dimanche 15 décembre 2013
mercredi 11 décembre 2013
Amour, toujours...
Jacques Brel le chantait aussi : ça fait du bien d'être amoureux... c'est vrai depuis avant la Renaissance et ça dure encore, la preuve en goguette :
Version originale (ou presque)
Tant que vivrai en âge florissant
Je servirai amour le dieu puissant
En faistz en dictz en chansons et accords
Par plusieurs jours m’a tenu languissant
Mais après deuil m’a fait réjouissant
Car j’ai l’amour de la belle au gent corps
Son alliance c’est ma fiance
Son cœur est mien le mien est sien
Fy de tristesse vive liesse
Puisqu’en amours
Puisqu’en amours a tant de bien
Quand je la veux servir et honorer
Quand par écrit veux son nom décorer
Quand je la vois et visite souvent
Les envieux n’en font que murmurer
Mais notre amour n’en saurait moins durer
Autant ou plus en emporte le vent
Malgré envie toute ma vie
Je l’aimerai et chanterai
C’est la première c’est la dernière
Que j’ai servie que j’ai servie et servirai
Claudin de Sermisy (1490-1562)
Version sous-titrée (XXIème siècle)
Tant que je s’rai encore vert et galant
J’kifferai l’amour, c’est vraiment trop planant
Le faire le dire partout sur tous les tons
J’ai trop longtemps attendu ce moment
Mais enfin j’y suis vraiment arrivé
J’l’ai eu c’te fille, une merveille de p’tit corps
J’suis accroché, presque marié
On s’aime trop, on est accro
Je n’suis plus triste, trop gai l’artiste
Etre amoureux, être amoureux ça fait trop de bien
Quand j’veux la voir, l’embrasser et l’aimer
Quand j’lui envoie des textos calibrés
Quand j’vais chez elle dès ses parents partis
Tous les voisins commencent à la ramener
Mais on s’en fout on est si bien au lit
On en profite tant que ça veut bien durer
M’en fous d’ces vieux, c’est elle que j’veux
Pour toute la vie, sans un radis,
C’est elle que j’aime, ma seule reine
De mes vingt ans, et pourquoi pas encore longtemps
Version originale (ou presque)
Tant que vivrai en âge florissant
Je servirai amour le dieu puissant
En faistz en dictz en chansons et accords
Par plusieurs jours m’a tenu languissant
Mais après deuil m’a fait réjouissant
Car j’ai l’amour de la belle au gent corps
Son alliance c’est ma fiance
Son cœur est mien le mien est sien
Fy de tristesse vive liesse
Puisqu’en amours
Puisqu’en amours a tant de bien
Quand je la veux servir et honorer
Quand par écrit veux son nom décorer
Quand je la vois et visite souvent
Les envieux n’en font que murmurer
Mais notre amour n’en saurait moins durer
Autant ou plus en emporte le vent
Malgré envie toute ma vie
Je l’aimerai et chanterai
C’est la première c’est la dernière
Que j’ai servie que j’ai servie et servirai
Claudin de Sermisy (1490-1562)
Version sous-titrée (XXIème siècle)
Tant que je s’rai encore vert et galant
J’kifferai l’amour, c’est vraiment trop planant
Le faire le dire partout sur tous les tons
J’ai trop longtemps attendu ce moment
Mais enfin j’y suis vraiment arrivé
J’l’ai eu c’te fille, une merveille de p’tit corps
J’suis accroché, presque marié
On s’aime trop, on est accro
Je n’suis plus triste, trop gai l’artiste
Etre amoureux, être amoureux ça fait trop de bien
Quand j’veux la voir, l’embrasser et l’aimer
Quand j’lui envoie des textos calibrés
Quand j’vais chez elle dès ses parents partis
Tous les voisins commencent à la ramener
Mais on s’en fout on est si bien au lit
On en profite tant que ça veut bien durer
M’en fous d’ces vieux, c’est elle que j’veux
Pour toute la vie, sans un radis,
C’est elle que j’aime, ma seule reine
De mes vingt ans, et pourquoi pas encore longtemps
mardi 3 décembre 2013
Du vent dans l'escarcelle_3
J’habite 48 place de l’Echafaud.
Avec un E majuscule, parce qu’à l’époque, c’était quelque chose, un vrai
spectacle, où l’on était admis à tout âge, sans restriction. On devait y
arriver tôt, sur la place, pour avoir une chance d’y apercevoir quelque chose.
Mais ensuite, on pouvait déguster : arrivée des condamnés en charrette,
liés et serrés de près par la maréchaussée ; découpage du col de chemise
et balayage des cheveux trop longs ; montée de l’escalier en bois, et à
genoux, hop, glisse la lame, tombe la tête, on passe au suivant.
Je ne sais même pas pourquoi
j’explique tout ça alors que j’ai toujours été dans le rejet de toute violence. Au
fur et à mesure de mes études, de ma prise de conscience sociale et politique,
j’ai lutté sans relâche contre toute forme de torture et la peine de mort.
Etudiant, je distribuais des tracts et écrivais des billets pleins de fougue
dans « La Gazette du droit », billets que je signais d’un pseudonyme,
on ne sait jamais avec les profs en robe, ils auraient pu tout aussi bien me
saquer aux oraux. Car il faut bien le dire, à l’époque, fin des années 60, la
plupart étaient pour, ou ne se posait même pas la question. C’est peut-être
différent aujourd’hui, encore que je n’en sois même pas sûr. Peu m’importe
maintenant. J’ai rapidement compris qu’il fallait aller plus loin pour
convaincre. J’ai commencé à fréquenter des milieux aux opinions tranchées mais
pas en faveur de la tête, plutôt du condamné. Plus guère de personnes s’en
souviennent, mais à l’époque, c’était inimaginable et on se serait fait cracher
à la figure si on avait manifesté dans la rue pour ça. On restait donc entre
nous, dans des bistrots enfumés, à imaginer le futur tel qu’on le rêvait.
Et puis j’ai fait une rencontre
qui a changé ma vie. Qui a eu Monsieur Robert Badinter en cours de droit à
l’université ne peut pas ne pas s’en souvenir, ne pas adhérer au moins en
partie à ce qu’il nous disait, déjà, pour nous convaincre, étudiants et futurs
avocats, magistrats, juges et peut être décideurs politiques. En tout cas, moi
j’ai été subjugué, par les convictions, par l’homme, par sa manière d’être,
toujours égal et maître de lui. Impossible d’être tout à fait contre ses idées,
ou alors on n’assistait pas à ses cours, déjà trop rares.
Quand il est entré vraiment en politique,
au gouvernement de gauche en 1981, j’avais déjà été plus militant qu’avocat au
cours de mes études et dans la mouvance de ces années fastes, je suis moi aussi
entré en politique, le plus jeune député de France et j’ai participé à tous les
débats, houleux et passionnés, au sein de l’Assemblée nationale. Tout cela me
semble loin, maintenant. Je n’ai plus jamais ressenti cette fougue, cet élan, que
l’on a ressenti dans son combat contre la peine de mort. Dans aucun combat
politique que j’ai mené, si courageux soit-il, même si nous étions souvent convaincus
de ce que nous faisions, je n’ai autant vibré. Il me semblait que travailler
pour de nouvelles libertés allait changer le monde, en tout cas ce vieux pays,
qui pouvait adopter de telles réformes en si peu de temps. Il me semblait qu’on
allait être le moteur de toute une constellation de pays européens qui nous
suivraient, sur un chemin pavé de bonnes intentions.
Et l’enfer est arrivé. Mon cousin, quasi un frère aîné, est
mort et lorsque je suis allé à l’enterrement, sa femme m’a remis un colis. Elle
a dit : c’est pour toi, de la part d’Ernest. Je ne sais pas ce qui est
dedans, il m’a interdit de le lire. Je suppose que c’est le fruit de ses
recherches généalogiques, tu sais comme il passait du temps là-dessus. Des
recherches généalogiques ? Non je ne savais pas, il ne m’en avait jamais
parlé, alors qu’on se racontait presque tout. J’ai compris pourquoi plus tard,
quand j’ai enfin pu ouvrir cette grosse enveloppe. Après de nombreuses
recherches, Ernest a découvert que nous sommes les descendants directs de la
famille Sanson, bourreaux en France pendant plus de deux siècles. Henri-Clément
Sanson avait certes des relations nombreuses avec des garçons, comme beaucoup,
mais il a également eu le temps de faire quelques enfants à sa femme légitime.
Personne ne s’en est occupé, car une fois destitué, le nom s’est perdu avec la
fonction et on a trouvé ensuite d’autres fonctionnaires zélés pour faire
office. Mais qu’à cela ne tienne, les papiers que j’avais sous les yeux ne
laissaient place à aucun doute, j’étais, moi, l’un des petits fils d’un
bourreau, de ceux qui ont mis à mort et guillotiné rois et gueux
indifféremment.
Tout ce que j’avais fait jusque
là n’avait servi à rien. Ecoeuré, j’ai tout arrêté. J’ai démissionné de mon
siège de député, ce qui a fait le bonheur de ma suppléante. Je n’ai rien dit à
personne, je suis allé me cacher à ma place, celle de l’Echafaud, mon antre. Je
me suis réfugié avec pour seul soutien le fait qu’aucune famille, ni enfants, ni
descendants ne me survivrait. J’ai brûlé tous les papiers, et lorsqu’on
m’oubliera, cette lignée, enfin, s’éteindra à jamais.
lundi 25 novembre 2013
Passer le temps
Entendre le clic de la radio qui s’éveille
Se reconnecter au monde avant le soleil
S’étonner du choix du programmateur le matin
Se lever finalement parce qu’il le faut bien
Laisser le lit défait, les fenêtres ouvertes
Choisir indifféremment l’habit que l’on va mettre
Descendre l’escalier, parfois fraiche et pimpante
Ou se laisser glisser déjà sur une mauvaise pente
Boire le café sans penser à rien
Vérifier le sac, tout y est bien
Fermer les portes sans s’en apercevoir
Dire au chat je reviendrai ce soir
Se rendormir un peu dans le bus, le métro
Sans lire les unes des journaux idiots
Arriver au bureau la première, trop tôt
Passer la matinée à faire son boulot
Sortir prendre l’air et respirer un peu
Sourire au sms envoyé par son amoureux
Repartir et puis finir en étant fatiguée
Avoir besoin d’un sas avant la 3ème journée
Se vautrer une heure à faire des mots croisés
A lire le journal ou à étudier
Ecouter les peines de mon étudiante préférée
La rassurer, la consoler puis la laisser filer
Envoyer quelques mails pour ne pas oublier
Les quelques amis eux aussi connectés
Remettre enfin au lendemain
Tout ce qui reste, c’est à dire presque rien
Sentir la fatigue et la vieillesse accumulées
Faire comme si c’était toujours l’été
L’été de mes seize ans, de la liberté
Alors qu’on a sans cesse les mains entravées
(Bages - mai 2011)
vendredi 15 novembre 2013
Du vent dans l'escarcelle_2
J’habite au 22 rue Christophe
Colomb. Oh je sais, ça peut prêter à sourire, quand on sait que je ne peux pas
bouger de mon lit, voire de mon fauteuil, les grands jours. J’ai 15 ans et je
ne suis pas sûr d’arriver à 22. Ce n’est pas grave, Colomb a bien dû attendre
d’avoir 40 ans avant de pouvoir réaliser son rêve. Les miens aussi sont
nombreux et qui sait ? Comme
dit maman, tant qu’il y a de la vie… Je suis atteint d’une maladie dite
« orpheline », quel
drôle de nom. Heureusement, moi, je ne suis pas orphelin, c’est ce que dit
toujours le Dr Heubert, qui vient chaque semaine. Quand ça ne va pas fort, ça
fait pleurer maman, mais quand ça va bien, ça la fait sourire. J’aime bien le Dr Heubert, il reste
toujours calme et me dit que je dois essayer de vivre chaque instant
intensément. M’accrocher à mes rêves, car s’il n’avait pas fait comme ça,
Christophe Colomb ne serait arrivé à rien. J’essaie parfois de le croire mais
quand je suis trop fatigué, je sais qu’aucune personne atteint de maladie telle
que la mienne ne peut faire le tour du monde et encore moins en découvrir de
nouveau.
D’autres fois, je me dis : Est-ce
que c’est vraiment grave ? Aussi bien, depuis 1492, tous les mondes sont connus et seuls les
remèdes aux maladies orphelines restent encore à être découverts. Bien sûr,
j’aurais aimé, par exemple, être le médecin qui finira par trouver ce qui
ferait mon bonheur et aussi celui de maman. A la place, je me réfugie dans d’autres
mondes, plus ou moins réels ceux-là. Mais ceux de Christophe Colomb aussi
étaient imaginaires, tant qu’il n’a pas pu prouver que ce qu’il croyait était
juste, et qu’il est revenu pour le dire. Qui y croyait à part lui-même ? Il
a quand même réussi à convaincre et à partir. Il est arrivé au bout de ses
rêves alors qu’au départ il n’avait rien, que des cartes, des récits de marins
et l’intuition qu’il ne se trompait pas.
J’aimerais bien avoir aussi son courage de fer. Je n’y réussis pas
toujours. Maman dit que ce n’est pas grave, que je dois faire juste du mieux
que je peux. Peut-être que Christophe Colomb aussi avait juste envie de
s’échapper, et n’en avait pas les moyens, comme moi. Parfois, maman aussi a
envie de s’échapper, je le sais. Quand elle écoute un certain morceau de Schubert, si
mélancolique, ou quand elle regarde par la fenêtre, au loin, là où son autre vie, celle à laquelle
elle n’aura pas droit, celle qui est restée derrière elle, lui fait signe. Mais
peu importe, j’ai appris à la laisser tranquille dans ces moments-là, enfin
quand je peux.
Après tout, je n’ai pas tellement
de choix. Ma vie se passe entre quatre murs et une fenêtre. Est-ce que les
autres gens ont l’impression de choisir leur voie ? La mienne est toute
tracée et celle de Maman, je l’ai déviée malgré moi. Elle s’en fiche quand on
est complices. Quand ça va plus mal et qu’on se regarde en coin, elle soupire un peu mais ça ne dure pas
bien longtemps. Je ne connais pas ses rêves, elle n’en parle pas. Je ne veux pas penser à d’autres choses,
que je comprends mal et qui pourraient m’attrister. Je préfère m’évader et
rêver.
Christophe Colomb rêvait d’être
roi, moi pas. Pendant mes séjours à l’hôpital, j’aimerais bien être quelqu’un
d’autre, loin de cet univers blanc et bruyant. Quand je suis dans ma
chambre, à la maison, c’est plus
calme et des tas d’histoires me tiennent compagnie. Des livres, des bandes
dessinées, et puis internet. Là, moi aussi, je pars à la recherche de nouveaux
mondes, comme Christophe Colomb. Je navigue, je surfe, c’est moi le capitaine, qui
décide d’aller par ici ou par là. Il y a des écueils, des pirates et des
plages. Ma vie en ligne ne ressemble en rien à ma vie réelle, je ne sais pas
laquelle est la moins virtuelle. Je peux découvrir l’Amérique et connaître les
Indiens, je peux être en Inde et jouer au football américain. Mon avatar à moi se
nomme Christophe Colomb, il découvre le monde à ma place. C’est ma deuxième vie. Il est moi, je
suis lui. Lequel des deux est le plus vivant ?
lundi 11 novembre 2013
Cadix, Andalousie
Ce
roman d’Arturo Perez-Reverte est un mélange subtil de roman historique et de
roman policier, en passant par une description de l’art de la guerre, du point
de vue des artilleurs, des commandants ; de l’art de la contrebande,
étroitement mêlée au commerce maritime florissant et à la guerre. Et aussi un
roman d’espionnage, ou, pourquoi pas, patriotique. Reste encore une petite
touche d’amour absolument impensable entre deux êtres qui appartiennent à des
castes trop éloignées. Voilà, vous avez tous les ingrédients de « Cadix,
ou la diagonale du fou » (Maspero, 2011). Sur fond de presqu’île, terre
entourée d’eaux, mer ou étiers et d’un peuple qui ne vit que pour et par la
mer. Ah, la mer, que le marin déteste et que l’armateur adore. L’un y vit,
l’autre en vit. Bien entendu, c’est toujours le patron qui gagne, pas le
corsaire. Celui qui paie l’autre et qui reste à l’abri. Oui, c’est vrai lui
aussi prend des risques mais c’est pas tout à fait pareil. C’est l’éternelle
histoire des riches et des pauvres. Comme on pouvait s’y attendre, l’amour a
peu de poids et guère de chance de triompher.
L’écriture
est serrée, il y a des tonnes de choses à dire, au travers de ces morceaux de
vie mêlées. Un peu trop peut être ? L’auteur n’a pas su ou pas voulu
démêler les fils de toutes ces histoires enchevêtrées, à nous de tirer sur tel
ou tel fil. De toutes façons on sent bien que tout va mal finir ou pas finir du
tout : certains meurent, coupables ou non, et de quoi ? Les
envahisseurs se retirent sans avoir vraiment perdu de bataille et chacun suit
sa trajectoire personnelle dans ce grand branle-bas plus pesant encore que la
vie ordinaire, puisque c’est la guerre. Une vie, des vies mouvementées mais qui
n’altèrent pas le grand ordonnancement des choses, où les plus petits vivent et
meurent selon le bon vouloir des plus grands, des nantis, des bien nés.
Un
grand travail de recherche, des chapitres très documentés, des détails
historiques, qui donne un roman noir et coloré, au propre comme au figuré. Manque
le je ne sais quoi qui lierait le tout. Une vraie histoire d’amour peut-être ?
Oui, ça n’existe que dans les livres… ben justement.
mercredi 30 octobre 2013
Fragment(s) d'exposition(s) - 2
Comme
les musiciens, il y a des peintres plutôt « scientifiques ». Non
seulement ils savent dessiner et peindre des figures, des paysages, mais en
plus, ils jouent avec la gamme des couleurs, la gamme chromatique, pour faire des
effets. Quand en plus ces effets se mirent dans l’eau, on peut dire que c’est
réussi. C’est ce que l’on voit au cours de l’expo « Signac les couleurs de
l’eau », au musée Fabre de Montpellier, musée qui a su attirer du monde
par des expositions majeures, originales, dans lesquelles non seulement on voit
de nombreux tableaux originaux mais on peut également y apprendre les côtés
techniques des choses, les dessous des cartes si j’ose dire en parlant de
tableaux. Chacun y trouve son compte, quel que soit son degré d’appréciation
personnelle des œuvres. On y découvre plusieurs styles : pour Signac, on
peut y voir les dessins de base, réalisés sur place, dehors, qui ont servi de
« brouillon » en quelque sorte et le travail, parfois très minutieux,
très recherché, de l’artiste sur les couleurs, réalisé ensuite dans l’atelier.
C’est du néo impressionnisme, taches de couleurs encore plus fouillées, plus
détaillées, décortiquées. Ce sont des tableaux qu’il faut voir de loin, il
s’agit donc d’essayer d’éviter les groupes agglutinés… Ce n’est pas toujours
facile, mais c’est plutôt gratifiant. Et puis l’avantage dans ce genre de
technique, c’est que chacun va vers ses préférences en matière de couleur, pour
l’une c’est l’orangé, pour l’autre le bleu et le vert… chacun son choix. On ne
reste donc pas tous devant le même tableau et c’est tant mieux.
En
matière de peintres, ce mois d’octobre était foisonnant. A Paris, au GrandPalais, c’était une grande expo sur Braque, Braque le patron, comme
l’appelaient certains. Il faut dire qu’il a traversé deux siècles et surtout
deux guerres, ce qui n’est pas peu dire et explique peut-être ce côté
« triste », « gris », qu’on lui prête parfois, à tort ou à
raison, je ne trancherai pas. Il était pourtant contemporain de Picasso, alors
que ce dernier a échappé aux guerres et a fait des tableaux plus gais, plus
colorés, plus mouvementés. Mais Braque, en fait, et cette expo le montre bien,
a plusieurs facettes, plusieurs palettes, plusieurs couleurs à son pinceau.
Pinceaux qu’il mettait dans des grands pots, à l’envers. Et ses tableaux peuvent
être mordorés, mélangés à du sable ou de la sciure de bois, étonnante
diversité. On connaît si peu Braque, se dit-on au sortir de cette expo, il a
fait des choses si différentes, comme ces séries de paysages, à la fin de sa
vie, petits tableaux format paysage justement, aux couleurs si diverses que
chacun choisit le sien. Entre le cubisme analytique et les oiseaux du Louvre,
tout un parcours se fait, s’est fait, et si Braque n’a pas tout compris du
monde rugissant qui l’entourait, nous on comprend un peu mieux le cheminement
de ce « patron » qui, à chaque coup de pinceau, tentait de libérer ce
qui faisait l’humanité de chacun d’entre nous.
La
Suisse, on ne peut pas dire que ça ait un air coloré. Pourtant Félix Vallotton,
peintre, était suisse d’origine et avait une certaine manière de peindre le
vert et le jaune qui n’appartenait qu’à lui. Toujours au Grand Palais, de
grandes étendues colorées, bien délimitées, pour mieux montrer les contrastes.
Les contrastes entre ce qui se voit et ce qu’on devine. Les frontières entre ce
qui est vrai et ce qu’on doit deviner. Cela pourrait être un jeu dans chaque
tableau ; sauf que chacun voit des choses différentes, selon son état, son
humeur, son bon vouloir. Bon, il faut bien l’avouer, Vallotton n’était pas très
tendre envers les femmes. Mais pas vraiment non plus envers les hommes, ses
semblables. Tout un monde de tromperie qu’il peignait en couleurs. Comme le dit
si bien Maryline Desbiolles, dans « Vallotton est inadmissible »
(Seuil, 2013), pour de nombreuses raisons, qui ne sont pas forcément les
siennes, il nous accompagne tout au long de la vie, parce que certains de ses
tableaux sont attachants. Peut-être vaut-il mieux ne pas se demander pourquoi,
de peur de plonger dans ce vert, dans cette ombre, dans ce non-dit, ce suggéré,
un peu dangereux, un peu effrayant.
Evidemment,
après les couleurs de Vallotton, se retrouver au milieu des noirs et blancs des
grandes photos de Salgado, ça faisait un contraste un peu trop violent. A la
maison européenne de la photographie à Paris, Genesis est un choix de plusieurs
dizaines de photographies réalisées (au milieu de combien d’autres ?)
pendant une dizaine d’années, sur la Terre : des montagnes, de la neige,
des animaux, des forêts, des déserts, des peuplades restées comme à leur
origine. Certaines photos sont très belles, fruits peut-être d’une longue
patience ou d’un hasard délicieux. D’autres oscillent entre nature et studio,
on n’ose décider, quand on voit ces éléphants dormants, comme rangés en
vitrine, du plus petit au plus grand, alors qu’ils se trouvent pourtant dans
leur milieu naturel. On croit rêver quand on voit ces manchots à jugulaire dans
leur descente enneigée d’une moitié de banquise, dansants, s’amusant, ou est-ce
juste un mirage ? Et on reste muet devant la beauté majestueuse de ces
deux roussettes prises en plein vol, d’en dessous, au milieu des arbres
dénudés. Le choix du noir et blanc systématique reste un mystère, surtout pour
certaines photos qui gagneraient à la couleur : plumages et coiffes de
chefs indiens ; déserts et dunes qui pourraient être chauds ;
écailles d’iguane brillantes et moites. On fait le tour du monde, le tour d’un
monde qu’on connaît à peine car ce monde n’est pas tout à fait le nôtre. Ni les
hommes ni les animaux qui le peuplent ne nous connaissent, nous ne connaissons
ni ces paysages, ni ces montagnes,
ni ces arbres, grandioses, millénaires. Tous ceux-là n’ont pas besoin de
nous. Avons nous besoin d’eux, demande Salgado, et pourquoi ?
mardi 22 octobre 2013
Du vent dans l'escarcelle_1
J’habite au 3 rue Léonard de
Vinci et les seules vraies peintures que j’ai vues sont celles laissées chaque
nuit par les taggers sur les façades aveugles de la cité. Elles sont colorées,
ça oui, mais belles, je peux pas dire. De toutes façons, elles ne restent pas
bien longtemps. De nouvelles apparaissent, ni mieux ni moins bien que les
précédentes. Le matin, les bidons traînent encore par terre et l’odeur me prend
à la gorge, quand je passe devant, en allant au collège.
Je sais qui est Léonard de Vinci
car on a un cours d’histoire de l’art. Depuis que les programmes ont changé, il
paraît. Moi, ça me plaît bien et le prof est sympa. Il dit qu’il aimerait bien
nous amener au Louvre mais il manque les financements. J’avais cru comprendre
que les ZEP devaient avoir plus de facilités, dit le prof. Que l’ouverture
des banlieues à la culture devait être favorisée. Mais que dalle, on préfère
nous amener au grand air, loin de la ville ou réparer les poteaux de basket. La
culture, ça passe toujours en dernier, qu’il dit. Et quand les gosses des
quartiers vont à la ville, ils s’installent plutôt dans le centre commercial. Alors
il se contente de nous montrer de belles reproductions. Certaines sont accrochées
aux murs, pour la chronologie, qu’il dit. Une par grande période, depuis
l’Egypte, mais y a des trous. Et pour certains siècles, il en a punaisé
plusieurs.
Pour le XVIème, il a pas choisi
la Joconde. Vous pourrez la voir dans n’importe quelle bibliothèque, je préfère
vous montrer un autre visage de Léonard. Je ne sais pas dans quelle
bibliothèque on pourrait voir la Joconde, pas celle du collège en tout cas,
c’est pas faute d’avoir cherché. C’est un visage de femme. Une Vierge qu’il a
dit. Je ne suis pas certain de savoir ce que c’est, une Vierge, surtout pour
lui, mais ça m’est égal. J’aime bien ce visage, doux avec un voile léger qui
tombe sur le front. Ma soeur Leïla pourrait lui ressembler si elle ne portait
pas, comme d’autres avec elle, ce voile opaque et si épais qui lui cache la
moitié du visage et retombe sur ses épaules. On ne sait pas si c’est pour
circuler en liberté sans craindre les rires gras des garçons ou pour énerver
les parents. Ou les autres. Ma mère, ça l’énerve, elle dit qu’elle est pas
partie de là-bas pour s’y retrouver. Elle dit qu’ici une femme peut se promener
en short et en pantalon, faire du vélo ou du sport et que Leïla devrait en
profiter au lieu de jouer à la rigoriste. Leïla, elle répond jamais, ça énerve
encore plus ma mère. Mon père, lui, il dit rien, comme d’habitude. Peut-être
qu’il n’est pas tout à fait d’accord avec ma mère mais il ne veut pas se fâcher
alors il laisse dire. Et il laisse faire Leïla. Moi je crois que Leïla ne sait
pas trop à quoi il sert, son voile, mais ça fait genre, même si elle aurait
sûrement pu trouver autre chose.
Dans la chronologie de l’histoire
de l’art, y en a pas, de femmes voilées, elles seraient même plutôt
déshabillées. Pourtant, le prof a fait attention à ses choix, sûrement pour pas
se faire engueuler par des parents. Mais nous, on cafte pas, on aime bien les
voir, les belles déshabillées, puisqu’on a le droit. Il a mis aussi des statues
d’hommes nus, et ça, ça nous fait moins rigoler. C’est pour ça que je comprends
un peu Leïla, le voile, c’est son armure. Mais y a sûrement d’autres moyens,
même dans cette cité.
En tout cas, Léonard, lui, il
pouvait peindre ce qu’il aimait, même si le prof dit qu’il a pas toujours été
le bienvenu partout, j’ai pas très bien compris pourquoi. Il nous a dit qu’à
lui aussi, il était arrivé de peindre sur des murs, comme les taggers. A
l’époque, ça se faisait et ces peintures-là étaient aussi éphémères :
l’une a disparu très vite et l’autre part en lambeaux dans une église du nord de l’Italie.
