend que lui aussi, tombe amoureux. Elle attend deux ans, elle essaie de le
comprendre, de le suivre, elle refrène ses désirs et ses jalousies pour lui
plaire. Elle est pourtant autonome, cette femme, pourrait ne rien attendre d’un
homme. Pourrait, elle aussi, le jouer « léger ». Pas vu, pas pris.
Mais elle est engluée et ne peut se détacher de lui, on ne comprend d’ailleurs
pas trop pourquoi car il est assez mufle dès le départ. L'amour rend aveugle,
cliché.
Dans la deuxième partie du roman,
elle s’enfonce, au propre comme au figuré. L’écriture est moins durassienne. On
part tourner le film, son film à lui, en Afrique, dans un pays improbable,
pluvieux et corrompu. Où des femmes dans la forêt rendent fous les démons, où
les femmes jettent des sorts pour 5 000 francs CFA, où l’on pend des petites
filles qu’on traite de sorcières. L’Afrique joue à l’Afrique, les pygmées ne
veulent pas être filmés nus, tout est faux, grimé, abîmé. On a depuis longtemps
compris que ça finira mal. Mais pas elle, en tout cas elle ne le laisse pas
voir et elle gratte à la porte de cet homme qui parfois lui entrouvre, parfois
la laisse dehors. Elle l’aime pour l’aimer. Sinon, ce n’est pas possible, il ne
serait pas supportable.
Elle croit y croire jusqu’à la
fin, même après qu’il l’ait jetée. L’épreuve finale fait encore plus mal et
pourtant, lui passe, inchangé, normal.
C’est une histoire sans fin, qui
se répète inlassablement. On ne joue pas sur le même tableau. On ne partage pas
la même histoire, il faut s’y faire. L’homme passe, la femme trépasse. Et les
histoires d’amour finissent mal, en général.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire