vendredi 21 février 2014

Cosi Fan Tutti


Faut-il aimer beaucoup les hommes ? La question mérite d’être (re)posée, à la lecture du roman de Marie Darrieussecq “Il faut beaucoup aimer les hommes”  P.O.L. 2013.  Dès la première page trône une citation de Marguerite Duras : Il faut beaucoup aimer les hommes. Beaucoup, beaucoup. Beaucoup les aimer pour les aimer. Sans cela, ce n’est pas possible, on ne peut pas les supporter. Où donc veut-elle en venir ?
Toute la première partie du roman est écrite à la manière de Duras, on s’y croirait presque. On y croirait presque à cette histoire d’amour improbable entre une femme blanche et un homme noir. Tout se passe dans un milieu très chic et très riche, entre Hollywood et Los Angeles. Dans les beaux quartiers, les aéroports et les piscines de luxe. Bref, d’une manière lancinante, cette femme tombe amoureuse et attend. Elle attend que lui aussi, tombe amoureux. Elle attend deux ans, elle essaie de le comprendre, de le suivre, elle refrène ses désirs et ses jalousies pour lui plaire. Elle est pourtant autonome, cette femme, pourrait ne rien attendre d’un homme. Pourrait, elle aussi, le jouer « léger ». Pas vu, pas pris. Mais elle est engluée et ne peut se détacher de lui, on ne comprend d’ailleurs pas trop pourquoi car il est assez mufle dès le départ. L'amour rend aveugle, cliché.
Dans la deuxième partie du roman, elle s’enfonce, au propre comme au figuré. L’écriture est moins durassienne. On part tourner le film, son film à lui, en Afrique, dans un pays improbable, pluvieux et corrompu. Où des femmes dans la forêt rendent fous les démons, où les femmes jettent des sorts pour 5 000 francs CFA, où l’on pend des petites filles qu’on traite de sorcières. L’Afrique joue à l’Afrique, les pygmées ne veulent pas être filmés nus, tout est faux, grimé, abîmé. On a depuis longtemps compris que ça finira mal. Mais pas elle, en tout cas elle ne le laisse pas voir et elle gratte à la porte de cet homme qui parfois lui entrouvre, parfois la laisse dehors. Elle l’aime pour l’aimer. Sinon, ce n’est pas possible, il ne serait pas supportable.
Elle croit y croire jusqu’à la fin, même après qu’il l’ait jetée. L’épreuve finale fait encore plus mal et pourtant, lui passe, inchangé, normal.
C’est une histoire sans fin, qui se répète inlassablement. On ne joue pas sur le même tableau. On ne partage pas la même histoire, il faut s’y faire. L’homme passe, la femme trépasse. Et les histoires d’amour finissent mal, en général.

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