Une histoire de pigments, dit le prof. Comme pour la couleur de la peau. Qui
elle, ne disparaît pas.
vendredi 11 octobre 2013
Le minois de Manon
C’est
l’éternel destin : le destin des femmes qui sont châtiées lorsqu’elles ne
suivent pas le chemin que leur ont tracé les hommes. Dans le cas de Manon, opéra français de Massenet, la jeune fille a 16 ans et comme elle a
envie de s’amuser, on l’envoie au couvent. Bien entendu, en chemin, son joli
minois fait des ravages, un jeune homme est séduit et ils se sauvent vivre leur
vie. Sauf qu’à l’époque, il faut le consentement du père, qui détient les
subsides. On sauve le jeune homme mais on laisse la jeune fille s’enliser dans
une vie de courtisane, qui lui plaît, elle qui n’avait rien. Ca finit très mal,
pour Manon qui meurt, pour son chevalier Des Grieux qui reste vivant mais
désespéré. Pour combien de temps ?
Il
faut bien le dire, le livret a de grandes faiblesses et des raccourcis
saisissants (si on n'a pas lu le roman d'origine). Mais c’est un opéra comique.
La mise en scène de Laurent Pelly, au théâtre du Capitole, est inégale,
avec de très bonnes idées (les scènes des chœurs d’hommes face à Manon),
d’autres moins compréhensibles. Il faut dire que les décors sont lourds, avec des
lignes de perspective fuyantes ou de guingois, pour dire quoi ? On rit
parfois, surtout lorsque les trois coquettes sont sur scène et on pleure aussi, sur
cet amour impossible. Manon n’est pas une vraie coquette, elle ne suit pas
complètement les règles et s’écarte du chemin. On se dit qu’aujourd’hui, ce
serait plus facile, même si ça finirait mal aussi, mais on n’en mourrait pas
quand même ! Plus de morale, plus de serments, moins de mariage (il n’en
est guère question cependant), tout fiche le camp. Ce n’est
quand même pas un opéra révolutionnaire et pour ma part, dans le genre français, je préfère nettement
Carmen, qui transporte et va plus loin, dans le comique comme dans la tragédie,
avec de bien plus beaux airs.
jeudi 26 septembre 2013
La liste de mes envies
Malgré une histoire cousue de fil
blanc, merci à G. Delacourt d’avoir libéré le désir d’enfin écrire cette liste.
Donner
3 millions à ma sœur aînée pour qu’elle puisse s’offrir la maison de ses rêves
avec tout ce qu’elle voudra autour
Aller
voir la petite fille de Colombie que je parraine pour qu’elle puisse aller à
l’école ; lui permettre d’être heureuse dans sa famille, sa communauté,
son quartier, son pays
Acheter
enfin une maison, ma maison ne surtout
pas demander le prix et faire le chèque avec désinvolture
Passer
une année entière à passer d’une ville à l’autre, d’une expo à l’autre, d’un
opéra à l’autre
Oser
entrer chez Hesmé rue Montardy, tout essayer, tout acheter ( ?)
M’offrir
3 jours en balnéo, massages et pierres chaudes sans avoir rien d’autre à faire
Acheter
les mille paires de chaussures qui me manquent
Revoir
Rome et Santorin
Offrir
un voyage de rêve à tout un chacun
Essayer
d’écrire toute une année, avec ou sans succès
Mettre
mes enfants à l’abri du besoin
Partir
en vacances avec eux, sans souci du lendemain
Essayer
un vélo électrique
Remplacer
bière par champagne
Ne
plus être « obligée de faire »
Mais
je ne réussirai pas à
Obtenir
une paix durable dans le monde entier
samedi 21 septembre 2013
Amène ton cycle
Entre la bibliothèque de Rangueil
et le Musée des Transports et de la Communication…
J’ai
entendu, à chaque feu rouge, par les vitres ouvertes des voitures, aboyer des
rappeurs mais jamais du Mozart
J’ai
entendu le silence ouaté de la cour d’école, vide et calme
J’ai
entendu tomber la première feuille d’automne
Au musée…
J’aime
l’idée des caténaires de la SNCF consignées : ont-elles été rapportées et
de quel montant était la consigne ?
J’aime
la gare Matabiau toute seule, sans ses bâtiments laids enfin détruits
J’aime les vieilles malles toutes de cuir et de clous qui prennent la poussière dans les musées, comme de vieilles photos en noir et blanc dans les greniers
J’aime les vieilles malles toutes de cuir et de clous qui prennent la poussière dans les musées, comme de vieilles photos en noir et blanc dans les greniers
Entre Jules Julien et
La Boule…
Je
déteste être enfermée quand l’air est tiède et le vent doux
J’aime
pas les longues façades blanches aux mille fenêtres hermétiquement fermées
Je
déteste les endroits où l’on dresse les chiens, pour leur apprendre à mordre
ceux que leur maître n’aime pas
Dans la Boule…
Je
me souviens de l’histoire de Petit Castor et l’Echo, que je racontais le soir à
mes enfants
Je
me souviens des mille petits objets inutiles que l’on garde chez soi, au cas où
Je
me souviens que je suis claustrophobe quand je suis dans un endroit trop
confiné
De retour à la bibliothèque…
J’ai
envie de savoir lire, écrire et parler dans toutes les langues
J’ai
envie que la pluie ne tombe que la nuit
J’ai
envie d’avoir un vélo électrique
Merci à Marie (association Yaksa)
et Alice (La maison du vélo) pour l’atelier d’écriture en vélo
dimanche 15 septembre 2013
Autrefois, mon grand-père
Mon
grand-père paternel s’appelait Emile. Il était cordonnier. Lorsqu’on venait
chez lui avec des chaussures neuves, il les prenait dans ses mains et les observait
longuement, les jaugeait en quelque sorte. Il me semble qu’il sentait le cuir
quand j’étais petite, mais c’est sans doute un faux souvenir. A l’époque, la
majorité des « souliers », comme il disait, étaient en cuir, cirés et
lacés, pareils à ceux que lui-même a toujours portés. Je n’ose penser de ce
qu’il dirait des tennis à la mode toute l’année et en toutes occasions ou des
sandalettes aux semelles si fines, que le moindre caillou leur fait un trou.
Plus de souliers cirés, plus de fabricants de cirage, plus de cireur de
souliers, sauf dans les souvenirs de ceux qui ont plus de 65 ans aujourd’hui,
et encore. On dirait bien que seuls les militaires continuent à cracher sur le cuir de leurs bottes chaque
matin.
Mon
grand-père venait du Nord et en conservait parfois certains accents, certains
mots prononcés bizarrement, qui nous étonnaient et nous faisaient rire. Je n’ai
jamais su pourquoi il avait dû partir de là-bas. Peut-être pour suivre ma
grand-mère, qui travaillait à La Poste et avait dû être affectée ailleurs. Ils
habitaient dans une maison de ville, rue de la Bourie rouge, à Orléans. Ma
mère nous y laissait parfois, ma soeur et moi pour quelques jours. On y
mangeait de la soupe le matin, et aussi de la crème au chocolat que je n’aimais
pas. C’était une drôle de maison, dont je me souviens encore : des meubles
fabriqués en Bretagne, sûrement acquis lors du mariage, couverts de petits personnages
sculptés qui me fascinaient, deux chambres séparées et des toilettes où il y
avait plein de magazines aujourd’hui disparus. Ca sentait le cuir car on y
rangeait toutes les chaussures. Où range t-on les chaussures de nos
jours ?
Contrairement
au petit cordonnier de la chanson (F. Lemarque), mon grand-père était grand,
fort et moustachu. Il avait une belle voix de baryton et adorait pousser la
chansonnette lors des repas de famille. C’est grâce à lui que j’ai connu
« Proserpine », « Marguerite, donne moi ton cœur » et une
histoire de blonde auprès de qui il faisait bon et qui faisait mon bonheur… Il fumait en cachette de ma
grand-mère qui n’était pas dupe et partait faire de grands tours en vélo, qu’il
aimait bien mieux que la voiture. Plutôt qu’en ville, il aurait sûrement mieux
aimé habiter dans un petit village dont il aurait pu faire le tour à vélo, en
disant bonjour à tout le monde. Plutôt que son balcon de fin de vie, il aurait
sûrement mieux aimé biner son potager jusqu’au bout, pour ramasser de quoi
faire la soupe du soir. Je sens confusément qu’il y a eu dans la vie de mon
grand-père beaucoup de renoncements. Je ne saurais jamais s’il a été heureux
quelquefois. Je ne sais presque rien d’eux en fait et c’est comme ça. Les
quelques souvenirs qui me restent, des flashs, sont comme de vieilles photos de
la France des années 60, perdues dans un tiroir ou qu’on retrouve entassées
dans une boîte, à vendre, quelques centimes la pièce, dans une brocante.
dimanche 8 septembre 2013
La botaniste et Zeus
On
raconte que j’ai été élevé sur cette montagne, sèche, rocailleuse et aride,
autour d’une sorte de grotte difficile d’accès. C’est en tout cas ce que
croient les prêts à tout, surtout à clamer haut et fort qu’ils ont gravi le
millier de mètres de la « Zas mountain », en suivant un sentier de
cailloux sous un soleil de plomb. Les autochtones les regardent d’un œil atone,
incrédule ou malicieux selon leur degré de proximité avec cette nature qui les
entoure. Les moutons et les chèvres n’en croient pas leurs oreilles et
continuent leur propre cheminement le long des murets en pierre, bâtis par
leurs bergers et qui font comme des guirlandes accrochées au flanc des
collines, comme un immense canevas vert et ocre.
Moi,
je me garde bien d’émettre le moindre avis. Avec ou sans eux, je m’étire le
long des versants ensoleillés, je les parcoure en tout sens, reniflant les dos
des bêtes à corne ou à laine. Je me laisse guider par les papillons, je regarde
détaler les lapereaux à chaque son de cloche. Je redécouvre chaque jour toutes
les sentes qui pourtant m’ont vu grandir, je continue à chercher en vain le
moindre méandre de ru minuscule ou invisible.
Je
sais que les richesses de cette montagne sont souterraines et indestructibles,
même s’il suffirait de peu pour que cette terre redevienne désertique,
abandonnée, dépeuplée. C’est déjà ce qui est arrivé il y a quelques milliers
d’années, bien après la disparition d’Ariane et de ses rires enfantins,
lorsqu’elle faisait semblant d’être effarouchée par les assiduités de ce grand
vagabond brun.
Barbu bouclé, mon deux fois fils, voyageur infatigable et
amoureux, qui a réussi à lui faire oublier cet autre prêt à tout, surtout à
repartir encore à la conquête d’autre chose, plus loin. Le barbu a emporté
Ariane et avec elle la joie de vivre de cette île. La joie de vivre, une des
seules choses que les humains consentent encore à concéder au grand barbu
bouclé, lorsqu’ils s’enivrent à sa gloire. Pour moi et tous les autres, il ne
reste que pierres, ruines et oubli.
Je
reviens donc sans cesse à cette île et sa montagne dont j’ai la nostalgie. Trop
sans doute. Mais le reste du monde n’est que bruit et fureur, que je ne
comprends plus. Les terres voisines sont secouées de tremblements, qui
proviennent du sol même, ou, bien plus souvent, des humains qui les peuplent.
Les conquêtes ne se font pas dans la douceur. Alors qu’ici tout est calme, loin
des morceaux de bravoure, inutiles, vains et trop souvent mortels. Je m’y
ressource, sans nul besoin de vraies sources jaillissantes et limpides, qui ne
sont plus ici que des souvenirs.
Aujourd’hui
il fait chaud sur cette terre désolée. Les humains grimpeurs sont peu nombreux,
halètent et cheminent lentement. Ils se ressemblent tous, vus de haut. On
dirait presque des chèvres, en file indienne, qui courent le long des murets de
pierre ancestraux. Mais ils filent moins vite et n’ont plus besoin de berger.
Celui-ci, pourtant, paraît différent. Sa démarche est légère, son sac, s’il
existe, ne paraît pas pesant. Sa tête tourne gracieusement de part et d’autre
du sentier, sans hâte, comme on se promène sans but bien défini, à part celui,
justement, de se promener. Un peu comme je le fais si souvent lorsque je suis
ici. Je m’arrête un instant pour l’observer. Ce frêle humain est une femme.
Elle porte bien un sac mais il semble si léger qu’on dirait bien qu’elle ne
porte rien. Elle ne va pas aussi vite que les autres et semble déjà connaître
ce sentier. Pourtant, je ne me rappelle pas l’avoir jamais vue. Intrigué, je
continue à surveiller ses faits et gestes. On dirait une fleur, plutôt un
insecte butineur. Elle aussi observe. M’observe ? Mais non, elle ne peut
avoir conscience de ma présence. Elle ne peut même pas y penser. Elle a l’air
décidé, sans que cela ait l’air important. Va t’elle grimper tout en
haut ? Non, ce n’est pas son but. Elle s’arrête quelques centaines de
mètres avant, dans la seule oasis de ce tumulte en feu : un grand arbre
feuillu et branchu qui répand une ombre bienfaisante, sinon rafraîchissante.
Peu lui importe. Elle sort de son sac trois grands livres et les installe
ouverts sur des roches. L’aspect léger du sac n’était qu’un leurre, ces volumes
sont de véritables encyclopédies ambulantes. Elle sort du sac d'autres
ustensiles encore : loupes, pinces, carnet de croquis, crayons et pages blanches.
Je suis subjugué. Posément, elle prélève délicatement les quelques spécimen de
la flore qui réussit à subsister maigrement dans cette ombre chaude. Elle les
observe de ses yeux clairs, à la loupe, note quelques mots, vérifie des
définitions, fait des comparaisons avec les illustrations des encyclopédies,
écrit enfin des commentaires dans son carnet. Tout cela dans un calme
impressionnant. Elle est tout à son travail, sa passion. Je ne sais même pas si
elle a emporté de l’eau pour se désaltérer.
Bien
entendu, mon âme de séducteur reprend le dessus mais je ne sais comment m’y prendre.
Trop attendri sans doute. Je sens confusément que lui montrer ma puissance
serait vain. Je pourrais lui faire découvrir une fleur étrange et improbable.
Un don à la fois tendre et puissant. Ou me transformer moi-même en arbrisseau
pour me laisser frôler et caresser par ces mains curieuses. Oh oui, je
pourrais, ne me suis-je pas déjà converti en cygne magnifique pour séduire une
belle ? Même le grand Léonard a dû s’adonner un temps à la botanique pour
rendre plus réel le décor de cette affaire. Seules les copies restent, le
tableau original est perdu. Il me ressemblait trop, à chaque fois le regarder
me faisait mal. Personne ne pouvait à ce point peindre à la fois l’irréel et ce
qu’il voulait dire. Léonard avait la grâce des anges dans sa peinture, je l’ai
protégé du mieux que j’ai pu.
Aujourd’hui,
plus personne ne me sculpte ou ne me peint. Je me sens aussi seul qu’un
guerrier impuissant, debout au milieu d’une mer de cadavres immobiles, après un
combat contre on ne sait plus trop quoi.
Reste ma montagne et le peuple qui m’a
créé. Cette frêle humaine en fait partie. Elle sait que le temps n’a pas de
prise sur le rocher, l’arbre, les plantes qu’elle observe. Elle fait donc son
travail lentement, consciencieusement. Elle aussi est amoureuse de cette terre,
à sa manière, car elle connaît tout de son histoire, de la mienne et se met
juste à sa place. Elle vit dans l’instant et travaille pour apporter sa toute
petite contribution à quelque chose qui la dépasse un peu. Tout un monde que
les humains croient connaître et qu’ils ne font qu’effleurer.
Naxos, août 2013
dimanche 1 septembre 2013
au British Museum, la Grèce
Au
fil des chemins tortueux, des routes pentues, des sentiers caillouteux de toute
la Grèce, on peut trouver des vestiges de la civilisation antique, aux pierres
si méconnues mais aux dieux encore tellement vivants. Pour concevoir cette
antiquité, lorsqu’on n’est pas spécialiste, un bon guide qui raconte bien est
nécessaire. Car réussir à remonter le temps devant quelques colonnes encore
debout et une statue sans tête mais encore drapée dans sa toge n’est pas donné
à tout le monde. Et imaginer la splendeur passée de Démeter devant des blocs de
pierre alignés, même nombreux, n’est pas chose évidente.
Alors
il reste les musées, ou l’Acropole et ses vestiges aux noms prestigieux. Le
site entier de l’Acropole, incluant l’agora grecque (si on arrive à temps pour
visiter), son musée flambant neuf et jusqu’à l’Olympion peut encore faire rêver
malgré les ruines, l’érosion, l’abandon.
Un fantôme de théâtre garde encore
quelque chose de Dyonisos ; de multiples statues de Poséidon conservent
leur puissance ; les divers Apollons leur splendeur, malgré l’isolement de
chacun. On n’a aucune idée de l’ensemble, sauf qu’on se sent tout petit devant
ces portes immenses, ces colonnes de temples colossaux, ces portiques élancés.
On se souvient à peine des enseignements sur la Grèce antique, civilisation
fondatrice et comme on n’a pas fait de grec ancien, on tente de rassembler le
peu de racines des mots qui nous restent. Bref, on reste assez loin de
l’Histoire.
Le
tout nouveau musée de l’Acropole aurait pu réussir à la faire revivre. Le tour
de force est réel, d’avoir reconstruit à l’identique – mis à part les
dimensions des colonnes – le Parthénon dans son ensemble, pour que le visiteur
comprenne enfin ce que voulait dire la puissance grecque et la vénération des
dieux, Zeus et Athéna au tout premier plan. On tente de recréer la magie des
lieux, on essaie de rêver aux morceaux absents, détruits ou volés. Car voilà
qu’au détour d’un commentaire, on apprend le pillage général. Que les Grecs
aient construit leurs nouvelles habitations avec les pierres des anciens sites,
passe encore, qui n’a pas fait de même ? Mais qu’un Lord Elgin, 7ème
du nom, détache et emporte allègrement la plus grande moitié du portique est du
Parthénon, en vue de faire fortune une fois rentré dans son Angleterre natale, alors
ça non, ça ne passe pas.
Lorsqu’on
a fait tous ces kilomètres, lorsqu’on a enfin monté toutes ces marches, lorsque
nos yeux se posent enfin sur les caryatides tant attendues, on ne veut que
croire ce que voient nos yeux.
Or oui, celles qui sont dehors, exposées au
vent, sont des copies. Soit, la copie est bien faite et on n’y voit goutte,
d’ailleurs on ne les voit que de loin et même les copies ont droit à des
machines moches qui mesurent l’humidité et dieu sait quoi encore pour ne pas
qu’elles soient abîmées ; c’est dire la valeur des copies. Alors on se console
en allant voir les originales, gardées à l’intérieur, hors contexte, comme un
trésor. Et là encore, on apprend que la sixième caryatide, celle qui fait de
l’Erechtheion l’un des plus beaux vestiges debout, se trouve… au British
Museum, à Londres. Grâce au fameux Lord, qui, s’il n’a finalement pas fait
fortune, a fait celle de la capitale anglaise : après avoir fait la fine
bouche, elle a pu racheter la totalité des vestiges rapportés, à bas prix et
pour sa plus grande gloire, juste après la pierre de Rosette.
Franchement,
on aimerait bien que les Anglais rendent à la Grèce la sixième caryatide, et
puis aussi la tête de cheval du char de Séléné avec ce qui reste du portique est du Parthénon,
les bas-reliefs et tout ce que Lord Elgin a emporté sans vergogne. Leur vraie
place est au nouveau musée de l’Acropole, aux côtés de tout ce qui y est exposé.
Il paraît que la tendance, dans les pays ex colonisateurs, est enfin à rendre aux pays ex colonisés leurs trésors pillés lors de longues années d’explorations dévastatrices. La France aurait récemment rendu une tête de chef kanak à la Nouvelle Calédonie indépendante, après des années de tergiversations, de recherches dans les inventaires oubliés, et autres négociations hautement diplomatiques. Alors, la sixième caryatide en cadeau d’inauguration du musée de l’Acropole, ça serait un sacré symbole de solidarité européenne, non ?
dimanche 28 juillet 2013
L'allemand sans l'Allemagne
Les
romans de Martin Suter ont tous cette première particularité de commencer un
peu lentement, le temps que les personnages soient présent(é)s. Et d’un seul
coup, ça démarre, on ne lâche plus le livre jusqu’à la fin. Ce sont toujours
des histoires à la limite du rêve et de la réalité, quasi science fiction, mais
les héros retombent toujours sur leurs pattes car ils sont souvent d’une
singulière finesse. La deuxième particularité est l’étonnante polynationalité de ces histoires. Je
veux dire qu’elles pourraient se situer partout en Europe, au sens large, sans
en changer un mot. Je veux croire d’ailleurs que Suter réclame une traduction
en ce sens. Chacun s’y reconnaît facilement, sans tomber pour autant dans la
neutralité, les personnages sont bien là, avec leur histoire, leur
personnalité, cosmopolite, étrange et pourtant si proche, si reconnaissable.
Cette
histoire-là, « le temps, le temps » (Christian Bourgois éditeur –
2013) veut nous faire croire à l’inexistence du temps qui passe, auprès de deux
hommes affaiblis par la mort de leur moitié. L’un veut y croire, l’autre fait
en sorte que l’impossible puisse avoir lieu. Bien sûr, l’affreuse réalité les
rattrape et nous avec, mais ce n’est pas ce qu’on croit. Cette histoire est
impossible à raconter, alors il vaut mieux la lire. Ca tombe bien, le format
poche peut s’emporter si facilement en vacances et se conforme tellement à un
type de lecture rapide, enlevée, légère, angoissante juste ce qu’il faut. Une
écriture décomplexée, étonnante langue allemande qui peut être légère si elle
veut. Mais elle ne veut pas toujours. Profitons de ce style, qui nous fait
passer de si courts moments d’(in)existence, dans la vie d’un autre, avant de
retrouver, à la rentrée, notre quotidien réglementé.
lundi 22 juillet 2013
Roman médiéval sauce catalane
Les
mythes ont la vie dure. Et lorsque un écrivain en ravive un, resté plutôt
inconnu ou plutôt méconnu, on peut s’y plonger dedans avec délices. Erec et
Enide, de Manuel Vasquez Montalban (Seuil 2004), commence comme un discours
intellectuel et ennuyeux, un peu pontifiant et réservé aux seuls spécialistes,
petit cercle de professeurs de littérature médiévale. Mais ce roman est heureusement
à trois voix, très discordantes les unes par rapport aux autres, même si elles
finissent par se retrouver, tout à la fin, avant de se séparer pour toujours.
Erec
c’est Pedro et Enide c’est Myriam, qui vont se confronter aux mêmes épreuves
dans une dure réalité, aux fins fonds d’une Amérique latine sans foi ni loi.
Leurs parents adoptifs, eux, sont mariés mais n’ont quasiment rien en commun,
ne partagent rien, depuis si longtemps. Leur réalité, confrontés comme ils le
sont à la vieillesse ou la mort, n’est pas vraiment plus simple à vivre même si
elle a l’apparence d’être facile. Il ne s’agit pas d’amour courtois, il s’agit
de tromperies, de petites lâchetés, de laisser faire. L’amour, courtois ou pas,
survit-il à la vie quotidienne ? C’est ce que se demandent Pedro et
Myriam, la réponse n’est pas donnée par Montalban.
Montalban
a écrit des livres très différents, qu’il faut découvrir en étant toujours
curieux. Ils ne se ressemblent que par leurs ineffables références culinaires,
qui vont de l’étrange à l’étonnant, cuisine catalane dont seuls les catalans
raffolent.
Chrétien
de Troyes n’en demandait pas tant, les chevaliers de la Table ronde n’auront
pas besoin de la légende d’Erec et Enide pour survivre encore et encore dans
nos imaginaires, mais le point de départ de ce roman est original et il tient
toutes ses promesses.
mardi 9 juillet 2013
L'inéluctable
Roy
a treize ans. Il part avec son père dans une île froide et sauvage, déserte. Un
séjour d’un an y est prévu. Mais
très rapidement, Roy s’aperçoit que son père n’est pas de taille à surmonter
cette nature hostile malgré tous ses efforts. Son père ne sait déjà pas se
débrouiller dans la vie « normale » alors loin de tout… Il est un peu
dérangé, son père, ou plutôt il est faible. Est-ce un si grand tort ? Non,
si on n’emmène pas son fils de treize ans dans ses déboulonnades, à lui faire
croire que tout va être bien, à deux dans cette neige, avec une seule cabane et
4 mains pour tout. Rien ne fonctionne, tous les plans tombent par terre et le
père de Roy ne sait que sangloter, de se voir si faible dans ce monde si
hostile. Roy ne sait pas quoi lui dire, il ne comprend pas pourquoi ils sont
venus ici. Il n’a pas su lui dire non et il est parti alors qu’il n’en avait
pas envie. Il ne sait pas non plus lui dire qu’il veut rentrer ou s’il lui dit,
se rétracte immédiatement, pourquoi ? Pour ne pas le laisser seul, encore
plus démuni ? Et comme il ne sait pas comment lui dire qu’il ne peut pas rester
comme ça, qu’il ne comprend pas comment ils peuvent s’en sortir, qu’il voit
arriver l’inéluctable, il se sauve avant, en se tirant une balle dans la tête.
C’est la première partie de « Sukkvan Island » de David Vann
(Gallmeister 2008). La deuxième est plus classique : la fuite en avant du
père qui n’en peut plus de se savoir vivant alors que son fils est mort et que
tout est de sa faute. « Roy s’était
tué à sa place en un échange convenu, c’est pourquoi Jim était responsable de
sa mort. ». Mais comment et pourquoi donc les a t'on laissés
partir ? Les gens qui dérivent ne trouvent guère d’aide et sombrent peu à
peu, vers l’inéluctable. Seuls, comme tous les autres. Entraînant hélas
d’autres âmes faibles ou mineures dans leur sillage avant la fin.
Ce
premier roman se lit d’une traite, d’abord parce qu’on veut comprendre, et
ensuite parce qu’on a trop vite compris. Que le désespoir n’a pas d’âge.
Qu’être père n’est pas toujours facile. Que parfois, il vaut mieux un père
absent qu’on peut imaginer au lieu de devoir subir celui qu’on a, sans
qu’aucune porte de sortie ne soit offerte, sauf grandir. Roy n’a même pas eu
cette chance.
mercredi 26 juin 2013
Quitter Tokyo
J’avais
déjà pas très envie d’aller au Japon, malgré toutes les choses à y voir,
certainement très belles et dépaysantes. Après avoir lu Tokyo de Mo Hayder
(Presses de la Cité – 2005), sorte de polar noir, très noir, très angoissant et
quasi répugnant, même les cerisiers en fleurs ne me font plus envie…
De
drôles de personnages, jeunes et désaxés ou vieux et malades dans tous les sens
du terme. Des bicoques désossées liées à on ne sait quel passé, des clubs où de
jeunes femmes tiennent compagnie aux hommes sans que jamais le sexe vienne s’y
mêler. Des hommes-femmes pleines de méchanceté, des yakusas prêts à tout pour
survivre et puis aussi un vieux faux professeur chinois en sociologie en quête
de rédemption, qui rencontre son alter ego en la personne d’une jeune fille
anglaise en quête de vérité.
Cette seule rencontre est le plus intéressant,
deux êtres si éloignés et pourtant si proches par leur histoire intime et leur
part secrète, commune. Une histoire de bébés ignorants et sacrifiés. Une
histoire qui finit pourtant assez bien, puisque « l’ignorance n’est pas la même chose que le mal » et que
la jeune anglaise trouve ce qu’elle est venue chercher : une histoire bien
réelle, un pan du passé, le massacre de la ville de Nankin qui hante les
esprits encore vagabonds par delà les années qui passent et l’étouffement des
souvenirs.
Les vieilles croyances mises à mal, la foi en la nature humaine à
jamais disparue, chacun retrouvera finalement sa place à la fin de cette
« sale histoire ». Juste une petite déception cependant :
l’auteure ne nous dit pas si l’héroïne finit par l’écrire cette lettre, à celle
qui finalement la sauve en lui demandant : promettez-moi qu’un jour je recevrai une lettre de vous. Une jolie lettre,
qui me dira que vous êtes heureuse. Ecrite par vous, dans un autre pays, où
vous serez en sécurité. Loin de Tokyo et de toute cette boue inhumaine. A
nous d’imaginer d’où elle va l’écrire…